THÉÂTRE  SIMON LACROIX

Six personnages en quête… d’eau

L’eau est son élément, c’est clair. Après avoir créé deux spectacles avec le Projet bocal, Simon Lacroix nous entraîne dans un plan d’eau autrement plus vaste. L’auteur et comédien nous propose une fable philosophique qui cherche à résoudre une énigme : comment sortir de soi ?

L’humour absurde de Simon Lacroix, traversé de points d’interrogation, a sans doute quelque chose à voir avec sa formation en philosophie. Le grand rouquin avoue qu’à la fin de ses études, il est reparti de l’université avec beaucoup plus de questions que de réponses…

Dans Tout ce qui n’est pas sec, six personnages sont invités à plonger en eux-mêmes pour résoudre cette énigme : comment sortir de soi ? Félix Beaulieu Duchesneau, Amélie Dallaire, Kathleen Fortin, Denis Houle, Diane Lavallée se joindront à Simon Lacroix dans cet exercice aquatique… étonnant.

Six personnages qui tenteront par toutes sortes de moyens de sortir de leur individualité, notamment en tentant une fusion dans une piscine gonflable. C’est sérieux. Du théâtre de fantaisie mis en scène par Charles Dauphinais, qui avait envie de se « mettre en danger ».

La Presse s’est entretenue avec l’auteur et comédien de Projet bocal.

Tout ce qui n’est pas sec, c’est une invitation à se mouiller, non ?

Oui, peut-être. À rêver, à plonger dans la fantaisie, dans les grandes questions aussi. Parce que philosophie et fantaisie se rencontrent dans des zones parfois inexplicables. C’est une invitation à se perdre parce que c’est très onirique comme pièce. Il y a des choses qu’on ne comprend pas nous-mêmes…

Quelles sont les grandes questions philosophiques que vous vouliez poser ?

Ce qui m’a toujours fasciné, ce sont les questions métaphysiques. « Moi » par rapport au reste du monde, par exemple. On est pris dans notre tête, dans nos pensées ; je me suis demandé comment on fait pour sortir de soi… Dans la pièce, les personnages chantent pour qu’au moins leur voix sortent…

Sortir de soi pour se tourner vers les autres, donc. Vous parlez de notre individualité ?

Oui de à notre ego. Il y a quelque chose de bouddhiste là-dedans. Pour sortir de soi, il faut d’abord plonger en soi. Rencontrer ce qu’on est vraiment. Au fond, il n’y a pas de différence entre « moi » et tout ce qui n’est pas « moi », c’est une seule et même chose, mais on s’emprisonne faussement dans notre mental… La pièce parle de ça, mais ça reste une comédie !

Le théâtre est une façon de sortir de soi-même aussi, non ?

Oui, c’est vrai. Une façon d’élever son âme et de toucher à quelque chose d’intangible, peut-être. Pour effleurer tout ce qui nous dépasse. Dans la pièce, il y a ces scènes-là, où on est vraiment plus dans la réflexion et après, on bascule dans la fiction, dans quelque chose de plus vivant, avec des personnages et des situations.

À un moment donné, vous sortez de votre personnage pour être vous-même, c’est-à-dire l’auteur de la pièce. Une voix vous dit : « T’écris pas pour t’ouvrir au monde. C’est un petit trip d’ego, ton affaire, Simon ! »

Oui, c’est ma propre voix qu’on entend. Parce que lorsque l’ego du créateur est trop gonflé, ça finit par l’éloigner des autres. C’est exactement le contraire de l’effet recherché. Je me suis beaucoup questionné là-dessus. Pourquoi écrire du théâtre ?

C’est drôle parce que le théâtre fait de plus en plus dans l’autofiction… Des œuvres comme celle-ci qui sont très intimement liées aux parcours de leurs créateurs.

C’est vrai. C’est peut-être lié à notre recherche de vérité. Peut-être qu’on essaie d’enlever tout ce qu’on a vu mille fois au théâtre – et qui a quelque chose de faux – pour se rapprocher d’une certaine vérité. Je ne sais pas.

La métaphore de l’eau est omniprésente. Qu’est-ce qui vous attire tant dans l’eau ?

L’eau, c’est la vie. C’est une matière qui est toujours en mouvement. La pièce est une invitation à renouer avec la part aquatique qu’on a en nous ! Le philosophe Gaston Bachelard a écrit un livre qui s’appelle L’eau et les rêves, dans lequel il fait des parallèles entre les eaux marécageuses, les eaux du printemps, la mer, la pluie, etc. Ça m’a beaucoup inspiré.

On a l’impression que l’eau est aussi une invitation au silence. Parce qu’une fois plongé dans l’eau, on n’entend plus rien, donc on est plus connecté sur soi, on peut se poser les vraies questions…

Je n’avais pas vu ça, mais j’aime ça !

Là, vous n’êtes plus avec vos amies du Projet bocal (Sonia Cordeau et Raphaëlle Lalande) ; les acteurs qui ont accepté de participer à ce projet ont-ils eu peur en lisant le texte ?

Pour certains, ça a été difficile. Il a fallu que je leur dise que je n’avais pas de réponse à tout ce que j’avais écrit. On ne va pas tout comprendre. Je vois cette pièce comme de l’eau qu’on prend dans ses mains. Il y en a qui coule entre nos doigts, mais ce n’est pas grave, ça fait partie de l’expérience.

Quelle question auriez-vous aimé qu’on vous pose et quelle serait la réponse ?

Qu’est-ce que t’espère faire avec cette pièce ? Ma réponse serait : « Je souhaite faire vivre au spectateur un moment de fantaisie et d’imagination qui stimule en même temps la réflexion philosophique, mais sans jamais imposer de réponse. »

Au Quat’Sous, du 23 mars au 12 avril.

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