Afffaires Salvail et Rozon

Des contrecoups jusqu’en France

L’industrie culturelle française est aussi ébranlée par le scandale entourant Éric Salvail et Gilbert Rozon. Les éditions Michel Lafon ont choisir d’annuler la sortie du livre des Recettes pompettes, tandis que l’avenir du tout nouveau théâtre parisien de Juste pour rire est incertain. 

La Presse à Paris

Les 45 000 exemplaires du livre Recettes pompettes au pilon

Paris — L’affaire Éric Salvail a des répercussions jusqu’en France, et cela ne fait pas du tout le bonheur d’Elsa Lafon.

La directrice des éditions Michel Lafon devait lancer en novembre le livre Les recettes pompettes, tiré de l’émission du même nom diffusée à V, avec une grosse photo de l’animateur aujourd’hui déchu sur la page couverture.

Mais l’actualité l’a forcée à revoir ses plans : aucun des 45 000 exemplaires, tout juste imprimés, ne sortira tel que prévu au Québec.

« Pour nous, c’est pure perte. Mais on n’a pas le choix. Les libraires ne le prennent pas. Et on a eu 350 présentoirs annulés dans les marchés IGA et Metro », lance l’éditrice, rencontrée mardi dans ses bureaux de Neuilly, en bordure de Paris.

Mme Lafon ne cache pas sa déception. Ni son désarroi. Sur le plan financier, elle admet que cette situation lui cause bien des maux de tête.

« Les dommages collatéraux de cette affaire sont très importants pour les employés de Salvail & Co, mais aussi pour des entreprises comme la mienne. Comment anticiper ce genre d’événement ? »

— Elsa Lafon

Manque de chance ou ironie du sort : Mme Lafon devait aussi publier, en avril prochain, une autobiographie de Gilbert Rozon. Mais cette fois, l’éditrice a pu prévenir le désastre en stoppant le projet avant qu’il ne soit trop tard.

Lafon et le Québec

C’est la première fois qu’Elsa Lafon se retrouve dans une telle situation.

Mais ce n’est pas la première fois que la fille du fondateur Michel Lafon publie des auteurs québécois. Elle estime avoir publié au moins 150 titres d’écrivains du Québec, notamment deux de ses meilleurs succès, India Desjardins et Anne Robillard.

Sans cette dernière, d’ailleurs, qui sait si sa carrière aurait été la même ? Il y a 10 ans, alors qu’elle débutait dans l’entreprise de son père, Elsa Lafon a eu la bonne idée de publier en France Les chevaliers d’Émeraude, de Mme Robillard. Son instinct ne l’a pas trompée : cette série d’heroic fantasy s’est vendue à 4 millions d’exemplaires et le département jeunesse de Michel Lafon, jusque-là inexistant, a explosé.

Connue au départ pour ses biographies people, la maison d’édition a élargi son catalogue à la fiction, aux beaux livres, aux guides sur le mieux-être, à la musique, au tourisme, autant de produits destinés pour la plupart à un public populaire.

Le livre d’Éric Salvail est un bon exemple de cet éclectisme « pop » et de cette ouverture aux auteurs québécois. Les éditions Michel Lafon doivent d’ailleurs lancer en France le premier roman de Brigitte Pilote, Motel Lorraine (« un coup de cœur », dit Elsa Lafon) ainsi qu’un livre de l’illusionniste Luc Langevin.

Mme Lafon évoque en outre une possible collaboration avec la productrice Julie Snyder. Son sourire entendu nous laisse croire que ce projet de biographie a de bonnes chances de se concrétiser. À suivre.

La Presse à Paris

Le Théâtre du 13ème Art dans « l’incertitude »

On ne rit plus au Théâtre du 13ème Art. La nouvelle salle parisienne, inaugurée il y a moins d’un mois par le groupe Juste pour rire, subit elle aussi les contrecoups de l’affaire Rozon.

Ébranlé, son directeur Olivier Peyronnaud se dit dans « l’incertitude » en ce qui concerne l’avenir du théâtre, alors que des offres d’achat pour le groupe JPR sont actuellement sur la table.

La nouvelle salle parisienne sera-t-elle vendue avec le reste du lot ? À des intérêts québécois ? Français ? « Je n’en sais rien, je suis sincèrement ignorant, répond M. Peyronnaud. Mais oui, on peut imaginer que le théâtre ferait partie de la corbeille de la mariée. »

D’ici là, Juste Gilbert, le one man show que devait y donner Rozon en février 2018, a été annulé. « De son propre chef et du nôtre », précise M. Peyronnaud.

Le jeune humoriste Roman Frayssinet a également choisi de mettre un terme à sa collaboration avec le groupe Juste pour rire à la suite des « événements récents », annulant tous ses spectacles prévus à partir du 3 novembre au Théâtre du 13ème Art, pour les reporter dans une autre salle parisienne. « J’embrasse tous les employés de Juste pour rire qui, malgré leur innocence et leur irréprochabilité, payent le prix des actes qui ne sont pas les leurs », écrit-il notamment sur sa page Facebook.

Consolation : le Théâtre du 13ème Art roule plutôt bien, en dépit de la situation. « Les spectateurs qui viennent voir en ce moment le Cirque Eloize ne font pas forcément le lien », déclarait hier matin M. Peyronnaud dans les pages du Parisien.

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