Les parasols sont ouverts. Le réseau WiFi est activé. Le café coule à flots. Aire commune, un espace de travail extérieur du Mile End, vient de rouvrir cette semaine, pour quatre mois plutôt qu’un. Le projet pilote réalisé l’an dernier a été un tel succès que ses créateurs songent même à reproduire le concept dans différents quartiers de la ville, voire ailleurs au Québec.
Situé à l’angle de l’avenue De Gaspé et de la rue Bernard, ce premier espace (soutenu par l’arrondissement et une foule de partenaires, dont Ubisoft, Desjardins, Financière Sun Life, Helm microbrasserie sur Bernard, Romeo’s Gin, Café Névé, etc.) offrira donc gratuitement, du lundi au vendredi, tables, prises électriques, réseau WiFi, sans oublier parasols et salles de réunion (à l’écart, dans des conteneurs), et ce, jusqu’au 21 septembre. Café ou bière en sus.
En soirée, on prévoit organiser en prime des 5 à 7, mais aussi des conférences, des activités de réseautage, des formations, et des événements culturels variés. Aire de jeu, terrain de pétanque et coussins Fatboy inclus.
À court terme, les organisateurs songent à ouvrir un deuxième projet pilote dans le Quartier de l’innovation, à l’angle des rues Peel et Saint-Jacques, et aimeraient dans les prochaines années offrir autour de quatre aires du genre dans la métropole. « On aimerait viser d’autres villes aussi, pour développer des aires communes éphémères ici et là, et favoriser des connexions entre les gens du milieu et les professionnels », explique Philippe Pelletier, l’un des six cofondateurs d’Aire commune, rencontré à quelques jours de l’ouverture. Pourquoi ne pas, à terme, dit-il, construire des espaces éphémères intérieurs dans des immeubles désaffectés, par exemple ?
Une idée née d’un besoin
L’idée du lieu, inauguré l’an dernier (et qui a accueilli, en un seul mois, plus de 10 000 personnes), a germé tout naturellement. « On travaille beaucoup dans le Mile End, dans l’événementiel », poursuit Philippe Pelletier, rencontré avec son associée Émilie Wake, dans un parc à un coin de rue de là (l’installation n’était pas montée, au moment de l’entrevue).
« On s’est rendu compte qu’il manquait d’espaces extérieurs pour faire des rencontres. Exactement comme aujourd’hui : il fait beau, où est-ce qu’on va ? On s’est dit : “Pourquoi ne pas créer des espaces adaptés pour le travail ? Avec des prises, du WiFi, des parasols, etc.” »
— Philippe Pelletier, cofondateur d’Aire commune
Le choix du Mile End allait de soi : on trouve ici beaucoup de travailleurs autonomes, sans compter toutes les entreprises du quartier, à commencer par Ubisoft, Sunlife, ou Frank And Oak, dont les gens ont d’ailleurs régulièrement fréquenté les lieux l’an dernier, pour des cafés ou des séances de remue-méninges. Ubisoft a même organisé ici son « plus gros 5 à 7 de l’été », un événement qu’on se promet de refaire cette année.
Avantages
Outre le fait d’offrir un espace extérieur gratuit, équipé en réseau et en électricité, et de permettre à des travailleurs du quartier de se rencontrer (et qui sait, faire des affaires – ne dit-on pas que « les plus gros deals se signent plus souvent autour d’une bière que dans une salle de réunion ? », fait valoir Philippe Pelletier), Aire commune se veut un espace pour permettre aux travailleurs de sortir de leur quotidien, histoire de stimuler leur créativité.
« En se décontextualisant, on se permet d’être plus créatifs, d’amener de nouvelles idées et d’être plus productifs », dit Philippe Pelletier.
« On vient bonifier l’offre existante pour le travailleur moderne. On ne vient pas remplacer le bureau, on est un plus, dans une ère de flexibilité, poursuit Émilie Wake, cofondatrice et directrice du marketing, qui a beaucoup profité du lieu l’an dernier. Pour tout ce qui est idées, plans stratégiques ou réunions, on est tellement mieux à l’extérieur ! »
Bémols
De là à dire qu’en sortant dehors, vous serez automatiquement plus créatif, il y a un pas que Laurent Simon, professeur au département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal, refuse de faire. « L’idée qu’il faut être dehors pour trouver de l’inspiration, c’est un mythe de la nouvelle économie », tranche-t-il.
Certes, « on réalise bien que le travail n’est plus nécessairement lié au fait d’être attaché à un bureau », concède-t-il. D’où, notamment, la popularité des espaces dits « intermédiaires » de cotravail, ou encore le succès de Starbucks. Mais « est-ce que le fait d’aller dehors, de sortir de son espace, pour se retrouver le nez plongé dans une tablette énergise la création ? On peut émettre un doute », dit-il.
S’il trouve le concept « sympathique », l’expert en créativité nuance ici sa portée créative. « Si c’est sortir pour dire qu’on est sorti, il y a peu d’intérêt. C’est sympathique, mais il faut poser la question : comment aller plus loin pour faire une différence dans la capacité créative des gens qui sont là ? Sans faire le professeur, il faut savoir que la créativité, c’est une démarche, une succession de moments d’intensité, puis de relaxation. C’est le balancement qui est intéressant. Donc oui, on sort, on fait autre chose. Puis on rentre et on fait le travail. On l’oublie, mais être créatif, c’est du travail ! »