Vélo québec

Cinquante ans de progrès

Un sport pratiqué par les enfants et une poignée de passionnés. Une métropole sans piste cyclable où la voiture régnait en roi et maître. Oubliez les pistes encombrées à l’heure de pointe : il y a 50 ans à Montréal, le vélo était très loin d’être le moyen de transport démocratisé de 2017. Retour sur cinq décennies de luttes menées par Vélo Québec, qui célèbre cette année son 50e anniversaire.

La démocratisation

« Avant les années 70, le vélo est avant tout réservé aux jeunes qui abandonnent la pratique à l’âge adulte », explique Suzanne Lareau, présidente-directrice générale de Vélo Québec. Mais la crise du pétrole et l’arrivée dans les magasins de vélos bon marché changent la donne. « Le vélo à 10 vitesses se démocratise. Les adultes commencent à en acheter. Mais on réalise que les routes ne sont pas très conviviales pour faire du vélo. Gabriel Lupien [fondateur de Vélo Québec] écrivait en 1970 que certains automobilistes prenaient plus soin d’une vache que d’un cycliste ! Les enjeux d’il y a 50 ans sont toujours les mêmes aujourd’hui, c’est assez sidérant », s’exclame-t-elle.

Les pistes cyclables

Exaspérée par la dangerosité du vélo en ville, la communauté cycliste a commencé à organiser des manifestations pour revendiquer plus d’espace sur la route. En 1977, la piste cyclable du canal de Lachine est inaugurée, la première piste moderne de Montréal. Une victoire qui a enhardi les cyclistes. Ceux-ci devront toutefois attendre 1985 pour l’ouverture de pistes dans l’axe nord-sud (Berri-Boyer) et dans l’est de Montréal construites grâce à un programme de financement du gouvernement provincial. La même année, Vélo Québec a organisé le 1er Tour de l’île de Montréal. L’année suivante, 15 000 cyclistes ont participé à la seconde édition, une « édition clé » qui a démontré l’ampleur du phénomène de société.

Dans le métro

À la fin des années 70, les cyclistes étaient persona non grata dans le métro de Montréal. Une injustice vivement dénoncée par la communauté cycliste. « Il y avait même des manifestations où on entrait dans le métro avec une échelle ou des objets encombrants. On démontrait aux autorités l’absurdité », raconte Suzanne Lareau. En 1982, une timide ouverture des autorités a permis aux cyclistes de transporter leur vélo dans le métro. Or, ils devaient se procurer un permis spécial avec photo au coût de 5 $. L’administration Doré a finalement aboli cette mesure quelques années plus tard.

Le BIXI

L’avènement du BIXI en 2009 a « étonnamment donné un gros boom » à l’utilisation du vélo comme moyen de transport au quotidien, souligne Suzanne Lareau. « Quand BIXI est arrivé, ça a carrément renversé la vapeur. Ça a démontré à tout le monde : oui, on peut utiliser un vélo pour une courte distance en ville. C’est plus efficace, c’est plus rapide. Et là, beaucoup de gens se sont convertis au vélo urbain », se réjouit-elle. Ce service de vélo en libre-service, vendu ou imité partout dans le monde, a pris racine dans un « terreau fertile », rappelle-t-elle.

L’expansion du réseau

Des défis de taille demeurent, selon Suzanne Lareau. « Le réseau cyclable montréalais est saturé, surtout dans le centre de la ville. Il a besoin d’une expansion vraiment importante, parce que les pistes ne sont pas suffisantes pour répondre à la demande à l’heure de pointe », maintient-elle. La solution : construire des pistes séparant physiquement les voitures des vélos dans les artères principales, à l’instar de la piste Maisonneuve. « Il va falloir enlever de l’espace utilisé par les voitures, que ce soit des voies de stationnement et des voies de circulation », explique la dirigeante de Vélo Québec.

La sécurité

Au-delà de l’ajout de voies cyclables à Montréal, il faut carrément repenser la mobilité des cyclistes dans les grands aménagements urbains pour permettre à tous de se déplacer à vélo en sécurité, soutient Suzanne Lareau. « Il faut trouver les moyens dans nos grandes villes de faire de la place pour les piétons et les cyclistes. C’est le grand enjeu des 20 prochaines années », martèle-t-elle. Les mentalités continuent de changer, ajoute-t-elle. Une piste cyclable a été incluse au projet du pont Champlain sans aucun lobbying de l’organisme, un « acquis fantastique », selon elle. « C’est maintenant évident qu’on va faire une voie pour les piétons et les cyclistes ! »

La réforme du Code

Autre chantier de longue date : la réforme du vétuste Code de la sécurité routière, reportée à l’automne prochain par le ministère des Transports (MTQ). « On est mûr pour une nouvelle approche, où on va tenir compte beaucoup plus des piétons et des cyclistes comme étant des parties prenantes en matière de déplacements urbains », explique Suzanne Lareau. Le Code doit donner « l’avantage » aux cyclistes et aux piétons dans les déplacements en ville, dit-elle. Notons que deux récents changements au Code sont venus protéger davantage les cyclistes, une « grande victoire » selon Suzanne Lareau : l’imposition d’une distance de 1 à 1,5 m pour le dépassement d’un cycliste et une amende salée en cas d’« emportiérage ».

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