Boissons alcoolisées

Le fabricant de FCKD UP propose d’interdire la vente d’alcool près des écoles

Le fabricant de la boisson controversée FCKD UP propose d’interdire la vente d’alcool dans les dépanneurs situés près des écoles. « Le gouvernement pourrait créer des zones sèches [dry zone en anglais] où l’alcool ne pourrait tout simplement pas être vendu par un détaillant s’il se situe dans une zone scolaire », écrit le Groupe Geloso, fabricant de la boisson FCKD UP, dans son mémoire destiné aux élus siégeant à la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi 170 et que La Presse a obtenu. Le projet de loi 170 vise à modifier plusieurs dispositions législatives en matière de boissons alcoolisées.

Une mort qui a tout changé

À la suite de la mort de la jeune Athena Gervais à l’hiver, Québec a annoncé son intention de bannir les boissons sucrées à haute teneur en alcool des dépanneurs et des épiceries. Cette adolescente de 14 ans de Laval a été retrouvée morte dans un ruisseau près de son école secondaire après avoir consommé deux canettes de FCKD UP possiblement volées dans un dépanneur situé à proximité. En réaction au drame, le Groupe Geloso a pour sa part indiqué qu’il cessait la production de la boisson FCKD UP. Il continue toutefois de produire d’autres boissons de malt à haute teneur en alcool.

Des dispositifs sonore chez les détaillants

En plus de proposer des « zones sèches » près des écoles, le fabricant de FCKD UP suggère un meilleur contrôle dans les points de vente pour dissuader les mineurs de se procurer ce genre de boissons, notamment un « cartage systématique » des clients. « Une option serait d’installer des dispositifs qui feraient du bruit à chaque fois qu’un produit serait pris d’un présentoir, similaire à ce qui est fait avec la vente de lames de rasoirs », indique l’entreprise québécoise dans son mémoire d’une dizaine de pages qui contient 12 recommandations.

Limiter le taux de sucre et bannir les gros formats

Le Groupe Geloso – qui fabrique une cinquantaine de produits alcoolisés – propose aussi de limiter le taux de sucre à 70 g/L dans les boissons sucrées dont la teneur en alcool est de 7,1 % à 10 %. Et un taux de sucre encore plus bas (maximum de 50 g/L) pour les boissons alcoolisées entre 10,1 % et 11,9 % (la catégorie du FCKD UP et de sa concurrente américaine Four Loko). À titre d’exemple, une seule canette de Four Loko contient 13 cuillerées de sucre. « Ainsi, le goût de l’alcool serait moins dissimulé par le goût sucré du produit », souligne l’entreprise québécoise. Cette dernière propose aussi de bannir les canettes de plus de 500 ml pour cette catégorie (Four Loko est vendue à l’heure actuelle dans une canette de 568 ml, tout comme l’était le FCKD UP).

Canette refermable

Avant la mise en marché de FCKD UP à l’automne dernier, l’entreprise québécoise avait entrepris des démarches auprès de Recyc-Québec pour faire approuver un modèle de canette refermable. Or, cette demande a été refusée en mai 2017 par les autorités compétentes, déplore le Groupe Geloso dans son mémoire. L’entreprise revient aujourd’hui à la charge : « Une telle canette aiderait à promouvoir la consommation responsable des produits d’alcool de plus de 7 % parce que les consommateurs ne se sentiraient plus obligés de finir leur canette rapidement. »

Bannir l’ajout de guarana

Au moment de la mise en marché de FCKD UP l’automne dernier, La Presse avait mis en lumière les préoccupations de médecins et d’experts en santé publique quant aux risques pour la santé de ces produits très populaires chez les jeunes. À l’époque, une experte avait souligné que la boisson FCKD UP était encore plus dangereuse que le Four Loko à cause du guarana qu’elle contient. C’est que le mélange d’une boisson énergisante avec l’alcool masque les effets de l’alcool. Cette combinaison augmente donc l’adoption de comportements à risque, notamment celui de prendre le volant alors qu’on a les facultés affaiblies par l’alcool. Dans son mémoire, le Groupe Geloso fait aujourd’hui volte-face et annonce qu’il retire l’essence de guarana de toute sa gamme de produits en plus de recommander de bannir l’ajout de stimulants tels que le guarana dans toute l’industrie.

Geloso « déçu » de ne pas aller en commission parlementaire

La commission parlementaire entendra plusieurs témoins à compter d’aujourd’hui à Québec, dont Éduc’alcool. Le gouvernement Couillard a toutefois refusé d’entendre M. Geloso, soulignant que les intérêts de l’industrie seront défendus par l’Association de microbrasseries du Québec et l’Association des brasseurs du Québec. « Nous sommes déçus que le gouvernement ait élaboré sa politique à la hâte sur un coin de table sans consulter tous les acteurs de l’industrie et en particulier le Groupe Geloso, directement visé par la législation, a réagi le coprésident de l’entreprise Aldo Geloso dans une déclaration écrite transmise à La Presse. Le problème de la consommation d’alcool chez les mineurs mérite l’attention de toute l’industrie et mérite une solution globale qui aborde toutes les facettes de la problématique, incluant l’accessibilité des produits alcoolisés chez les détaillants. » L’entreprise croit que le gouvernement « ne fait que déplacer le problème » en interdisant les produits à base de malt comme le FCKD UP, tout en continuant de permettre la vente d’autres produits contenant plus de 7 % d’alcool dans les dépanneurs. Si le gouvernement est « cohérent », il devrait appliquer sa nouvelle réglementation à « toutes les catégories mur-à-mur : bières, cidres, apéritifs, etc., qui contiennent plus de 7 % d’alcool », conclut le Groupe Geloso.

