Éditorial  Pauvreté

Pour ne plus stationner la misère

Le nouveau plan montréalais sur l’itinérance dérange parce qu’il pose une question délicate. Le réseau de refuges aide-t-il vraiment à long terme les personnes itinérantes ? A-t-on oublié de le vérifier parce qu’on était trop convaincu de se rendre utile en offrant des lits et repas ?

Cet examen, le Mouvement pour mettre fin à l’itinérance (MMFI) a eu l’audace de le faire, comme le démontre son plan déposé vendredi.

La lutte contre l’itinérance est menée à la fois par le fédéral, le provincial et le municipal. Le risque d’éparpillement est donc grand. Le MMFI l’évite en coordonnant l’action de quelque 30 organismes communautaires et intervenants en santé, en plus de la Ville et de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Cela se fera selon une nouvelle approche. Au lieu de gérer l’itinérance, on l’éliminera.

La gérer, c’est ce que fait le réseau actuel de refuges. On y stationne la misère.

Certes, un service d’urgence minimal doit être maintenu. Mais il devrait servir à évaluer les personnes itinérantes, puis les référer à une aide. Pas à normaliser leur statut.

Cela ne revient pas à dire que l’itinérance est un choix et qu’il faudrait se montrer dur avec ceux qui vivent dans la rue. Pas du tout ! Au contraire, il faut tendre la main pour les aider à se relever.

Cela signifie de réduire le nombre de lits en refuge pour investir ailleurs, afin de donner rapidement accès à un logement et d’y offrir des soins adaptés (santé mentale, toxicomanie, etc.). Mais cela signifie aussi de donner accès à un logement seulement si c’est possible. En effet, une telle autonomie restera impensable pour les cas plus lourds. Une prise en charge sera alors nécessaire.

Cette approche a déjà été testée par des projets-pilotes dans cinq villes canadiennes, dont Montréal. En mars dernier, une étude du Journal of the American Medical Association confirmait son succès.

Pour poursuivre ce virage, le MMFI et le maire Coderre ont procédé dans l’ordre. En recensant d’abord la population itinérante (3016 en mars dernier), puis en se donnant un objectif mesurable (sortir 2000 personnes de la rue d’ici cinq ans) et en chiffrant le coût (37 millions de dollars).

Plus de la moitié de cette somme sera puisée dans les programmes actuels. Le reste viendra du public ou de dons privés. Cela aidera à réduire la misère humaine. On a déjà vu des investissements moins rentables…

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Le plan du MMFI reste toutefois incomplet. Il manque la prévention, comme le soulignait le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).

Ce volet sera dévoilé l’année prochaine. Il devrait se pencher sur les personnes seules. Depuis 2003, les différents programmes d’aide ont permis de réduire la pauvreté des familles monoparentales, mais ce taux a par contre grimpé chez les personnes seules. Si on veut réduire le risque, il faudra s’y attaquer.

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