Santé

« Je ne m’en passerais plus »

Des chiens Mira accompagnent des personnes atteintes d’Alzheimer

Couché sur le dos, les quatre pattes en l’air, Braque, un chien St-Pierre de 68 livres, regarde son maître dans l’espoir de se faire caresser le ventre. Il se tortille sur le plancher de la cuisine. Assis au-dessus de lui, Roger Lupien éclate de rire et cède à la demande.

Atteint de la maladie d’Alzheimer, l’homme de 72 ans a reçu Braque en juin dernier dans le cadre d’un projet pilote mené par la Fondation Mira. L’objectif est de déterminer si, un peu comme pour les enfants autistes, un chien d’assistance peut aider les personnes atteintes d’alzheimer à mieux composer avec la maladie et à retarder leur entrée en centre d’hébergement.

Pour les Lupien, les résultats sont jusqu’à présent plus que positifs. « Je ne m’en passerais plus », affirme M. Lupien. Assise à ses côtés à la table de cuisine de leur bungalow de Vaudreuil, sa femme Fleurette Lyonnais-Lupien n’a elle aussi que de bons mots pour son nouveau protégé. 

« Il nous fait vraiment beaucoup de bien. Il aide à diminuer notre stress. Il fait bouger Roger. Il ne le laisse jamais seul. »

— Fleurette Lyonnais-Lupien, conjointe de Roger Lupien, à propos de Braque

Briser l’isolement

Autrefois retraité actif, Roger Lupien a eu tout un choc en novembre 2016 quand il a reçu son diagnostic d’alzheimer. « Je me doutais que quelque chose clochait. Je ne me souvenais plus de routes pour aller à certains endroits », raconte-t-il. Lors d’une sortie à son camp de chasse dans la forêt, près de La Macaza, Roger s’est perdu. « Il y avait de la neige. Il n’a jamais pensé à revenir sur ses pas… On savait que quelque chose n’allait plus », ajoute Mme Lyonnais-Lupien.

Son mari s’est peu à peu refermé sur lui-même. Il a vendu sa moto. Sa voiture décapotable. « Il sortait moins. Il s’isolait. Il pouvait faire cinq heures de sudoku par jour à la maison », indique Mme Lyonnais-Lupien. En juin, à la suggestion d’une amie, ils ont accepté de participer au projet pilote de Mira. « Ça a changé notre vie », affirme Mme Lyonnais-Lupien.

Désormais, M. Lupien fait chaque jour une longue promenade avec Braque. Il suffit qu’il empoigne le harnais pour que le chien se lève et marche joyeusement vers lui. Braque peut aider M. Lupien à retrouver son chemin s’il s’égare. Il marche au pas. Il jappe la nuit si son maître fait de l’errance. Il s’assure que M. Lupien ne tombe jamais trop longtemps dans sa bulle, que ce soit en demandant de se faire caresser ou en le poussant doucement du bout de son nez. « Il me change les idées. Il me permet de ne pas penser juste à la maladie », témoigne M. Lupien. « Il est dressé pour tenir compagnie. C’est un pot de colle. Il est vraiment affectueux », ajoute sa conjointe.

Étude inédite

Président de la Fondation Mira, Nicolas St-Pierre voulait depuis longtemps vérifier si des chiens d’assistance pouvaient aider les personnes vivant avec l’alzheimer. Il y a un an, le projet pilote a été lancé, avec la complicité de Jude Poirier, directeur du Centre d’études sur la prévention de la maladie d’Alzheimer à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas.

Cinq familles se sont fait confier un chien. 

« On voit déjà de beaux résultats. Les aidants nous disent surtout qu’ils voient des sourires apparaître. »

— Nicolas St-Pierre, président de la Fondation Mira

M. Poirier explique que des études ont déjà démontré que le fait d’introduire des animaux de compagnie dans des unités de soins destinées aux personnes atteintes d’alzheimer avait des effets bénéfiques sur plusieurs. Mais pour la première fois, les effets d’un chien d’assistance seront mesurés.

M. Poirier veut entre autres vérifier si le stress et l’anxiété de la personne atteinte, mais aussi de l’aidant naturel, diminueront. Il regardera aussi si le chien pourrait ralentir la progression de la maladie et ainsi retarder l’entrée en CHSLD des personnes atteintes.

Le chercheur explique que des dizaines d’études ont démontré que l’apathie accélère la maladie d’Alzheimer. « Le fait qu’un chien d’assistance pousse à l’action pourrait donc aider en ce sens », note M. Poirier. D’autres études ont également montré que plus une personne socialise, moins la maladie d’Alzheimer progresse vite. « Et avec un chien d’assistance, on augmente les occasions de socialiser, dit M. Poirier. […] Si on pouvait ralentir l’entrée en CHSLD de un, deux ou trois ans, ce serait fabuleux. Au-delà des économies pour l’État, repousser l’institutionnalisation entraîne un gain en qualité de vie qui est non quantifiable. Et permettre aux aidants de moins souffrir, c’est majeur. »

Sept couples recherchés

La Fondation Mira est maintenant à la recherche de sept autres couples qui accepteraient de participer à la deuxième phase du projet pilote.

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