ANALYSE

Nouveau PQ , vieux débats

QUÉBEC — « Le PQ ? Mon grand-père vote pour ça ! » Une courte vidéo de Paul Saint-Pierre Plamondon visait à sentir le pouls des jeunes. Petit « vox pop » dans le métro de Montréal : une jeune fille lance ce verdict sans appel, un jugement qui n’est pas sans rappeler la publicité de la Buick, l’auto d’une autre génération à laquelle on veut donner l’image d’une voiture plus contemporaine.

« Redécouvrez le PQ ». Toute la fin de semaine, les 500 délégués au Conseil national du Parti québécois, le premier de Jean-François Lisée comme chef, ont été invités à réfléchir sur les moyens à prendre pour rafraîchir l’image du parti de René Lévesque. Un parti moins « chicanier et hargneux », plus « clair et constant », a proposé Lisée, un drôle de verdict pour quelqu’un qui est dans l’orbite du PQ depuis tant d’années.

Les conseils nationaux ont toujours été des passages périlleux pour les chefs péquistes. Les militants arrivent de partout, conscients qu’ils ont une occasion, assez rare, d’orienter le cours des choses. Dans le passé, les péquistes aimaient bien rappeler à leur chef que le parti était d’abord celui des militants. Les choses ont bien changé.

Lisée a traversé sans embûches cette réunion délicate, où les militants étaient saisis de la nouvelle mouture de leur programme, un plan de match où le référendum est exclu d’un premier mandat.

René Lévesque, en 1981, avait déjà désamorcé la mécanique référendaire pour obtenir son deuxième mandat. Pierre Marc Johnson avait fait de même en 1985 pour proposer « l’affirmation nationale ». Jacques Parizeau n’était pas en reste – il proposait des référendums sur des rapatriements de pouvoirs et non sur la souveraineté. Mais depuis 1994, le programme péquiste a toujours prévu que le parti pourrait tenir un référendum, un engagement assorti d’une longue liste de bémols quant au « moment opportun » pour procéder à cette consultation.

C’étaient les « conditions gagnantes » pour Lucien Bouchard. Bernard Landry et André Boisclair, après lui, n’ont pas osé rayer explicitement l’hypothèse référendaire du programme. En 2007, Pauline Marois avait d’abord laissé entrevoir un réalignement important, pour par la suite retomber dans les mêmes ornières.

Lisée invite les péquistes à être plus zen. On leur réservait une thérapie de groupe : le « world café » est un processus bien connu des spécialistes pour qu’un groupe génère des idées, une sorte de remue-méninges balisé. Bien peu de délégués ont ciblé la stratégie référendaire quand est venue l’heure de nommer un « mauvais coup » du PQ. La Charte de la laïcité revenait fréquemment ; la décision de déclencher trop rapidement les dernières élections et le plan de développement de Mme Marois pour Anticosti étaient aussi de mauvais souvenirs. 

Le nouveau parti de la « clarté » a tenu ses ateliers à huis clos pour l’essentiel. Et les points de presse n’ont pas laissé présager un jour nouveau ; la députée Nicole Léger s’est contentée de critiquer le gouvernement pour la grève des avocats, mais a refusé de suggérer une solution.

Hier, Lisée s’est lancé dans un plaidoyer incisif, à la limite « hargneux », à l’endroit d’Ottawa en matière de développement économique. Québec n’a pas sa part des investissements fédéraux et, par conséquent, est condamné à l’humiliante péréquation – le discours habituel du PQ dans les années 70. Lisée, qui était aux côtés de Lucien Bouchard quand Provigo a été vendue aux Ontariens, a promis qu’au pouvoir, il bloquerait de telles transactions. Une politique d’« achat chez nous » pour le gouvernement, une réflexion sur une utilisation plus structurante des milliards mis dans le Fonds des générations : Lisée y est allé d’une longue liste de projets, une feuille de route remplie de revendications auprès d’Ottawa.

Quelques échanges seulement rappelaient le « PQ classique ».

Lisée avait lancé que « voter bleu, c’était voter vert » tant son parti était pro-environnement. Un délégué a rappelé que c’était inconciliable avec une résolution en faveur de l’élargissement de l’autoroute 30, plutôt de nature à favoriser l’étalement urbain.

Manifestement, il se sentait en contrôle. Il avait convié quelques médias, choisis, à un échange informel sur sa stratégie de convergence avec Québec solidaire, une pratique courante des présidents en France. La proposition péquiste suggère d’ailleurs un régime présidentiel : le chef d’État serait élu au suffrage universel et ne pourrait faire plus de deux mandats. À son heure, Jacques Parizeau avait carrément refusé cette hypothèse, conscient qu’elle alimenterait des « side shows » qui auraient fait les délices de Robert Bourassa. Bernard Landry, au contraire, avait accepté cette formule. Le PQ de Lisée propose aussi une armée québécoise, une idée qu’avait endossée Pierre Karl Péladeau sans qu’elle ne se rende dans le programme du parti, cependant.

Pas de référendum

Au sujet du référendum, les militants étaient prévenus depuis la campagne de Lisée pour la direction du parti. Il était moins prévisible qu’il modifie le programme sur la loi 101. Plus question d’appliquer à l’admission au collégial les mêmes critères prévus par la Charte de la langue pour l’enseignement primaire et secondaire.

Prêt à des ajustements sur la langue, Lisée a soutenu sans appel qu’il n’entendait pas ramener cette disposition qu’avaient, de haute lutte, insérée les militants au programme de Pauline Marois en 2011. Le PQ de Lisée se voudra plus « rassembleur » sur la langue, il n’y aura pas de mesures susceptibles de heurter la communauté anglophone. On est loin des tensions déjà connues ; chef de file de l’aile orthodoxe, Marc Laviolette s’est contenté de dire que des modifications devraient être apportées. Lisée avait invité chez lui, il y a quelques jours, les principaux ténors des organisations pour la défense du français. Dans une lettre publique, ils se contenteront de qualifier « d’insuffisante » la proposition de la « Résolution principale ».

Maniant l’humour, Lisée a invité les militants à mettre un frein aux changements de chef successifs. Mais il sait très bien que son parti n’a plus le choix : il ne peut se permettre un autre changement de chef avant les prochaines élections. Les jeunes filles en pâmoison de la publicité de Buick ont beau espérer une surprise, c’est Lisée qui sortira de la berline retapée.

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