Gastronomie

Sur le menu de l’Hotel Vermont, ce soir…

Beignets de cidre et cheddar, sirop de bouleau 

Pâté de truite fumée du lac Champlain

Tête fromagée d’orignal et charcuteries de cerf servies avec marinades et moutarde 

Saucisses d’orignal, chou rouge braisé 

Chaudrée de poissons du lac Champlain, maïs et quenouilles 

Ragoût de pattes d’orignal, champignons sauvages, nouilles aux œufs, herbes 

Côtes levées de cerf, salade verte, vinaigrette aux canneberges du Vermont 

Pâté de queue de castor braisée, carottes et oignons caramélisés

Gastronomie

Cuisiner les animaux accidentés

Un chef de Burlington prépare ce soir un repas célébrant le gibier local. Son menu comprend aussi de la viande d’animaux dont les carcasses ont été récupérées sur le bord des routes, après qu’ils ont été heurtés par des véhicules. L’idée, originale, n’est pas unique.

Le chic Hotel Vermont est une adresse prisée des gourmands de la région de Burlington, ainsi que des touristes québécois de passage dans cette ville située à deux heures de route de Montréal. L’hôtel compte trois restaurants réputés pour leur désir de mettre en valeur des ingrédients locaux. Avec l’événement-bénéfice Wild About Vermont qui s’y déroule ce soir, le chef Doug Paine teste toutefois les limites de sa clientèle. 

Le repas est conçu autour de pièces de viande sauvage données par des chasseurs, trappeurs et pêcheurs. La brigade s’attend à avoir en main du castor, du dindon sauvage, du petit gibier à plumes et des poissons du lac Champlain qui borde la ville. Aussi joliment apprêtés soient-ils, les vedettes du repas seront deux cerfs de Virginie et un orignal récupérés par les agents de la faune sur le bord des routes. Ce que l’on appelle communément, de l’autre côté de la frontière, du roadkill

« Il y a longtemps que je veux faire ça », confie le chef Doug Paine, au téléphone. La loi du Vermont étant semblable à celle du Québec, le restaurateur ne peut vendre de la viande sauvage qui provient d’animaux qui ont été chassés. C’est pourquoi le repas de ce soir est un événement au profit du département des Pêches et de la Faune de l’État. Les animaux tués sur la route sont une excellente source de protéines gratuite. Toutefois, les risques de contamination sont réels. Avant d’arriver dans les cuisines du restaurant, la viande donnée à Doug Paine a fait un détour par un abattoir où elle a été inspectée. 

Et la clientèle ? 

Elle a été surprise au départ, mais l’idée de récupérer de la viande dans une philosophie d’alimentation durable lui a plu, explique le chef. Au Vermont, les gens qui veulent récupérer des animaux entrés en collision avec des véhicules peuvent s’inscrire sur une liste d’attente, explique-t-il. Lorsque les agents de la Faune se retrouvent sur les lieux d’un accident où la viande est récupérable, ils contactent les gens intéressés. 

La situation au Québec est bien différente : il n’y a pas de liste semblable et il est défendu de récupérer la viande d’un animal mort sur la route, explique Jacques Nadeau, porte-parole du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. 

Ce qui fait dire au chef québécois Jean-Michel Leblond que le Vermont et le Québec, bien que voisins, sont très loin lorsqu’il est question d’alimentation. « Nous sommes dans une phase très créative au Québec, mais en même temps, il y a beaucoup de restrictions », dit le fondateur de Tripes et Caviar, qui organise des événements très carnivores où l’on met en vedette toutes les parties de l’animal. Le chef aurait bien aimé se rendre au Vermont ce soir, à défaut de pouvoir lui-même travailler avec de la viande sauvage récupérée sur le bord des routes.

« Je pense que pour l’instant, nous ne pourrions pas organiser un tel événement ici, même si la loi le permettait. Les gens du Vermont sont très sensibles à la consommation responsable et à l’alimentation locale. »

— Le chef Jean-Michel Leblond, fondateur de Tripes et Caviar

UNE IDÉE CONNUE 

L’idée de travailler avec de la viande d’animaux accidentés n’est pas nouvelle, bien que peu répandue. Il y a néanmoins sur le marché divers livres de recettes qui donnent des conseils pour bien apprêter cette viande unique. « On imagine toujours des bêtes ensanglantées, mais dans 99 % des cas, les animaux que l’on retrouve sur le bord des routes sont intacts », dit l’Américain Charles Irion, auteur du livre Roadkill Cooking for Campers. Son ouvrage contient des conseils de boucherie pour bien récupérer la viande des animaux et s’assurer qu’il n’y ait pas de risques de contamination.

« Les organes internes doivent être intacts et la viande, encore fraîche. »

— Charles Irion, auteur du livre Roadkill Cooking for Campers 

Charles Irion est propriétaire de terrains de camping pour véhicules récréatifs en Arizona. Plusieurs de ses clients lui racontaient leurs histoires de récupération de viande et partageaient même leurs recettes. Réticent au départ, M. Irion a tenté l’expérience et réuni les recettes dans son livre. Sa préférence ? Le museau d’orignal braisé avec de l’oignon, de l’ail et des épices à marinade. « C’est excellent et le goût ne ressemble en rien à ce que vous avez mangé ailleurs. » 

Ce soir, en plus des dons de chasseurs et des animaux des routes, le chef de l’Hotel Vermont travaillera avec un cerf de Virginie tué illégalement et récupéré par les agents de la Faune. Au moment d’écrire ces lignes, il restait quelques places…

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