Chronique

Qui sont les poulains de la haute finance à Montréal ?

Pas de doute, Montréal est une magnifique pépinière de talents en finance. Et maintenant, le Programme des gestionnaires en émergence est là pour les faire bourgeonner.

Comme je vous le racontais au printemps dernier, cette belle initiative est tenue à bout de bras par un groupe d’entrepreneurs de la finance passionnés qui travaillent bénévolement, sans aucune subvention gouvernementale, pour stimuler la relève et donner un coup de jeunesse à la place financière montréalaise. Chapeau !

Le projet est fin prêt à démarrer. Au moins une demi-douzaine de caisses de retraite vont confier environ 300 millions de dollars à ce nouveau club-école qui redistribuera bientôt l’argent à 11 gestionnaires émergents, rigoureusement sélectionnés parmi une quarantaine de candidatures.

L’objectif ? Leur confier des actifs pour trois ans, le temps qu’ils fassent leurs preuves et puissent ensuite aller chercher leurs propres clients institutionnels eux-mêmes. « C’est comme des petites roues sur un vélo, illustre François Rivard. On leur donne des petites roues maintenant, en sachant très bien qu’on va les enlever un jour », explique le président d’Innocap, qui a participé au processus de sélection.

Alors, qui sont les heureux élus ?

Ne croyez pas qu’il s’agisse de jeunes diplômés fraîchement sortis de l’université. Non, la plupart des gestionnaires retenus ont déjà fait leurs preuves au sein de grandes sociétés financières de Montréal, comme la Banque Nationale ou le Mouvement Desjardins, avant de lancer leur propre boîte.

Mais ce n’est que partie remise pour les firmes moins aguerries qui n’ont pas été sélectionnées. « On les a toutes rencontrées pour leur dire quels sont les éléments à mettre en place pour être sélectionnées lors de la prochaine ronde », précise M. Rivard. De cette manière, une nouvelle relève sera prête quand la première cohorte enlèvera ses petites roues.

Pour l’instant, la majorité des gestionnaires sélectionnés ont déjà un long CV. Jean-Luc Landry, par exemple, n’est pas tombé de la dernière pluie, lui qui travaille dans la finance montréalaise depuis 40 ans.

Avant de lancer sa firme en 2002, il avait déjà mis au point une stratégie d’investissement basée sur le « momentum » qui a fait la marque de Montrusco Bolton, dont il était le président dans les années 90. Aujourd’hui, sa firme y superpose une approche « valeur » pour donner naissance au style « ValMo » qui mise à la fois sur les entreprises qui ont de l’élan en Bourse et qui se négocient sous leur valeur intrinsèque.

Parmi les firmes retenues, Gestion de capital LionGuard a aussi été fondée par un ancien de Montrusco Bolton. Son président et directeur des investissements, Andrey Omelchak, y gérait un fonds de plus d’un milliard de dollars de 2010 à 2014, avant de fonder sa firme.

LionGuard se spécialise dans les actions de petites capitalisations mondiales. Même s’il maîtrise le russe et l’anglais, M. Omelchak prend soin de s’exprimer en français, une attention à laquelle seront certainement sensibles les représentants des régimes de retraite du Québec qui embarquent dans le projet.

Toujours dans l’univers des actions mondiales de petites capitalisations, le programme a aussi retenu Global Alpha. La firme a été fondée en 2008 par Robert Beauregard, qui a longtemps été à la barre de plusieurs fonds communs de la Banque Nationale, cumulant des actifs d’un milliard et demi de dollars.

La firme Ipsol Capital, qui offre des stratégies d’investissement quantitatives, aura aussi sa part du butin. Son patron nage dans la haute finance comme un poisson dans l’eau. Jacques Lussier a travaillé 18 ans chez Desjardins gestion internationale d’actifs où il était stratège en chef des investissements jusqu’en mars 2013. Il fait maintenant équipe avec Guy Desrochers qui dirigeait auparavant un groupe à la tête de plus de 16 milliards de dollars chez CIBC Gestion globale d’actifs, à Montréal.

La firme Allard, Allard et associés a un ADN assez différent des autres. Avec 600 millions d’actifs, l’entreprise familiale est en selle depuis fort longtemps. Mais elle n’a jamais eu de clientèle institutionnelle. Le programme lui permettra de structurer ses processus pour pouvoir s’attaquer à ce nouveau marché.

Le Programme des gestionnaires en émergence a aussi repêché deux spécialistes des obligations.

Gestion d’actifs Stanton est la plus grande de toutes les firmes retenues, avec 900 millions d’actifs. L’entreprise est dirigée par Connor O’Brien qui a roulé sa bosse pendant 15 ans dans les plus grandes firmes new-yorkaises. Il est aussi cofondateur et gestionnaire des Fonds O’Leary, lancés avec le coloré entrepreneur, commentateur télé et « dragon » Kevin O’Leary.

L’autre gestionnaire d’obligations est plutôt en mode démarrage. Razorbill Advisors a été récemment formé par un groupe de financiers qui géraient des produits de crédit sophistiqués à la Banque Nationale. D’ailleurs, l’expertise extrêmement poussée de ces gestionnaires a impressionné le comité de sélection.

« C’est très rafraîchissant de voir ces firmes qui peuvent créer de la valeur ajoutée avec de nouvelles idées de placement. On ne voulait pas faire du copier/coller de ce qui existe déjà à Montréal », explique Stéphane Corriveau, président de la firme AlphaFixe et instigateur du Programme des gestionnaires en émergence.

Un mot, en terminant, sur le volet gestion alternative qui compte pour 100 millions du Programme des gestionnaires en émergence. Cinq firmes ont été sélectionnées, dont Lakeroad, une petite équipe… de Québec. Eh oui, même si l’initiative part de Montréal, les gestionnaires de toute la province sont les bienvenus !

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