Pays-Bas

Deuxième revers pour les populistes européens

Le courant de la droite populiste en Europe vient de connaître sa deuxième défaite en un peu plus de trois mois.

Après la déconfiture de Norbert Hofer à la présidentielle autrichienne, début décembre, c’était au tour de Geert Wilders, le coloré leader du Parti pour la liberté (PVV), souvent décrit comme un « Trump néerlandais », d’essuyer un revers aux législatives de mercredi dernier.

Le politicien à la houppe blonde qui veut interdire les mosquées et qui compare le Coran à Mein Kampf, le manifeste d’Adolf Hitler, a été largement devancé par le parti du premier ministre sortant, Mark Rutte.

Dans le système proportionnel néerlandais, le parti de Geert Wilders réussit quand même à augmenter sa représentation de 15 à 20 sièges, ce qui le place en deuxième position.

Mais c’est loin des 33 sièges décrochés par le Parti populaire et démocrate, la formation de centre droit de Mark Rutte. Loin aussi de la première place que lui prédisaient les sondages il y a tout juste deux mois. Et loin, enfin, du record de 2010, alors que le PVV avait récolté 26 sièges au Parlement.

Le parti au pouvoir a perdu des plumes, l’extrême droite de Geert Wilders n’en a pas gagné autant qu’elle espérait. Le scrutin a néanmoins fait un grand gagnant : le parti écologiste du jeune Jesse Klaver, qui fait un bond inespéré, passant de 4 à 14 sièges parlementaires.

Aux yeux de plusieurs analystes, ce politicien de 30 ans que l’on compare déjà à… Justin Trudeau, est le grand gagnant du vote de mercredi, qui a aussi été marqué par une participation spectaculaire de 82 %.

« C’est le message de cette élection : le populisme ne passe tout simplement pas » aux Pays-Bas, s’est d’ailleurs réjoui Jesse Klaver à l’issue du scrutin.

« Les Néerlandais ont dit STOP au mauvais populisme », a exulté Mark Rutte.

Est-ce exact ? Les Néerlandais viennent-ils vraiment de tourner le dos à l’extrême droite populiste et de renouer avec leur traditionnelle tolérance ?

Les choses ne sont pas aussi simples, met en garde Jean-Yves Camus, spécialiste français des mouvements d’extrême droite en Europe.

D’abord, parce que même dans l’opposition, le PVV sera en position de forcer les partis traditionnels à céder sous sa pression sur les questions d’identité nationale, d’immigration et de sécurité, estime cet expert.

D’ailleurs, le modèle multiculturel néerlandais a déjà changé sous la pression de la droite, qui a notamment poussé le gouvernement à interdire le port de la burqa dans l’espace public. Et dont le discours anti-immigrant et anti-islam a dominé toute la campagne électorale.

Si Geert Wilders a été refoulé en deuxième position, c’est aussi parce que la droite traditionnelle s’est approprié une partie de son discours, répondant ainsi aux préoccupations d’une partie importante de l’électorat néerlandais.

Tirer profit de la crise

Enfin, le premier ministre sortant Mark Rutte a pu jouer à son profit la récente crise diplomatique entre les Pays-Bas et la Turquie, dans laquelle il a pu se positionner comme un défenseur de « l’intégrité du système politique néerlandais », note Frédéric Mérand, directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.

Cette crise a joué un rôle crucial dans la victoire de Mark Rutte, qui a pu se montrer « ferme et résolu » face aux visées antidémocratiques du régime de Recep Tayyip Erdogan, dans sa campagne en prévision du référendum constitutionnel d’avril, renchérit Jean-Yves Camus.

Selon les deux experts, le résultat des législatives néerlandaises est à analyser avec beaucoup de nuances. Frédéric Mérand retient que les partis pro-européens et pro-immigration ont obtenu collectivement la majorité des suffrages. Après les résultats du référendum sur le Brexit et de la présidentielle américaine, « cela montre que le populisme de droite n’est pas une fatalité ».

Mais il est aussi prématuré de pousser un soupir de soulagement, selon lui. Aux Pays-Bas, mais aussi en France et en Allemagne, où auront lieu des rendez-vous électoraux importants au cours des six prochains mois, « le centre de gravité politique s’est déplacé vers la droite », dit-il.

En d’autres mots, l’anxiété identitaire, la crainte des immigrants et l’insécurité nationale forment un bloc idéologique assez fort pour influencer les politiques et les scrutins à venir. Et cette idéologie est là pour de bon.

La victoire de Wilders, qui n’aurait jamais été capable de former un gouvernement, « n’aurait pas constitué la fin du monde », dit Frédéric Mérand. Mais sa relative défaite ne signifie pas non plus la mort du populisme.

« Nous assistons à une installation des populistes xénophobes à tous les niveaux, phénomène qui risque de s’inscrire dans la durée, pour au moins une décennie », résume Jean-Yves Camus.

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