Hugo Horiot

Autiste, auteur et imposteur

Autiste, mais aussi auteur, comédien et, finalement, imposteur. C’est ainsi que se décrit Hugo Horiot, qui publie ces jours-ci son deuxième ouvrage sur la question. Une rare incursion dans la vie et surtout la tête d’un homme habité par un trouble mal connu. Un texte brut, franc, bref, sans filtre. Cinq mots pour comprendre.

Julien

Hugo Horiot, qui publie ces jours-ci Carnet d’un imposteur, aux Éditions de l’Homme, s’appelait Julien à la naissance. Dès qu’il a eu 2 ans, les médecins français pensaient qu’il finirait ses jours dans un hôpital psychiatrique. Motif ? Il ne parlait pas, ne s’exprimait pas, passant ses journées à faire tourner de petites roues. Son enfance, il l’a dévoilée dans un premier ouvrage qui a fait grand bruit, L’empereur, c’est moi, où il raconte qu’à 6 ans, conscient de cet avenir qui le guettait, il a décidé de changer d’identité. « Il fallait que je me crée un autre personnage. Que je joue un rôle. Je ne pourrais pas être dans ce monde sous ma véritable identité », explique l’homme, de passage à Montréal de Paris cette semaine, pour le lancement de son deuxième livre. Ainsi naissait Hugo.

Hugo

Il se décrit comme un « monstre d’adaptation » : « Mon masque est devenu mon identité, écrit-il. Je me suis adapté. Invisible. Anonyme. Vide. » Pour correspondre à une « norme », résume l’auteur, il a en effet accepté de jouer le jeu : « Accepter les règles de la médiocrité, de la stupidité, ne jamais sortir du cadre. » En un mot : « Me taire. » « Ce sont des années pendant lesquelles j’ai feint la normalité, pour cacher tout ce qui était de l’ordre de ma spécificité, raconte-t-il, en regardant par la fenêtre. Je me suis glissé dans le rôle d’un personnage. » C’est finalement grâce au théâtre puis à l’écriture qu’il a le sentiment de s’être « sauvé ». « L’écriture m’a permis de laisser tomber le masque. » En effet, il livre ici ses pensées et réflexions sans filtre ni fausse pudeur. Exit la « marionnette » : il se révèle tel qu’il est, avec toutes ses réflexions sur le monde, cette « comédie humaine ».

Statistiques

Un bref chapitre est consacré aux chiffres sur l’autisme en France (« Une culture surinstitutionnalisée », dénonce Hugo Horiot). On y apprend que, dans l’Hexagone, 650 000 personnes seraient touchées par l’autisme, environ 1 naissance sur 100. Là-bas, 80 % des enfants autistes ne sont pas scolarisés, et entre 76 % et 90 % sont sans emploi. À noter : au Québec, l'enjeu n'est pas tant la non scolarisation (plus de 8000 enfants autistes sont scolarisés dans le système public, un chiffre qui va en s'accroissant) que l'accès des enfants atteints d'une trouble du spectre autistique (TSA) aux ressources, fait valoir la Fédération québécoise de l’autisme. Quoi qu’il en soit : « Je ne suis pas une statistique », revendique Hugo Horiot. Aussi préfère-t-il parler de « neurodiversité et non de handicap ».

Paternité

Autiste (quoique jamais officiellement diagnostiqué, mais les témoignages de sa mère, publiés dans Le Petit Prince cannibale, ainsi qu’un documentaire sur sa vie – Julien/Hugo, de Sacha Wolff –, laissent peu de doute quant à son état), acteur, auteur, mais aussi père. Hugo Horiot cumule les chapeaux. Ses réflexions sur la paternité sont aussi d’une franchise désarmante. « Je n’ai rien connu de plus violent que la paternité, au niveau psychologique, au niveau des angoisses », dit-il. Imaginez l’angoisse. Alors qu’il a détesté sa petite enfance, voilà qu’il se retrouve à élever un enfant tout à fait heureux de son état. « Il me ramène dans le monde de l’enfance que j’ai détesté. Dont j’ai voulu sortir. Il me prend par la main. Un peu comme si je revivais une enfance que je n’ai jamais vécue. C’est assez déconcertant. »

Symbole

Il en est bien conscient : aux yeux du public, il incarne quelque chose comme un symbole. « Avant d’être un homme, je suis un symbole », écrit-il. Mieux. Il a aussi une mission, celle d’« incarner un message d’espoir ». « J’ai reçu des tas de lettres, de messages, par centaines. De gens qui me disent : “On se reconnaît. Merci de nous défendre.” » Hugo Horiot propose en effet un portrait bien différent de l’image stéréotypée de l’autiste type : « Mon message, c’est un peu que nous, les autistes, on est des hommes comme les autres », conclut-il. Avec des émotions, des sentiments, certes parfois « décuplés », mais des hommes comme les autres malgré tout.

Carnet d’un imposteur

Hugo Horiot

Éditions de l’Homme, 139 pages

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