Lisée propose une clôture sur le chemin Roxham
QUÉBEC et OTTAWA — Jean-François Lisée a proposé hier qu’une clôture soit érigée sur le chemin Roxham, là où de nombreux migrants traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis, afin de leur bloquer l’accès au pays à travers le boisé qui borde cette route. Sa suggestion a reçu un accueil glacial à Ottawa.
Le chef du Parti québécois (PQ) a fait cette déclaration hier midi, lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale. Il a rappelé la position de son parti, qui souhaite que le Canada suspende l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs. Cela permettrait aux migrants de faire une demande d’asile en se présentant à un poste frontalier plutôt que de devoir traverser illégalement la frontière afin de ne pas être refoulés aux États-Unis.
« Il faut faire en sorte que les gens aient accès à d’autres points d’entrée. Si 91 % des entrées irrégulières [au pays se font] au Québec, c’est parce qu’on a le chemin irrégulier le plus connu au monde », a déploré le chef péquiste.
« Disons : ‟Allez dans les postes frontaliers partout au Canada, ça sera mieux réparti [entre les provinces].” […] Une fois qu’on a décidé [de suspendre l’accord sur les tiers pays sûrs], […] on met une clôture [sur le chemin Roxham]. C’est tout. On dit : ‟Ne passez plus ici” », a affirmé M. Lisée.
Après la publication d’articles de presse sur cette déclaration, qui a aussi enflammé les réseaux sociaux, M. Lisée a précisé sa pensée. Il a d’abord publié un mot sur Twitter avant de s’adresser de nouveau aux médias.
« Le PLQ admet qu’Ottawa devrait suspendre l’entente qui fait du chemin Roxham le passage le plus célèbre au monde. Les demandeurs entreront alors par les postes-frontière réguliers. Comment indiquer que Roxham est fermé ? Un panneau, une haie de cèdres, un policier ? Peu importe », a-t-il écrit.
« Il faut [indiquer aux migrants] que le chemin Roxham n’est plus le bon endroit où passer. Comment le faire ? On est ouvert à toutes les suggestions », a dit M. Lisée aux journalistes.
Questionné par un journaliste sur la proposition du chef péquiste, le premier ministre Justin Trudeau a roulé des yeux sans formuler de commentaires. Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, s’est aussi montré fermé à cette idée.
« Le Canada est un pays ouvert et accueillant pour les personnes qui ont besoin de protection, mais notre gouvernement est déterminé à assurer une migration ordonnée en vue de protéger les Canadiens et notre système d’immigration, a indiqué l’attaché de presse de M. Hussen. L’Entente sur les tiers pays sûrs représente un outil important utilisé par le Canada et les États-Unis pour coopérer sur le traitement ordonné des demandes d’asile. »
Les conservateurs ont également écarté du revers de la main la suggestion de M. Lisée, même s’ils remettent en cause – comme le PQ – l’efficacité de l’Entente sur les tiers pays sûrs. « Ce n’est pas une bonne idée du tout, on ne commencera pas à faire des murs », a fait valoir à La Presse le député Pierre Paul-Hus, porte-parole en matière de sécurité publique.
De façon concrète, le Parti conservateur propose de considérer « toute la frontière comme une porte d’entrée officielle » au Canada. Un changement législatif qui compliquerait l’entrée de demandeurs d’asile dans des endroits comme le chemin Roxham.
« Peu importe d’où tu arrives sur les 5000 kilomètres de frontière, tu vas être en état d’arrestation et on va te retourner dans ton pays, de la même façon que si les gens entraient par la porte d’entrée officielle », a fait valoir M. Paul-Hus.
Le député souhaite que le Canada continue à accueillir de nombreux immigrants, a-t-il précisé, pourvu que ceux-ci utilisent les mécanismes prévus pour faire leurs demandes. Les conservateurs ont déposé mardi une motion pour forcer le gouvernement Trudeau à adopter un plan « concret » d’ici trois semaines sur la crise des migrants, qui a été battue à la Chambre des communes.