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Le « Dr. House » du Québec en lutte contre les maladies rares

Rien ne semble à l’épreuve du docteur Donald Vinh. Surtout pas les patients souffrant de maladies mystérieuses qui atterrissent dans son bureau. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme affectueusement le « Dr. House » du Québec.

Pour le passage de La Presse, le microbiologiste-infectiologue avait fait le ménage de son bureau à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. Habituellement, il croule sous les boîtes. Des boîtes qui contiennent les dossiers médicaux de tous ses patients dont on ignore l’origine du mal qui les assaille, parfois depuis 30 ans.

Comme le protagoniste de la série télévisée Dr. House, il aime éclaircir les mystères de la médecine. Que pense le principal intéressé de cette comparaison ? 

« Ce qui est drôle, c’est que Dr. House est aussi un infectiologue. On aime tous les deux les cas un peu plus rares. Mais la comparaison s’arrête là. »

— Le Dr Donald Vinh

Contrairement au personnage de la série, le docteur est tout sauf asocial. Souriant, verbomoteur, enthousiaste, il n’a rien du caractère taciturne du célèbre Gregory House.

Parfois, son acharnement porte ses fruits. C’est le cas avec Steven Francis. À 35 ans, on vient enfin de découvrir l’anomalie génétique qui lui cause d’énormes problèmes de santé pratiquement depuis sa naissance. Problèmes respiratoires, insuffisance rénale, inflammation du côlon, infections à répétitions : la vie ne lui a donné aucun répit. Le comble, c’est qu’aucun médecin ne pouvait lui dire l’origine de tous ses maux. On soupçonnait une cause génétique liée à son système immunitaire, sans pouvoir l’identifier.

« C’était devenu mon mode de vie », raconte Steven Francis. « J’ai commencé à réaliser vers 6 ans que j’étais plus malade que les autres. J’ai appris au fil des années à intégrer ma maladie dans ma vie. »

Le cas de Steven Francis a atterri sur le bureau du docteur Donald Vinh en 2012. Son dossier tenait dans deux grosses boîtes, fruit de 30 années de recherches et de tests infructueux. Pendant des mois, il a donc épluché dans les moindres détails ce nouveau cas.

Après des années de tests et de recherches, le docteur avait une bonne nouvelle à annoncer à Steven Francis et sa famille.

« Il nous a rencontrés la semaine dernière pour nous annoncer qu’il avait identifié le gène. Enfin, après 30 ans, on l’a trouvé. C’est encore difficile à croire. »

— Steven Francis

À peine 20 personnes dans le monde souffrent du même déficit immunitaire génétique que lui. « On pensait que la seule façon de les guérir, c’était par une greffe de moelle osseuse, mais plus on est âgé, plus ça comporte des risques », précise le docteur Vinh. « Maintenant, on fait des tests pour essayer de corriger ces variations avec une nouvelle molécule, sans faire de greffe. »

« Mon objectif, c’est que plus personne ne souffre »

Cette curiosité pour les maladies rares le suit depuis ses débuts en microbiologie. Pour se perfectionner, il est allé étudier aux côtés de Steven Holland du National Institutes of Health (NIH) aux États-Unis. « J’étais jour et nuit à ses côtés. Je voulais comprendre comment il pensait, comment il analysait. On a découvert une autre maladie pendant que j’étais là. 

« Quand je suis revenu au Québec, je voulais faire la même chose. Il y avait un besoin ici. »

— Le Dr Donald Vinh

Quand il a commencé sa pratique il y a 10 ans, on avait déjà identifié 150 déficits immunitaires génétiques. On est maintenant rendu à 300. Mais ce qui le pousse à continuer, ce ne sont pas ceux que l’on connaît déjà, mais ceux qui restent à découvrir. « Mon objectif, c’est que plus personne ne souffre. »

On estime que 20 000 personnes vivraient avec des déficits immunitaires génétiques au Canada. « Quand on a une maladie rare, c’est difficile de l’expliquer aux autres. Ils sont un peu isolés, personne ne peut les comprendre. S’il y a trois personnes dans le monde comme eux, quel est le réseau pour les soutenir ? Il faut être une voix pour les personnes qui n’en ont pas », souligne l’infectiologue.

Certains cas le tenaillent même jusqu’au milieu de la nuit. « Il peut être 1 heure ou 2 heures du matin et j’envoie un courriel à ma collègue pour lui dire que je crois qu’on devrait faire telle chose pour un patient. »

Pour ajouter à sa vie passablement chargée, le docteur Vinh est père de quatre enfants. « Je dis souvent que ma priorité, c’est mes patients, mais c’est aussi ma famille », rappelle-t-il. Heureusement, il peut compter sur sa femme qui comprend les aléas de la vie de chercheur, absorbé par les cas tous plus étranges les uns que les autres.

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Qu’est-ce qu’un déficit immunitaire génétique ?

Notre système immunitaire est programmé pour nous défendre contre les agressions extérieures. Si ce système fait défaut, on parle alors de déficit immunitaire. L’explication à cette réaction se trouve parfois dans nos gènes. « Les gènes sont des manuels d’instruction qui disent aux cellules comment fonctionner. Si on a un gène qui ne marche pas correctement ou qui est incomplet, la cellule ne sait pas comment fonctionner. Si ça tombe sur une cellule du système immunitaire, c’est le système immunitaire qui est faible », explique le microbiologiste-infectiologue Donald Vinh.

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Un champignon… au cerveau !

L’un des cas les plus connus de Donald Vinh, c’est cet homme qui développait une masse étrange au cerveau qui lui a fait frôler la mort. Cette masse s’est finalement avérée être un champignon. Personne ne pouvait le soulager jusqu’à ce qu’intervienne le docteur Vinh. Il a rapidement découvert que son patient avait une mutation génétique qui l’empêchait de combattre son infection fongique. « L’homme était invalide. Il ne pouvait pas travailler. Ça faisait 10 ans qu’il était malade. On a réussi à avoir les autorisations pour essayer un nouveau traitement. Maintenant, il travaille 70 heures par semaine, il est géologue, il a un bébé de 2 ans. Il continue à m’envoyer des photos », raconte le chercheur.

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Sortir des soins palliatifs à la marche

Un autre cas d’infection fongique au cerveau lui a été soumis. Cette fois, le patient était dans un état critique. « Il était envoyé aux soins palliatifs. Je lui ai dit : donne-moi une chance, on va trouver c’est quoi le problème. On a fait les démarches dans notre laboratoire. » Trois ans plus tard, son patient est toujours en vie et il a quitté les soins palliatifs depuis longtemps. « Il était en chaise roulante et il est maintenant capable de marcher deux kilomètres. Il peut vivre dans un appartement semi-autonome. On est d’accord que c’est un bon résultat », admet le chercheur.

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« Juste contente d’être en vie »

Le docteur Vinh se remémore cette dame qu’il suit depuis huit ans, aux prises avec des infections récurrentes aux poumons. Il a réussi à trouver ce qui n’allait pas dans son système immunitaire et à élaborer un traitement. Malheureusement, le mauvais sort s’est acharné sur elle : elle a développé une tumeur au cerveau. « Je lui ai dit que j’étais désolé d’entendre ces nouvelles. » Mais sa réponse a sidéré l’infectiologue. « Elle m’a dit : quand on s’est rencontré, je pensais que j’allais mourir bientôt. Une tumeur au cerveau, c’est grave, mais dans son cas, elle était juste contente d’être encore en vie. »

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