13

Nombre de cuillerées de sucre que contient une seule canette de Four Loko.

« Le problème de la consommation d’alcool chez les mineurs mérite l’attention de toute l’industrie et mérite une solution globale qui aborde toutes les facettes de la problématique, incluant l’accessibilité des produits alcoolisés chez les détaillants. »

— Le Groupe Geloso, dans son mémoire

Plus de mordant réclamé contre le sexisme

Le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques dénonce les « abus » et les « problèmes majeurs » vécus dans la promotion et la vente d’alcool au Québec. Lors des auditions publiques du projet de loi 170 modernisant le régime des permis d’alcool, qui débutent aujourd’hui à l’Assemblée nationale, l’organisme demandera au gouvernement « d’interdire formellement le recours au sexisme » dans les publicités et de « limiter le nombre de permis d’alcool » pour réduire la concurrence entre les bars et leur recours à des pratiques promotionnelles « inacceptables » pour « survivre ».

Contexte

En février dernier, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a déposé le projet de loi 170 modernisant les règles encadrant les permis d’alcool. Le gouvernement Couillard souhaite adopter cette réforme avant la fin de la session parlementaire.

Le projet de loi prévoit entre autres de permettre la consommation d’alcool dans un restaurant sans devoir acheter de la nourriture, la création d’un permis permettant aux restaurants de livrer à domicile l’alcool qu’ils affichent sur leur menu en salle, la possibilité d’acheter de l’alcool dans les dépanneurs dès 7h ou bien de permettre aux enfants d’être avec leurs parents sur la terrasse d’un bar ou d’un restaurant jusqu’à 23 h plutôt que jusqu’à 20 h (la limite actuelle).

Les auditions publiques du projet de loi se déroulent en commission parlementaire d’aujourd’hui au mardi 17 avril à l’Assemblée nationale.

Des pouvoirs trop limités

Selon le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques, présidé par Robert Dutton (qui était à la fête de RONA de 1992 à 2012), la Régie des alcools, des courses et des jeux a par le passé autorisé des publicités « d’un sexisme d’un autre âge », limitée « dans ses interventions par [les] lois et règlements » qui n’interdisent tout simplement pas le sexisme.

«  [Les] lois relatives à l’alcool […] sont d’un tel laxisme et d’une telle permissivité – notamment sur le plan du sexisme – que l’industrie de l’alcool s’est donné à elle-même des contraintes qui sont plus exigeantes que la loi elle-même. Ce qui est un comble », écrit-on dans le mémoire qui sera déposé aujourd’hui en commission parlementaire.

Or, « malgré bien des efforts, on ne peut que constater que les abus sont flagrants et que les règles d’éthique ont leurs limites, qui sont désormais atteintes ».

— Extrait du mémoire du Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques

Le Conseil cite en exemple une microbrasserie de Lévis qui a par le passé commercialisé une bière au nom de « Tite-Pute », décrite comme une « blonde facile ». Dans son mémoire, l’organisme cite également la page Facebook du bar Chez Serge, qui a par le passé annoncé des « Sexy Rodeo » en publicisant l’événement avec des photos de femmes légèrement vêtues.

« Le bar Chez Serge est loin d’être une exception. Une pléthore de bars rivalise d’imagination en matière de sexisme et d’exploitation du corps de la femme », écrit-on dans le mémoire, citant au passage un dépanneur qui offre, à l’ouverture de la saison de chasse, un calendrier de femmes nues « à l’achat d’une caisse de 24 bouteilles de bière ».

Le Conseil recommande à Québec « d’interdire formellement dans la réglementation le recours au sexisme et à l’exploitation de la sexualité pour vendre de l’alcool ».

Trop de concurrence ?

Le Conseil évoque dans son mémoire que des propriétaires de bars lui ont dit par le passé qu’ils étaient poussés vers ces excès en raison de la forte concurrence dans leur industrie.

« Il semble exister en effet une telle concurrence entre les bars que plusieurs rivalisent d’ingéniosité pour inventer les moyens les plus inacceptables, quitte à contourner, voire à violer les lois pour, disent-ils, “survivre”. »

— Le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques

« Le Conseil est bien conscient du fait que cette concurrence acharnée est un incitatif puissant à cet abus de promotions. Il propose à l’Assemblée nationale de réfléchir très sérieusement à la limitation du nombre des permis d’établissements licenciés et de mettre sur pied un encadrement plus rigoureux et plus restrictif des permis émis chaque année », poursuit-on.

Des promotions problématiques en épicerie

Certaines épiceries – dont certaines grandes chaînes – « banalisent l’alcool » en contournant « de manière flagrante le prix minimum de la bière », et ce, de façon « parfaitement légale ».

Dans une liste détaillée, l’organisme énumère en exemple des rabais de 15 $ sur une facture d’épicerie à l’achat de 2 caisses de 24 bières, un autre rabais de 7 $ sur la facture d’épicerie à l’achat de 30 canettes de bière, un fromage gratuit ou des côtes de dos de porc gratuites à l’achat d’un certain nombre de bières, ainsi que plusieurs autres promotions qui ont été affichées dans certaines grandes chaînes d’épicerie.

Le Conseil souhaite que Québec interdise « formellement toute promotion qui permet de contourner le prix minimum de la bière par des promotions croisées ».

Qu’est-ce que le Conseil ?

Le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques est un organisme d’autoréglementation qui supervise l’application d’un code d’éthique qui définit les « responsabilités sociales qui va au-delà des lois et des règlements en vigueur » que ses membres s’imposent à eux-mêmes. La Société des alcools du Québec (SAQ), et plusieurs organismes, dont le Conseil des chaînes de restaurants du Québec et la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, en sont membres.

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