Éditorial  Lev Tahor

Le réflexe poltron

La Loi sur l’instruction publique devrait être renforcée afin de clarifier le flou autour de la liberté de religion

La troublante passivité face à la secte juive ultraorthodoxe Lev Tahor n’est pas qu’un mauvais souvenir. Elle risque de se reproduire avec des écoles privées religieuses, car la loi est édentée et que ceux qui l’appliquent confondent la tolérance avec la pleutrerie.

Avant de sévir contre la secte qui maltraitait ses enfants, les autorités ont attendu 17 mois. Soit assez longtemps pour que la communauté s’échappe en Ontario, puis dans certains cas au Guatemala.

Dans son rapport dévastateur, la Commission des droits de la personne identifie deux coupables : la bureaucratie et un certain malaise face à la religion.

Il y avait moyen d’éviter une partie du gâchis sous la loi actuelle. D’abord, les autorités auraient pu mieux collaborer. Par exemple, la commission scolaire et les services sociaux communiquaient rarement avec la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Et la DPJ s’est, quant à elle, soumise aux exigences de la Sûreté du Québec, qui a retardé l’intervention pour pouvoir poursuivre ses enquêtes sur la traite de personnes et autres sévices.

Ensuite, les autorités auraient pu mieux interpréter la loi. Si les parents ne prennent pas les « moyens nécessaires » pour scolariser leur enfant, la DPJ peut intervenir. La loi a en effet été changée en 2006 pour que cette lacune justifie à elle seule une intervention. C’était le cas avec Lev Tahor, qui n’enseignait que la religion, en yiddish, mais la DPJ n’en a pas tenu compte.

Enfin, la commission scolaire aurait pu être moins naïve. Elle s’est seulement adressée au rabbin de la secte, comme si elle cautionnait son autorité. Et elle a attendu plus d’une année avant d’oser lui écrire une seconde lettre.

Ce n’est pas la liberté de religion en soi qui pose problème. C’est la mauvaise compréhension qui en est faite. 

Elle implique la liberté de croire ou de ne pas croire. Or, les implications sont différentes pour un enfant. Il est normal que les parents transmettent leurs valeurs et culture, mais il y a une ligne à ne pas franchir : quand l’éducation est si déficiente qu’elle fait de l’enfant un analphabète civique et l’empêche de faire un choix éclairé. La religion devient alors subie, et non choisie. C’est le contraire de la liberté.

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Pour éviter que le gâchis se répète, il faudra aussi renforcer la Loi sur l’instruction publique. Si la commission scolaire constate que l’enseignement est déficient, elle doit présentement renvoyer le dossier à la DPJ. C’est inefficace, comme le démontrent les cinq écoles privées religieuses qui restent ouvertes même si un ultimatum leur a été lancé en… 2009.

Le gouvernement Couillard a lancé l’année dernière un comité interministériel sur le sujet. Mais peu après, il signait une entente risible avec l’école illégale Yeshiva Toras Moshe. On lui a permis de n’enseigner que la religion, à condition que les parents s’occupent à la maison des autres matières. Or, ces parents ont eux-mêmes appris à cette même école que la théorie de l’évolution est une hérésie…

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