Libre-échange Canada-Europe

En vigueur très rapidement

Même s’il faudra vraisemblablement attendre encore quelques années avant que l’Accord économique et commercial global (AECG) n’entre définitivement en vigueur, après sa ratification par chacun des États membres de l’Union européenne, une forte majorité de ses clauses pourraient s’appliquer de façon provisoire très rapidement, soit d’ici le printemps.

Parlement européen

De la même façon qu’au Canada, certains champs sont de compétence fédérale ou provinciale, les pouvoirs se partagent en Europe entre l’Union européenne et chacun de ses membres. Le traité prévoit la possibilité d’une mise en application provisoire rapide pour toutes les clauses qui relèvent uniquement du Parlement européen, soit la très grande majorité d’entre elles.

Tarifs douaniers

Les modifications aux tarifs douaniers, qui sont au cœur du traité, sont de compétence européenne et vont donc pouvoir entrer en application rapidement. On estime que les tarifs sur 98,4 % de tous les produits échangés entre les deux pays seront réduits à zéro dès la mise en application provisoire. Ce sera 98,8 % sept ans plus tard. Les rares exclusions toucheront le fromage européen, le porc et le bœuf canadiens et quelques pièces automobiles ou morceaux de vêtements.

La grande exclusion

Parmi les dispositions qui devront attendre la ratification de tous les gouvernements nationaux européens, les plus importantes concernent les règlements des différends entre des investisseurs et un État, si celui-ci devait adopter des lois ou règlements contraires à leurs intérêts. Ce sont ces dispositions qui avaient suscité l’inquiétude de la région belge de la Wallonie, à l’automne, et failli faire dérailler les discussions.

L’inconnue

Qu’arriverait-il si un des pays membres de l’Union européenne refusait de ratifier l’accord ?

« On ne le sait pas, il n’y a pas de précédent », indique Pierre Marc Johnson, avocat-conseil au cabinet Lavery et négociateur en chef du Québec pour cet accord.

Selon lui, toutefois, une disposition de la Constitution européenne fait en sorte « qu’une fois appliqué provisoirement, il faut l’unanimité de tous les États pour le suspendre », ce qui semble bien peu probable.

En vigueur

Outre les tarifs douaniers, la mise en application provisoire pourra inclure d’autres grands éléments du traité, comme l’accès aux marchés publics, la libre circulation des personnes, l’équité entre les investisseurs locaux et étrangers ou la certification des produits.

Du travail à faire

Des membres du Parlement européen ont parlé d’une application dès le 15 mars. Cela semble très rapide pour Xavier Van Overmeire, avocat expert en commerce international et en droit de l’Union européenne chez Dentons Canada et fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

« Il y a encore beaucoup de travail à faire au Canada », observe-t-il. C’est moins vrai en Europe, où l’on a déjà signé des accords presque identiques avec Singapour et la Corée du Sud.

Il faudra d’abord faire adopter le projet de loi C-30, qui modifie quantité de lois et règlements pour les rendre conformes à l’accord. Il est actuellement devant le Sénat.

« Il n’y a pas que les modifications législatives, note M. Van Overmeire. Si je prends l’exemple de l’ouverture des marchés publics, ça veut dire qu’il faudra par exemple aller faire de la formation à Baie-Comeau pour expliquer qu’au-delà d’un certain seuil, il faut publier l’appel d’offres d’une certaine façon pour qu’il soit visible à l’extérieur du Canada. »

Deux à trois mois

Dans ses communications, le gouvernement du Canada parle d’une mise en application « au printemps 2017 ». M. Johnson, lui, s’attend à un délai de deux à trois mois. La détermination de la date exacte est en fait la prochaine étape du processus et doit faire l’objet d’une entente entre le gouvernement du Canada et celui de l’Union européenne.

Il pourrait se créer certains « vides juridiques » tant que les provinces n’auront pas elles aussi modifié leurs lois pour les rendre conformes, mais ils seront vraisemblablement sans conséquence, assure M. Johnson.

« Quand on parle aux Européens, ils souhaitent surtout que le Québec, l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta agissent le plus vite possible. »

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