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LES GALAXIES DANS LES YEUX D’UNE LIBELLULE

Comment observer la collision de deux galaxies ? Non, pas besoin d’un énorme télescope d’observatoire sophistiqué. Des astronomes ont récemment réussi à prouver l’existence d’une nouvelle classe de galaxies grâce à un télescope bidouillé avec des objectifs d’appareil photo. Histoire d’un bricolage auquel a participé l’équipe de l’Observatoire du Mont-Mégantic. 

DRAGONFLY, LA BÊTE

Dragonfly est né de l’imagination des professeurs d’astronomie Roberto Abraham, de l’Université de Toronto, et Pieter van Dokkum, de Yale, qui étaient « frustrés » dans leurs tentatives de tester, avec les très grands télescopes, la théorie voulant que les galaxies soient créées par les collisions entre deux plus petites galaxies.

UN CŒUR DE 24 OBJECTIFS CANON 400 mm f/2.8

Le télescope est composé d’une matrice de 24 objectifs « grand public » Canon 400 mm – le rêve de tout photographe amateur sérieux (14 000 $ pièce) – assemblés sur des capteurs astronomiques à longue exposition de la société Sbig, d’Ottawa.

« Les lentilles de l’objectif sont couvertes d’un revêtement nanoscopique qui est très efficace pour lutter contre les reflets et les lumières fantômes », explique Roberto Abraham. Actuellement installé à un observatoire du Nouveau-Mexique, Dragonfly sera bientôt équipé de 50 de ces objectifs. « Plus il y en aura, mieux ce sera. Mais on arrive vite à un point où on ne sait plus trop comment en assembler autant de façon efficace », dit-il. 

TESTÉ À L’OBSERVATOIRE DU MONT-MÉGANTIC 

Les chercheurs ont d’abord voulu savoir ce que valait leur invention avec un prototype fait d’un seul objectif. « Nous cherchions un endroit sombre, à mi-chemin entre Yale et Toronto. L’Observatoire du Mont-Mégantic s’est imposé. C’est un endroit formidable pour tester de nouvelles idées. Les infrastructures sont d’une grande qualité », explique M. Abraham. L’astrophysicien québécois René Doyon leur a ouvert les portes, et ils ont pu y tester leur prototype pendant plusieurs semaines. « J’ai été très surpris par leur inventivité », admet le chercheur québécois. 

LE FONCTIONNEMENT 

Le nom du télescope fait référence aux yeux des libellules, qui comptent entre 12 000 et 18 000 facettes. D’une façon analogue, Dragonfly prend avec ses nombreux objectifs plusieurs clichés d’objets stellaires de très grande taille, qu’il empile en une seule image cohérente. « C’est un appareil fort efficace pour voir des objets diffus qui sont à proximité d’objets lumineux, vulgarise M. Abraham. Dragonfly est un télescope très spécialisé, parce que 99 % de la recherche en astronomie ne cherche pas à observer ce pour quoi il a été conçu. » 

LA DÉCOUVERTE 

Dragonfly a permis de prouver l’existence de galaxies ultradiffuses. « C’est une nouvelle classe de galaxies qui compte entre le centième et le millième du nombre d’étoiles qu’on trouve dans la Voie lactée », précise M. Abraham. « Maintenant que ces galaxies sont découvertes, on peut pointer de gros télescopes sur elles pour les étudier plus en détail », ajoute René Doyon. Les chercheurs de Yale et de Toronto souhaitent maintenant tester l’hypothèse que ces galaxies sont composées en grande partie de matière sombre. « C’est un domaine de recherche qui va attirer plusieurs étudiants vers Yale et l’Université de Toronto », croit René Doyon.

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