« Trop compliqué. Trop éprouvant. Trop long. »
« Il m’a fallu trois mois et demi pour porter plainte après l’agression sexuelle que j’ai subie. J’avais une petite voix en dedans qui me disait : “Va en parler à un policier.”
« Ça s’est très bien passé avec le policier. Il a pris le temps de bien m’écouter. Il m’a expliqué le processus judiciaire. Il m’a référée au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Sherbrooke. Là, l’intervenante Stéphanie Tremblay m’a prise sous son aile. Je l’appelle mon ange terrestre. Elle m’a sauvée. Je me suis sentie en confiance dès la première rencontre. J’ai su que je n’étais plus toute seule. J’avais pour me soutenir quelqu’un qui ne me jugeait pas.
« Avant d’avoir l’aide de Stéphanie, j’ai pensé au suicide. Un matin d’automne, froid et pluvieux, j’ai décidé que j’en avais eu assez de souffrir. Je ne suis pas passée à l’acte, heureusement. Mais j’ai eu peur de ma réaction. C’est là que je suis allée chercher de l’aide au CALACS.
« Petit à petit, j’ai pris du mieux. Il m’a fallu aller puiser au plus profond de moi-même. C’est le travail à la fois le plus difficile et le plus gratifiant que j’ai pu faire.
« Au Centre d’aide aux victimes d’acte criminel (CAVAC), on m’a donné beaucoup de lecture sur le système de justice. J’ai lu et relu. J’ai fait des recherches. Plus je lisais, plus mon moral était bas. De la plainte à la police jusqu’à la sentence, on attend parfois plus de quatre ans… C’est beaucoup trop long. J’ai pesé le pour et le contre. J’ai réalisé que si je suivais cette voie, j’allais me détruire à petit feu.
« J’ai pensé aussi à la poursuite civile. Mais j’y ai vite renoncé parce que c’était trop dispendieux pour moi. Comment payer l’avocat ? Je ne pouvais pas.
« Le système judiciaire manque beaucoup d’humanité. Il n’est pas adapté pour les victimes. Ça m’a semblé trop compliqué. Trop éprouvant. Trop long.
« Mon but, c’était de m’en sortir au plus vite. L’important pour moi, c’était que mon agresseur sache le mal qu’il m’avait fait et à quel point ses gestes avaient pu me détruire. Je lui ai écrit une lettre. Je sais qu’il l’a lue parce que je l’ai envoyée par courrier recommandé et j’ai vu sa signature.
« Dans la lettre, je lui ai tout expliqué. Je lui ai dit que pendant l’agression et des mois plus tard, je me suis sentie comme un objet, un torchon. Je me suis sentie sale, très sale. Brisée et très humiliée.
« Lui écrire cette lettre, c’était plus important pour moi que de passer quatre ans en cour. Je me suis sentie libérée d’un gros poids sur mes épaules. Je lui ai pardonné pour être en paix. Ce qui ne veut pas dire que j’ai oublié.
« Même si je n’ai pas choisi la voie judiciaire, j’encourage les femmes à porter plainte. Parce qu’il faut dénoncer cette violence. Je veux dire aux victimes que malgré tout, on s’en sort. Aujourd’hui, je mords dans la vie à pleines dents et je suis heureuse.
« Le mouvement #moiaussi me donne espoir que les choses changent pour le mieux. Que ce soit moins long et compliqué d’obtenir justice. Que le système soit plus humain et qu’on mette fin à l’impunité. »