Adolescente retrouvée morte à Laval

Alors que les élèves de l’école secondaire Poly-Jeunesse pleuraient hier la disparition d’Athena Gervais, on apprenait que la jeune fille avait probablement les facultés affaiblies par la consommation d’une boisson alcoolisée controversée au moment de sa mort.

Adolescente retrouvée morte à Laval

Couche-Tard retire la boisson FCKD UP de ses tablettes

Tout le Québec a été secoué par la découverte du corps d’Athena Gervais, 14 ans, dans un ruisseau de Laval. Alors que les élèves de l’école secondaire Poly-Jeunesse pleuraient hier la disparition de leur camarade, on apprenait que la jeune fille avait probablement les facultés affaiblies par la consommation d’une boisson alcoolisée controversée, volée au dépanneur du coin, au moment de sa mort. Dans la foulée du drame, Couche-Tard a annoncé qu’elle retirait définitivement le produit à forte teneur en alcool.

La jeune Athena Gervais aurait consommé au moins une canette de la boisson controversée FCKD UP sur l’heure du dîner lundi, ont relaté hier des amis de l’adolescente. Elle n’était pas retournée en classe ensuite. Elle a été retrouvée trois jours plus tard gisant dans un ruisseau derrière son école secondaire.

Le récit bouleversant, qui n’est pas confirmé par les autorités, donne froid dans le dos. Quelques heures après la diffusion de ces troublantes informations dans les médias, Couche-Tard a choisi de faire une croix sur la vente de la boisson sucrée et fortement alcoolisée en ordonnant son retrait immédiat des rayons de ses quelque 680 magasins québécois. La décision est définitive, a confirmé l’entreprise en soirée.

« Mission accomplie, nous pourrons commencer un deuil », a brièvement commenté à La Presse le père de l’adolescente, Alain Gervais.

D’après les résultats préliminaires de l’autopsie relayés par le Service de police de Laval, le corps d’Athena ne montrait aucune trace de violence, ce qui conforte la thèse de l’accident. En attendant la conclusion des analyses toxicologiques, la police de Laval n’a toutefois pas voulu confirmer si la jeune fille était effectivement sous l’effet de l’alcool au moment de sa mort.

En compagnie d’autres jeunes, elle se serait rendue au dépanneur du coin lundi midi, selon les témoignages recueillis. Ils y auraient volé des canettes de FCKD UP, boisson sucrée ayant une forte teneur en alcool (11,9 %). Un garçon qui se décrit comme un ami proche d’Athena raconte qu’ils ont bu ensemble et qu’elle aurait par la suite « calé » une autre canette à son retour sur le terrain de l’école.

« Elle avait de la misère à marcher, elle est tombée par terre devant l’école, raconte le jeune homme. On a tenté de la faire rentrer à l’intérieur, mais elle ne voulait rien savoir. » Ses amis sont donc rentrés pour leurs cours de l’après-midi, la laissant seule à l’extérieur. Ils ne l’ont jamais revue vivante. Sa disparition a été signalée par sa mère en soirée lundi. Les pompiers ont fait la triste découverte jeudi vers 16 h 30.

PRODUITS CONTROVERSÉS

La mort de l’adolescente a rapidement relancé le débat sur l’accessibilité des boissons hyper sucrées et alcoolisées pour les jeunes, comme FCKD UP et Four Loko. L’automne dernier, La Presse avait publié une série d’articles sur l’inquiétude des médecins à l’endroit de ces boissons, réservées aux 18 ans et plus, mais dont le goût et la mise en marché sont particulièrement accrocheurs pour un jeune public.

« Bien que ce produit soit tout à fait légal pour la vente, agir de manière responsable est une façon de faire chez Couche-Tard et c’est pourquoi cette décision a été prise [hier] », a indiqué la chaîne dans un communiqué publié en soirée. Plus tôt en journée, l’entreprise avait été montrée du doigt après avoir publié sur Facebook, il y a quelques jours, une promotion de la boisson FCKD UP expressément pour la semaine de relâche. La publicité a été retirée en après-midi.

