OPINION MOUVEMENT ENVIRONNEMENTALISTE

Avons-nous échoué ?

David Suzuki fonde ses espoirs sur la capacité d’une nouvelle génération de créer un mouvement plus fort

À l’occasion du 80e anniversaire de David Suzuki, La Presse publie une entrevue où il affirme que l’environnementalisme a échoué.

Ce constat déchirant d’un homme de 80 ans qui a consacré sa vie à la cause environnementale survient alors que le mouvement environnemental, qui célébrera bientôt son cinquantenaire, est en profonde réflexion sur la stratégie à adopter devant l’imminence d’un effondrement de la biosphère.

En d’autres mots : que faire pour ne pas assister impuissants à la destruction des systèmes qui assurent la vie sur Terre, incluant le climat ? David Suzuki nous interpelle. Encore une fois, il mène la charge et fonde ses espoirs sur la capacité d’une nouvelle génération d’écologistes de reprendre l’initiative, de créer un mouvement plus fort. Et ce nouveau mouvement est déjà lancé.

L’auteure et militante Naomi Klein a lancé un pavé dans la mare il y a quelques années dans un texte intitulé « Comment la science nous dit de nous révolter ». Elle y explique que de nombreux scientifiques, confrontés aux signaux d’alarme de la science et à l’inertie de nos institutions devant des enjeux d’une telle envergure, ressentent l’obligation morale de prendre part à des actions militantes. Les scientifiques nous renvoient à notre responsabilité. Les décisions prises aujourd’hui verrouillent notre engagement dans un système qui assure notre destruction. Le choix d’agir ou non est dans nos mains. Paris n’a rien réglé. Tout reste à faire ici au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde.

NE PLUS ATTENDRE, PRENDRE L’INITIATIVE

Devant l’imminence de l’effondrement irréversible de la biosphère, les appels à l’indignation ne suffisent plus. C’est pourquoi un nombre croissant de citoyens s’engagent aujourd’hui dans un effort de mobilisation dans lequel chaque personne est à la fois un grain de sable dans l’engrenage, mais aussi la graine d’un changement porteur d’espoir. Il faut semer le changement, et ceci ne peut être fait qu’en mobilisant un large mouvement qui opposera un véritable rapport de force aux intérêts d’une minorité qui s’est accaparé le pouvoir de blocage sur toute décision favorisant une économie sociale et écologique.

Nous sommes tombés dans le piège de conforter les citoyens dans l’idée que les changements nécessaires pourraient se faire par de petits gestes individuels et par des solutions technologiques plutôt que par des décisions collectives. Nous avons promis le changement dans le confort. Cette promesse n’est plus possible. Nous avons perdu trop de temps. Mais des millions de personnes dans le monde attendent le signal pour recommencer à bâtir le monde auquel ils aspirent, et non celui dicté par un système économique sur lequel plus personne n’a de contrôle.

Le mouvement environnemental ne peut plus être une coalition de militants spécialisés. Il doit se transformer en mouvement citoyen organisé de défense des droits civiques des prochaines générations.

Il ne peut plus s’épuiser dans mille batailles, mais choisir celles qui sont porteuses de véritable changement. Nous devons parler de décroissance, de justice. Nous devons enseigner à nos enfants que la vie est sacrée. Nous devons convaincre les citoyens que le pouvoir de décider est dans leurs mains. Il faut leur faire confiance et leur dire les choses telles qu’elles sont. Le temps du confort est révolu. Nous n’avons plus 50 ans devant nous. Nous en avons 10, 15, peut-être moins.

Nous avons la responsabilité morale de faire valoir notre droit à un environnement sain, et celui des prochaines générations.

L’environnementalisme n’est pas mort. Mais il doit reculer pour mieux sauter.

Merci, David, de nous lancer en avant. Encore une fois.

*Également président du Projet de la réalité climatique Canada d’Al Gore.

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