Montréal

Plus de 5600 enfants vulnérables dans les maternelles

Les classes de maternelle 5 ans de Montréal comptent 28,5 % d’élèves vulnérables, soit 5630 enfants, révèle un rapport de la Direction régionale de santé publique obtenu par La Presse et qui sera dévoilé aujourd’hui. 

Loin d’y voir une preuve de la nécessité de développer plus de classes de maternelle 4 ans, comme le souhaite Québec, la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, estime qu’il faut intervenir précocement, notamment en continuant de développer des services de garde de qualité chez les tout-petits. 

Il s’agit d’un avis partagé par la chercheuse en éducation Christa Japel, qui témoigne avoir souligné vainement au gouvernement caquiste qu’implanter largement des maternelles 4 ans n’était pas une panacée.

Vaste enquête

Les données qui seront présentées aujourd’hui par la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal proviennent de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle menée en 2017. 

En tout, 5178 enseignants de maternelle des quatre coins du Québec ont évalué 83 335 élèves fréquentant des classes ordinaires. Les enseignants ont mesuré cinq domaines de développement : compétences sociales, développement cognitif et langagier, santé physique et bien-être, maturité affective, et habiletés de communication et connaissances générales.

L’automne dernier, les données pour le Québec en entier avaient été publiées et révélaient que 27,7 % des enfants québécois de maternelle présentent une vulnérabilité dans au moins un domaine de développement. À Montréal, cette proportion est légèrement plus élevée (28,5 %), soit un taux qui se situe au-dessus de la cible de 20 % d’ici 2021 fixée par le gouvernement.

proportion d’enfants vulnérables dans au moins un domaine de développement

Outaouais : 33,5 %

Nord-du-Québec : 33,3 %

Laval : 31,3 %

Estrie : 29,4 %

Laurentides : 29,0 %

Côte-Nord : 28,6 %

Montréal : 28,5 %

Ensemble du Québec : 27,7 %

Montérégie : 27,5 %

Bas-Saint-Laurent : 26,6 %

Abitibi-Témiscamingue : 26,3 %

Mauricie–Centre-du-Québec : 26,0 %

Lanaudière : 25,9 %

Saguenay–Lac-St-Jean : 25,8 %

Centre-du-Québec : 25,6 %

Capitale-Nationale : 25,0 %

Chaudière-Appalaches : 23,6 %

Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine : 22,0 %

Les enfants défavorisés plus touchés

Les enfants issus de familles défavorisées sont plus vulnérables que ceux de familles plus aisées, révèle le rapport de la DRSP de Montréal. Pour la Dre Mylène Drouin, cela peut expliquer en partie pourquoi la proportion d’enfants vulnérables est plus élevée dans la métropole que dans le reste du Québec. 

« À Montréal, 17 % de nos familles d’enfants de 0-4 ans vivent sous le seuil de la pauvreté alors que dans le reste du Québec, c’est 8 % », dit-elle.

La Dre Drouin souligne que la proportion d’enfants vulnérables stagne à Montréal depuis 2012, alors qu’elle a augmenté dans l’ensemble du Québec. « On ne peut pas établir de lien pour savoir exactement comment nous y sommes arrivés. Mais on sait entre autres que notre proportion de familles à faible revenu est passée de 25 % à 17 % », avance-t-elle.

Côte-des-Neiges fait meilleure figure que Beaconsfield

De tous les territoires de CLSC de Montréal, c’est à Saint-Michel que la proportion d’enfants vulnérables est la plus élevée (40,7 %). 

La DRSP veut mener des recherches au cours de la prochaine année pour bien comprendre pourquoi le taux d’enfants vulnérables varie autant d’un quartier à l’autre. 

La Dre Drouin explique avoir été surprise de voir qu’un territoire comme Côte-des-Neiges qui présente des facteurs socio-économiques moins favorables compte 23,5 % d’enfants vulnérables alors que d’autres, comme Pointe-Claire Sud (38 %), Baie-d’Urfé (39,6 %) et Beaconsfield (33,2 %), ont des taux plus élevés. « On veut explorer la question avec les intervenants locaux pour comprendre ce qui se passe », dit-elle.

proportion d’enfants vulnérables dans au moins un domaine pour certains territoires de CLSC de Montréal

Saint-Michel : 40,7 %

Pointe-Saint-Charles : 39,3 %

LaSalle : 36,0 %

Des Faubourgs : 35,9 %

Dorval-Lachine : 33,7 %

Hochelaga-Maisonneuve : 33,5 %

Montréal-Nord : 32,5 %

Lac-Saint-Louis : 32,1 %

Verdun : 31,3 %

Pierrefonds : 31,1 %

Mercier-Est–Anjou : 30,8 %

Saint-Laurent : 29,9 %

Pointe-aux-Trembles : 27,3 %

Villeray : 24,5 %

Rosemont : 19,0 %

Plateau-Mont-Royal : 18,7 %

Pire chez les garçons

À Montréal comme dans le reste du Québec, les garçons sont plus à risque de vulnérabilité. « Près de 36 % des garçons sont vulnérables dans au moins un domaine de développement comparativement à 21 % des filles », peut-on lire dans le rapport. 

« Cette donnée coïncide avec ce qui se voit ailleurs dans le monde », note la Dre Drouin. Le document révèle également qu’alors que les enfants nés à l’extérieur du Canada étaient proportionnellement plus vulnérables que ceux qui sont nés au pays lors des enquêtes menées en 2006 et en 2012, ça ne semble plus être le cas en 2017. 

« Le profil d’immigration a peut-être changé. Il faudra analyser cela de plus près pour comprendre », dit la Dre Drouin.

Plus de maternelle 4 ans ?

La Dre Drouin « félicite le gouvernement » actuel qui veut investir dans les services à la petite enfance. Elle se questionne toutefois sur la pertinence « d’imposer des maternelle 4 ans de façon universelle » alors que ces classes « présentent des enjeux d’implantation et de faisabilité ». 

« À date, rien ne nous indique que les maternelles 4 ans sont mieux que les CPE (centres de la petite enfance). […] On est inquiets que le développement des maternelles 4 ans puisse affecter le développement des CPE », commente la Dre Drouin. 

Celle-ci plaide aussi pour que chaque territoire puisse adopter des mesures adaptées à sa réalité. Alors que la décision du gouvernement d’implanter 250 nouvelles classes de maternelle 4 ans dès l’an prochain est critiquée, notamment par le Conseil québécois des services éducatifs de la petite enfance, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a déclaré dimanche matin à LCN que les maternelles 4 ans seraient « une offre de plus » qui ne se ferait pas contre les CPE. 

Professeure au département d’éducation de l’UQAM et auteure d’une étude sur l’impact de la fréquentation des maternelles 4 ans sur les enfants vulnérables, Christa Japel dit avoir été consultée par la Coalition avenir Québec avant les élections au sujet du vaste développement des maternelles 4 ans et affirme avoir manifesté de sérieuses réserves à ce sujet. 

« Ils n’écoutent pas les chercheurs, dit-elle. […] Il faut notamment miser sur le développement des CPE. Et bonifier les services qu’on a déjà. »

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