Le Groupe Geloso, société établie à Laval qui fabrique le FCKD UP et d’autres marques connues comme la bière Boris et le Poppers, a affirmé « comprendre et appuyer la décision de Couche-Tard » de retirer son produit des rayons, mais a ajouté que le retrait devrait aussi « s’étendre à Four Loko » dont la teneur en alcool est de 11,9 %.

Pour l’heure, Couche-Tard n’a pas tranché le sort de Four Loko, puisque le produit fait actuellement l’objet d’un retrait de la Régie des alcools, des courses et des jeux pour avoir contenu de l’alcool éthylique plutôt que de l’alcool issu de la fermentation de malt, ce qui est contraire à la réglementation. Couche-Tard évaluera donc la situation si le produit fait un retour sur le marché.

« RÔLE DE LEADER »

Un peu plus tôt hier, le Groupe Geloso affirmait être prêt « à jouer un rôle de leader pour agir en faveur de la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de contrôle sur le territoire québécois, allant jusqu’à considérer, de concert avec les autres producteurs, le retrait de ce type de produit ». Ce que l’entreprise réitérait fermement en soirée après l’annonce de Couche-Tard.

Le coprésident Aldo Geloso a d’ailleurs décrit la mort d’Athena Gervais comme une « véritable tragédie ». « Il est évident qu’elle aurait consommé, le cas échéant, une boisson alcoolique qu’elle n’aurait jamais dû avoir en sa possession. Dans cette mesure, à titre personnel et comme père d’un adolescent, j’aimerais offrir mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches », a-t-il écrit dans une déclaration.

Ce n’est pas la première fois qu’Aldo Geloso exprime son malaise par rapport à ces boissons. Dans une entrevue avec La Presse, en novembre, il avait affirmé que l’arrivée sur les rayons de la boisson américaine Four Loko « ne lui [avait] pas donné le choix ». Il affirmait aussi avoir tenté de dissuader les détaillants de la vendre, mais s’être résigné à lancer le FCKD UP pour « protéger les 400 emplois » de son entreprise.

Hier, M. Geloso a proposé la création d’une table de concertation réunissant les acteurs de l’industrie et les gouvernements « afin de trouver des solutions pour mieux prévenir la consommation illégale par des mineurs ».

Sur le plan de l’alcoolémie, boire une canette de FCKD UP équivaut à consommer quatre verres de vin. L’Institut national de santé publique du Québec a récemment remis à l’Assemblée nationale une recherche sur ce type de boissons, mais le ministère de la Santé n’en a pas encore dévoilé les résultats.

BIEN EN VUE DANS LES DÉPANNEURS

Le commis du Provi-Soir où s’étaient rendus Athena et ses amis, lundi dernier, a affirmé que « de 30 à 40 jeunes » venaient chaque jour faire leur tour à l’heure du dîner. Les petits vols à l’étalage y sont fréquemment observés, « surtout chez les filles », remarque l’employé.

Dans cet établissement situé à 300 m de l’école sur le boulevard Sainte-Rose, la boisson FCKD UP était jusqu’à récemment placée en évidence sur un présentoir près de la caisse, ce qui facilitait les vols. Les contenants, vendus à raison de deux pour 6,99 $, ont depuis été déplacés plus loin dans un réfrigérateur.

La facilité avec laquelle les jeunes peuvent se procurer ce type de produits inquiète Éduc’alcool depuis un bon moment. Son directeur général, Hubert Sacy, sans commenter expressément la mort d’Athena Gervais, puisqu’elle fait toujours l’objet d’une enquête, a néanmoins renouvelé son appel aux différents ordres de gouvernement à resserrer les lois en vigueur afin d’éloigner les jeunes de ces boissons.

« Le produit en soi est dangereux et trompeur, a dit M. Sacy. Les additifs et le sucre camouflent le goût de l’alcool. Et sur le plan marketing, avec les couleurs vives, le design… on ne s’adresse quand même pas aux personnes âgées ! »

« On cible clairement les jeunes, et ceux-ci finissent aux urgences, intoxiqués. »

— Hubert Sacy, directeur général d'Éduc’alcool

L’Association des brasseurs du Québec espère d’ailleurs que le débat suscitera une « réflexion » sur la mise en marché de ce genre de produits. « Quand on s’adresse à une clientèle plus jeune, il faut tenir compte que c’est peut-être une clientèle plus vulnérable, moins habituée à consommer et à en mesurer les risques », explique le directeur général, Patrice Léger-Bourgoin.

