New Cities Summit 2016

Créer une métropole et la confier aux citoyens

Un ambitieux projet en Arabie saoudite propose de faire des résidants d’une ville créée de toutes pièces les « actionnaires » de la cité

Le privé peut-il mieux gérer une ville que des élus ? L’Arabie saoudite mène une expérience inédite alors que le gouvernement a confié à une entreprise le mandat de créer à partir de rien une ville de classe mondiale dans l’espoir de diversifier son économie.

Près de 90 % des revenus du gouvernement saoudien provenant de l’industrie pétrolière, l’Arabie saoudite réfléchit de plus en plus à son avenir, dans le contexte où les réserves pétrolières diminuent et que de plus en plus de pays cherchent à tourner le dos aux combustibles fossiles. Riyad a ainsi dévoilé en avril un vaste plan pour mettre fin à sa dépendance à l’or noir d’ici 2030.

Parmi les solutions envisagées, le gouvernement mise sur la création d’un tout nouveau pôle économique, un mandat confié à l’entreprise Emaar. « L’idée était de rendre possible un nouveau développement économique pour diversifier l’économie saoudienne, loin du pétrole. Nous avions besoin d’une nouvelle locomotive économique », résume Fahd Al-Rasheed, PDG de l’entreprise choisie pour fonder et gérer la cité, baptisée Ville économique du roi Abdallah.

La ville, en construction depuis 10 ans déjà, est aménagée sur un territoire de 168 kilomètres carrés, soit le tiers de l’île de Montréal. À terme, la ville qui compte actuellement 5000 habitants devrait en abriter 2 millions, un chiffre que Fahd Al-Rasheed espère atteindre « peut-être dès 2035 ». 

3e

Selon ces prévisions, la ville deviendrait la troisième du pays, derrière Riyad et Djeddah, mais devant La Mecque et Médine.

Déjà, la Ville économique du roi Abdallah, qui se veut un centre logistique et manufacturier, s’apprête à devenir d’ici la fin de 2016 le plus important port sur la mer Rouge, dit Fahd Al-Rasheed, rencontré lors du New Cities Summit, qui se tient actuellement à Montréal.

« On a décidé de procéder par phases. On construit des infrastructures, on attire des entreprises, elles viennent s’établir, ça crée des emplois, des gens viennent s’installer, l’arrivée de ces gens génère des besoins d’écoles ou de commerces. C’est un cycle économique », résume Fahd Al-Rasheed.

LE CITOYEN-PATRON

Pour l’heure, la Ville appartient à une entreprise, mais Fahd Al-Rasheed explique que l’objectif est de faire des habitants des actionnaires de la cité. Ils auront ainsi le pouvoir de nommer – et donc congédier – leur dirigeant en tout temps.

« Les citoyens devraient pouvoir congédier le gestionnaire d’une ville n’importe quand s’il fait un mauvais travail, pas seulement tous les quatre à six ans. »

— Fahd Al-Rasheed

L’entreprise veut également créer une application qui permettra aux citoyens de non seulement dénoncer la présence d’un nid-de-poule – eh oui, ils sévissent même en Arabie saoudite –, mais de décider du développement de leur ville. « Je pense que donner aux citoyens le pouvoir de décider comment gérer leur ville est la prochaine étape en urbanisme », dit Fahd Al-Rasheed.

Le projet étant bien lancé, les concepteurs disent maintenant travailler à donner une âme à leur ville. « Le défi en ce moment, c’est de créer une communauté avec une âme, de l’effervescence, où les gens ont envie de vivre. » Fahd Al-Rasheed dit d’ailleurs avoir été impressionné par l’effervescence de Montréal – et vouloir s’en inspirer.

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