Fantasia

Dans les souliers de Roadkill Superstar

Ils sont pratiquement inconnus du grand public. Toutefois, au Festival international de films Fantasia, ce sont des enfants chéris. François Simard, Yohann-Karl et Anouk Whissell, du collectif Roadkill Superstar, réalisateurs de Turbo Kid et producteurs, ont d’abord été des fans à Fantasia. Aujourd’hui, ils sont les présidents d’honneur de la 20e édition du festival et en profitent pour faire du réseautage. Journée avec des supervedettes underground.

Vendredi dernier, 10 h, dans un auditorium de l’Université Concordia. À l’écran géant, on projette les premières images du film en chantier The Void. « Il y a l’enfer, ça, c’est pire », résume la bande-annonce proposant un violent cocktail d’hémoglobine, de gore et d’ambiance glauque. « Disney a acquis les droits et le film devrait sortir autour de Noël », badine le producteur ontarien Casey Walker, debout devant la salle.

Avant lui, la cinquantaine de spectateurs – des producteurs et des artisans – ont pu voir les extraits d’un documentaire sur le légendaire camion utilisé dans le Duel de Spielberg, le sanguinolent Inner Ghost du portugais Joao Alves, sans oublier le prometteur Radius, des Québécois Caroline Labrèche et Steeve Léonard et des producteurs derrière Turbo Kid.

Cette projection est l’une des nombreuses activités organisées par le Marché de coproduction internationale Frontières, qui se déroule en marge de Fantasia. « C’est comme du speed dating de producteurs ! », résume Yoann-Karl Whissell, de Roadkill Superstar (RKSS), venu assister au WIP (work in progress) vendredi dans l’auditorium.

Fondé en 2012, Frontières a vu naître ses deux premiers bébés, Turbo Kid et Radius, qui incarnent en quelque sorte la réussite locale.

Une vingtaine de projets en développement ont été retenus cette année, dont la moitié viennent de l’Amérique du Nord et l’autre, de l’Europe.

« Ce sont des projets avancés, nécessairement. Et cette année, nous avons environ 400 personnes de l’industrie. On cherche des projets attrayants pour le marché international. »

— Lyndsay Peters, directrice et fondatrice de Frontières

Elle se réjouit d’un nouveau partenariat avec le Festival de Cannes, qui permettra dès l’an prochain à l’industrie du cinéma de genre de se faire voir en périphérie de la Croisette.

Même qu’aujourd’hui, l’étiquette de « cinéma de genre » a cessé de rebuter Yohann-Karl Whissell. « Oui, on pourrait appeler ça juste du cinéma, mais je suis fucking fier d’être associé à ce type de cinéma », explique le réalisateur, producteur et parfois acteur de 38 ans, qui roule déjà sa bosse depuis une vingtaine d’années avec ses comparses.

Le collectif a pondu plusieurs courts métrages – dont le légendaire Bagman – avant de tourner son premier long avec Laurence Leboeuf et Michael Ironside.

ALLER À LA GUERRE

Il aura suffi d'une bouffe au restaurant en compagnie des gens derrière Radius et Turbo Kid pour constater la relation quasi-incestueuse entre les artisans du cinéma de genre. En gros, tout le monde a déjà travaillé avec tout le monde. 

Les réalisateurs Caroline Labrèche et Steeve Léonard, qui viennent de terminer le tournage de Radius au Manitoba, racontent les difficultés de « faire rentrer » un film en une vingtaine de jours de tournage. À l’autre bout de la table, Yohann-Karl opine du bonnet. 

« Faire un film, c’est aller à la guerre. C’est environ 20 jours intenses où tu tentes de survivre et où 80 % de ton temps sert à régler des problèmes. »

— Yohann-Karl Whissell

Une guerre qui finit bien, comme le prouve Turbo Kid, un film à petit budget vendu dans plus de 50 pays et lauréat de plusieurs prix, dont le prix Saturn du meilleur film étranger, tout récemment. Avec le piratage qui malmène durement le cinéma indépendant, la passion est essentielle pour garder la tête hors de l’eau. « Yohann-Karl, Anouk et François sont des enfants de 10 ans qui s’amusent, un virus positif qui contamine tout le monde sur le plateau », louange le producteur Benoit Beaulieu.

De retour dans les bureaux de Frontières, Yohann-Karl multiplie les accolades, fist bumps et discussions avec ses collègues de partout. Il en profite pour piquer une jasette avec George Mihalka (My Bloody Valentine, La Florida).

En retrait, François Simard et Anouk Whissell, plus discrets, présentent deux projets en développement sur leur tablette numérique. Un film de zombies et un autre campé à nouveau dans les années 80. C’est sans compter Turbo Kid 2 en chantier et un clip musical pour Le Matos, qui tient Anouk vissée sur son cellulaire.

Elle traîne encore avec elle la fausse carte qu’elle utilisait pour assister à la première édition de Fantasia, alors qu’elle était adolescente.

François aussi a vieilli ici comme fan, avant de tourner des films.

Mais le fan n’est jamais bien loin. « On a eu un souper avec Takashi Miike [une légende du cinéma de genre] et son interprète ! Il est super cool et terre à terre, et nous a appris plein de choses ! »

En fin de journée, le trio se déplace vers un pub irlandais voisin, le bar officiel de Fantasia. « C’est un peu le camp de base, ici », explique François, avant de commander une pinte.

Ils prennent une table à l’intérieur, en retrait, pour discuter discrètement avec l’équipe de Radius.

Un copain français vient les rejoindre. Ce dernier leur a organisé une rencontre avec un distributeur. Les verres se succèdent, l’ambiance est bon enfant, la chanson Two Princes de Spin Doctors joue en sourdine et Anouk pianote toujours sur son téléphone en lien avec le clip du Matos.

Et les films de Fantasia, dans tout ça ?

« Au début, je pouvais voir 50-60 films sur 70. Depuis quelques années, c’est autour de 10 », calcule Yohann-Karl, réalisant d’une certaine façon avoir traversé la ligne invisible qui sépare les fans et les artisans.

Fantasia

LES SUGGESTIONS DE ROADKILL SUPERSTAR

Le festival Fantasia se termine le 3 août. D’ici là, RKSS vous suggère quelques titres prometteurs.

Requiem pour un beau sans-cœur (restauré)

Ce soir, à 18 h 30, à la Cinémathèque québécoise

Familyhood

Demain, à 19 h 05, au Théâtre Hall de Concordia

Les feuilles mortes

Jeudi 28 juillet, à 18 h 30, au Théâtre D.B. Clarke de Concordia

HK2 : The Abnormal Crisis

Samedi 30 juillet, à 21 h 20, au Théâtre Hall de Concordia

Train to Busan

Dimanche 31 juillet, à 11 h 30, au Théâtre Hall de Concordia

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