« Dans un marché comme au Québec, où la commercialisation de l’alcool est plus libéralisée qu’ailleurs, comme producteur, chaque fois que tu mets en marché un produit, tu te dois de réfléchir à la conséquence du message que tu envoies à la clientèle cible », poursuit-il.

Yves Servais, directeur général de l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec, a pour sa part fait valoir que ses membres vendaient un produit légal qui « suscite des questions ». « Mais si on commence à se demander si tous les produits en vente dans les dépanneurs et épiceries sont bons pour les consommateurs, on arrête où ? », a-t-il demandé.

Adolescente retrouvée morte à Laval

« Elle voulait que tout le monde soit heureux »

Des amis s’étaient vêtus de noir, d’autres avaient apporté des fleurs. Dans le froid mordant, la tristesse était partout hier matin devant l’école Poly-Jeunesse de Laval, établissement de 1500 élèves que fréquentait Athena Gervais.

À travers les larmes, tous tentaient de comprendre ce qui était arrivé à cette jeune fille enjouée, « toujours souriante », « qui voulait que tout le monde autour d’elle soit heureux ».

Une autopsie ainsi que des analyses toxicologiques ont été réalisées sur le corps d’Athena, repêché jeudi dans le ruisseau situé à quelques mètres seulement de l’école. Le chemin menant au cours d’eau est passablement escarpé, présentant un dénivelé de quelques mètres, a pu constater La Presse.

Selon les autorités, la cause de sa mort serait accidentelle. Plus tôt cette semaine, des membres de sa famille avaient écarté l’hypothèse d’une fugue.

« Je vous garantis que ce n’est pas une fugueuse », a confié hier Tommy, qui décrit Athena comme sa meilleure amie. Il a avoué s’être effondré quand il a appris sa mort la veille. Sa voix tremblait encore hier.

Tous deux des élèves de deuxième secondaire, ils se connaissaient depuis deux ans.

« Elle était toujours souriante, elle était là pour tout le monde. Même quand on n’allait pas bien, elle s’arrangeait pour qu’on soit heureux ! »

— Tommy, ami d'Athena Gervais

La jeune fille de 14 ans avait été vue pour la dernière fois lundi midi, mais sa disparition n’a été signalée à la police que tard en soirée. Il a donc fallu près de trois jours pour la retrouver. Un survol en hélicoptère et le recours à des maîtres-chiens avaient été rendus nécessaires. Ce sont finalement les pompiers qui ont fait la macabre découverte en fin de journée jeudi. Le corps d’Athena était complètement submergé.

« Si on n’avait pas les pieds dans l’eau, on ne pouvait pas la voir de la rive », a dit Geneviève Major, du Service de police de Laval.

Soutien aux élèves

En cette dernière journée avant la relâche scolaire, tous les élèves de Poly-Jeunesse ont été rencontrés hier. La Commission scolaire de Laval, en collaboration avec les services sociaux et les policiers, tenait à assurer un suivi psychologique et à les accompagner dans leur deuil.

Les enseignants étaient également sur les lieux pour assurer une présence apaisante.

« Pour bien des élèves, les enseignants sont des personnes significatives, c’était important qu’ils soient là. Ils vivent cette tragédie avec eux », a souligné Jean-Pierre Archambault, directeur des communications de la commission scolaire.

Les services d’accompagnement seront également disponibles pendant plusieurs jours au retour de la relâche.

Vu l’enquête policière en cours, et faute d’informations supplémentaires, M. Archambault n’a pas commenté l’hypothèse selon laquelle Athena était en état d’ébriété au moment de sa mort. « Ce sont des élèves du secondaire, alors ils ont le droit de quitter le terrain de l’école sur l’heure du dîner, et on ne peut pas les suivre partout », a-t-il dit.

« Des drames du genre peuvent se produire après une cascade d’événements, et on n’a pas encore toutes les informations en main, a-t-il poursuivi. N’empêche, quand on en saura davantage, on fera tout en notre pouvoir pour que ça ne se reproduise pas. »

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