Interdit depuis un mois, le Four Loko toujours sur les étagères

Il est toujours aussi facile de se procurer du Four Loko dans les dépanneurs, plus de 30 jours après que le produit a fait l’objet d’un rappel par l’organisme réglementaire en matière d’alcool dans la province.

La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) paraît impuissante à faire respecter son rappel de produits auprès des titulaires de permis de vente d’alcool en cette période de festivités. En fait, tout le monde se renvoie la balle quant à savoir à qui revient la responsabilité de faire respecter le rappel.

Le Four Loko et 33 autres produits similaires du même fabricant doivent être retirés de la vente parce que des tests ont confirmé qu’ils contenaient de l’alcool éthylique plutôt que du cidre ou de l’alcool issu de la fermentation du malt, comme annoncé sur l’étiquette. Des boissons à base d’alcool éthylique ne peuvent être vendues dans le réseau des dépanneurs et épiceries.

La Presse a fait la tournée des dépanneurs du Vieux-Montréal les 26 et 27 décembre. Sur neuf établissements visités, quatre offraient toujours sur leurs étagères les produits interdits à la vente.

Le dépanneur Aviron, rue Saint-Paul Ouest, proposait la boisson à prix de liquidation.

Nous avons pu acheter une canette de 473 millilitres de Four Loko limonade titrant 11,9 % d’alcool pour la modique somme de 2,99 $.

Le produit était non seulement présent dans le frigo, mais aussi sur une palette bien en évidence au centre de l’échoppe.

Le Four Loko se vend habituellement 4,99 $. La Presse révélait cet automne que cette boisson – très populaire auprès des jeunes en raison de son goût sucré, de son faible prix et de sa haute teneur en alcool – préoccupait les urgentologues et experts en santé publique du Québec.

Au dépanneur Le Quartier, rue Notre-Dame Est, on offrait également le liquide honni au rabais. Nous nous sommes procuré un Mojo au melon d’eau à 7 % d’alcool et un Octane 7.0 au guarana, deux produits soumis au même rappel, pour 7,50 $, taxes et consigne comprises.

Dans les cinq dépanneurs qui n’offraient pas le produit, soit deux Couche-Tard et trois indépendants, les commis nous ont tous répondu que le produit avait fait l’objet d’un rappel et qu’il n’était plus offert.

Qui va procéder au rappel ?

Le 20 novembre, la RACJ a mis en demeure le fabricant en sous-traitance de ces produits, Cidrerie Solar, de les retirer des dépanneurs et épiceries. Celui-ci a annoncé le rappel dans un communiqué le 6 décembre. Il a fait faillite le 14 décembre.

Lorsque nous avons demandé qui allait procéder au retrait des produits, Joyce Tremblay, porte-parole de la RACJ, nous a répondu que la Régie « négoci[ait] avec le syndic de faillite afin de déterminer [sa] participation dans l’exécution de la mise en demeure transmise le 20 novembre dernier. Selon les résultats de cette négociation, d’autres mesures pourraient suivre ».

Chez le syndic Raymond Chabot, une agente du service à la clientèle nous a informé que le bureau était fermé pendant les Fêtes.

La Régie soutient avoir avisé les corps policiers du rappel des 34 produits pour qu’ils procèdent à des inspections dans les lieux de vente.

À la police de Montréal, le commandant responsable de la moralité, François Harrisson-Gaudreau, n’a reçu aucune demande de la part de la RACJ pour aller faire le tour des dépanneurs. Si jamais des policiers devaient intervenir dans une épicerie et qu’ils voyaient les produits en question, ils contacteraient alors la RACJ pour connaître les mesures à prendre.

De son côté, le propriétaire des marques mises à l’index, Breuvages Blue Spike, n’est titulaire d’aucun permis de la RACJ. Dans une communication envoyée le 6 décembre aux détaillants, Blue Spike affirmait que rien n’empêchait la vente des produits. Le 12 décembre, l’entreprise indiquait à La Presse qu’elle n’était « pas habilité[e] à “piloter” le rappel », étant seulement propriétaire des marques et non le fabricant.

L’Association des brasseurs du Québec, gardienne de l’image de l’industrie, se désole de l’imbroglio. « L’industrie brassicole déplore avec vigueur le fait que ces produits se retrouvent toujours sur certaines tablettes, a fait savoir hier son directeur général, Patrice Léger-Bourgoin. Cette situation est déplorable et malaisante. »

« Le promoteur de ces produits, l’entreprise Blue Spike, prétend être impuissant pour terminer le rappel. Or, les gestionnaires de cette entreprise pourraient très bien mandater un distributeur, détenteur de permis, pour accomplir ce travail », a-t-il ajouté.

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