Opinion : Société

Un marché du travail en mal d’éducation 

« Moi, je n’engage pas d’universitaires, ils sont trop déconnectés de la réalité. »

Oui, oui, ce sont bel et bien des mots qui m’ont été offerts par la directrice d’une entreprise offrant des services de conseil aux entreprises. Ce que nous apprenons sur les bancs d’école, durant des années, ne serait en fait que de vaines connaissances qui n’ont aucun rapport avec la vraie de vraie réalité, celle des entreprises et du travail. Cette attitude est à mon avis due à une méconnaissance du milieu universitaire et à un complexe de supériorité face aux jeunes.

L’université comme laboratoire

Il s’agit d’un lieu aux multiples vocations. Certes, certaines personnes sont formées pour exercer un métier particulier, leur formation sera donc axée sur des apprentissages étroitement liés à la pratique d’un métier, du psychologue au médecin en passant par l’avocat et l'ingénieur.

Par contre, l’université, c’est aussi un laboratoire qui traite du monde physique et social.

C’est le seul lieu où il nous est permis de nous questionner et d’acquérir des connaissances sur de nombreux sujets.

En ce sens, le but n’est pas uniquement de nous inculquer un corpus de connaissances, mais bien de le remettre en question et de le faire évoluer.

Ce qu’il en ressort, ce sont des professionnels, mais aussi des gens qui ont acquis et développé des connaissances sur une foule de sujets. Ces connaissances ont un réel potentiel pour alimenter nos organisations. Plus encore, ces jeunes universitaires sont dotés de compétences clés pour développer ces dernières : sens critique, rigueur, capacité à traiter des données, vaste corpus de connaissances, autonomie, ouverture, et j’en passe !

Un complexe de supériorité

Ces gens, comme le laisse entendre la citation ci-dessus, laissent donc entrevoir un sentiment de supériorité face à une jeunesse qui n’aspire qu’à trouver sa place dans nos organisations. Ce qui est intéressant, c’est que le complexe de supériorité est un masque, qui cache habituellement un sentiment d’infériorité, qu’on tente de rabrouer. Qui sait, peut-être même un complexe d’infériorité d’une génération qui a appris « sur le tas », « à la dure », en « mangeant ses croûtes » face à une jeunesse très diplômée ? Jeunesse qui voudrait « tout cuit dans le bec » ?

Ces gens dénigrent donc l’éducation et son rôle social, au-delà des quelques professions libérales qui en découlent.

N’ayant pour la plupart jamais fréquenté cette institution et ne connaissant ni son rôle ni son fonctionnement, ces personnes croient que l’université n’a rien à apporter dans leurs organisations. Selon elles, la réalité vraie se situe strictement dans la pratique et non pas dans une institution qui fonctionnerait en vase clos.

Force est de constater que ces self made men et women, qui ont fait leur chemin sans passer par l’institution universitaire, écartent d’emblée des connaissances et compétences qui ont un grand potentiel pour les organisations qu’ils dirigent. En voulant former les gens à leur main et en écartant bon nombre d’idées et d’idéaux, ces dirigeants génèrent des frustrations et se condamnent à faire du surplace. Les organisations gagneraient donc à se construire en combinant l’expertise qu’ont développée ces personnes aux connaissances et à l’ouverture de cette nouvelle génération de travailleurs éduqués. Un respect mutuel serait une première étape pour ouvrir un dialogue qui dépasserait les stéréotypes qu’on se plaît à confirmer et alimenter.

Pour terminer, je crois que l’université ne devrait pas être simplement vue comme une barrière à l’entrée pour certaines professions, mais comme un bassin de connaissances et de compétences clés pour nos entreprises de demain.

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