Québec — François Legault nous parlera d’audace à chaque page, des envolées qui évoqueront les fondateurs de la Nouvelle-France jusqu’aux architectes de la Révolution tranquille. Mais il faudra beaucoup d’attention pour débusquer les gestes téméraires, étonnants, du message inaugural qu’il lira demain à l’Assemblée nationale.
À son arrivée aux affaires, en janvier 1996, Lucien Bouchard avait promis qu’il allait « oser », inspiré par Sénèque ! La surprise était à venir ; la longue et douloureuse marche vers le déficit zéro pointait déjà du nez. On ne verra pas de ces grandes manœuvres, de grosses surprises, dans le prochain mandat.
Pas d’atermoiements, surtout ; un discours ramassé qui durera environ 45 minutes. Ses prédécesseurs nous avaient habitués à des homélies bien plus longues. Le message inaugural, c’est, à larges traits, le plan de match du gouvernement au début de la législature. Un geste important, puisque c’est la feuille de route qui durera, probablement, pour les quatre prochaines années.
Pas question d’une liste d’épicerie tous azimuts. Il faut s’attendre à une intervention ciblée ; le gouvernement Legault veut d’abord parler de santé, d’éducation et d’économie, quitte à décevoir les environnementalistes qui, demain, jugeront bien décevants les engagements du nouveau gouvernement.
Le gouvernement Legault voudra fixer des cibles « plus réalistes » pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; le discours environnementaliste de Québec devra être empreint de plus de réalisme.
En éducation, François Legault reviendra sur son engagement de niveler au plus bas le taux de taxes scolaires, une façon, dira-t-il, de remettre de l’argent dans les poches des citoyens. Autre mesure évoquée : modifier la fiscalité pour favoriser davantage les familles qui ont plus d’un enfant.
Au moment où tout le monde juge impossible la mise en place de 5000 classes de maternelle 4 ans d’ici la fin du mandat, François Legault martèlera son appel « faisons preuve d’audace ». Si le Québec a fait un tel bond en éducation dans les années 60, c’est qu’il a refusé de se complaire dans le fatalisme.
En économie, il promettra de refondre Investissement Québec. Encore là, on parlera « d’audace » en « remodelant un Investissement Québec nouveau, plus agile, plus volontaire, ambitieux et entreprenant ». Il va aborder « l’alliance énergétique » avec l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et les États-Unis.
En santé, François Legault mettra l’accent sur la nécessité d’améliorer la première ligne – en campagne, il s’est déjà engagé à réduire à moins de 90 minutes le temps d’attente aux urgences. Il donnera en exemple la création de groupes de médecine de famille, et soulignera l’importance des proches aidants.
La session ne durera que deux semaines. Elle permettra de déposer trois projets de loi.
D’abord, pour décaler l’âge légal pour consommer du cannabis de 18 à 21 ans, en dépit de l’avis de ses propres scientifiques, révélait hier Le Devoir.
Un autre projet de loi précisera que la nomination du futur commissaire de l’Unité permanente anticorruption de même que celle du directeur des poursuites criminelles et pénales nécessiteront l’appui des deux tiers des élus à l’Assemblée nationale. Le directeur général des élections, le vérificateur général et le commissaire à l’éthique sont déjà soumis à la même obligation.
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, déposera aussi le projet de loi qui prévoit que toutes les commissions scolaires appliqueront un taux unique – une facture annuelle de 700 millions pour Québec au terme du mandat de quatre ans.
Les changements à la fiscalité des familles seront précisés dans la déclaration économique du ministre des Finances, Éric Girard, le 3 décembre. Aussi, le ministre Simon Jolin-Barrette annoncera les nouvelles cibles quant au nombre d’immigrants que compte accueillir le Québec l’an prochain. C’est déjà connu, le gouvernement Legault veut faire passer la barre de 50 000 à 40 000 pour 2019. Pas besoin de projet de loi pour modifier ce quota.
Il faudra attendre février 2019 pour voir le projet de loi sur le port de signes religieux. Le gouvernement pensait pouvoir bouger plus vite, mais la rédaction d’un projet de loi impliquant les libertés fondamentales s’est avérée plus complexe que prévu.
Le ministre Jolin-Barrette devrait le déposer au tout début de la session l’an prochain pour le faire avancer « rapidement », idéalement pour une adoption avant l’ajournement de juin. Le gouvernement Legault a reçu un appui notable hier avec la publication d’un sondage CROP pour le compte de Radio-Canada. CROP constate qu’une très claire majorité de citoyens appuient l’interdiction du port des signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité et les enseignants.
