MICHAL HORNSTEIN 1920-2016

Les amis du musée…

Avec le décès de Michal Hornstein, c’est une génération de grands philanthropes qui disparaît.

C’est un géant qui est parti cette semaine. Un grand parmi les grands.

La nouvelle n’a pas fait les manchettes. Vous ne savez peut-être même pas de qui je parle. Et pourtant, pendant qu’on discutait de l’importance qu’on accorde aux vedettes A, on faisait peu de cas du départ d’une vedette AAA.

C’est ainsi que lundi dernier, Michal Hornstein s’en est allé comme il a passé, en toute discrétion.

L’homme de 95 ans nous aura quittés par la grande porte du Musée des beaux-arts plutôt que celle, hélas, du Pavillon pour la paix, cet édifice qui portera son nom dont l’inauguration est imminente…

Une triste mort pour le MBAM, qui perd ainsi l’un des plus grands mécènes de son histoire. Mais une triste mort pour Montréal aussi, qui voit ainsi disparaître le dernier d’une génération de grands philanthropes.

Le décès du collectionneur Michal Hornstein suit en effet de près celui de son complice Bernard Lamarre, le mois précédent. Il suit également ceux de Liliane Stewart et de Paul Desmarais père*, ces dernières années.

Des décès qui feraient mal dans n’importe quelle communauté qui perd ses bâtisseurs. Mais qui sont plus douloureux encore pour une ville comme Montréal, qui a tardé à développer cette culture philanthropique anglo-saxonne.

L’impact est donc immense sur le MBAM, qui, on l’oublie, est une exception dans le paysage muséal québécois en raison, justement, de sa dépendance aux dons privés.

« Le Musée n’existe que par ses donateurs, explique sa directrice, Nathalie Bondil. C’est un groupe d’individus qui l’a fondé il y a 150 ans, et ce sont ses donateurs qui lui ont permis de grandir. Le profil du MBAM se distingue donc de celui des autres musées nationaux, le Musée des beaux-arts du Québec, le Musée d’art contemporain, le Musée de la civilisation, qui ont été créés grâce à une volonté d’État. »

Pour s’en convaincre, il suffit de visiter la « cité muséale » qu’elle est devenue, au fil des années et des mécènes qui l’ont développée. À commencer par le bâtiment de marbre blanc de la rue Sherbrooke, construit par et pour les philanthropes anglophones en 1912. Un bâtiment qui porte aujourd’hui le nom de ceux qui ont financé sa restauration… Michal et Renata Hornstein, sa femme.

Il y a ensuite l’extension de béton construite derrière en 1976, qui porte le nom de la « meilleure amie des musées montréalais », la mécène Liliane Stewart.

Il y a l’arche blanche, en face, qui joue le rôle de portique du pavillon Jean-Noël Desmarais, père de Paul Desmarais père, qui a financé le doublement des surfaces d’exposition en 1991.

Puis il y a l’église néo-romane convertie en 2001 grâce à la générosité de la famille Bourgie.

Un véritable campus, financé en grande partie par des fonds privés, auquel s’ajoutera donc le Pavillon pour la paix, qui accueillera la collection d’œuvres offerte par le couple Hornstein. Rien de moins que le don le plus important de l’histoire moderne du Québec.

Le décès des philanthropes anglophones et des mécènes qui ont vécu la Révolution tranquille crée donc assurément un vide au Musée. Ce que reconnaît Nathalie Bondil.

Mais est-ce grave pour la suite ? « Ce serait grave si on ne s’était pas préoccupés de la relève », me répond-elle du tac au tac.

Le MBAM avait prévu le passage du flambeau. Il voyait bien que les grandes fortunes ne couraient pas les rues, que les pionniers ne seraient pas faciles à remplacer.

Heureusement, il y a aujourd’hui de rares, mais importants, bienfaiteurs comme Pierre Bourgie, 56 ans, qui est derrière la superbe salle de concert intégrée à l’ancienne église. Il y a aussi Michel de la Chenelière, 67 ans, qui a aidé à financer le nouveau pavillon du MBAM, qui sera doté d’un atelier international d’éducation et d’art-thérapie qui portera son nom.

Mais comme ces « jeunes » mécènes sont peu nombreux, le Musée s’est affairé à lancer toutes sortes d’initiatives auprès des générations suivantes, comme le Cercle des jeunes philanthropes (moins de 40 ans), qui compte déjà 400 membres (de moins de 40 ans). Et le tout récent Cercle des anges, créé jeudi soir dernier (pour les plus de 40 ans).

« La philanthropie change, elle s’élargit, m’indique Nathalie Bondil. Il y a eu les grandes corporations, il y a eu quelques grandes fortunes individuelles. Et de plus en plus, il y a des gens de toutes les couches de la société, des petits, des moyens et des grands philanthropes, des gens qui acceptent de mettre la main à la poche pour nous aider, même s’ils n’ont pas des fortunes extraordinaires. »

Il n’y aura donc peut-être plus jamais de grand Michal Hornstein, mais le Musée s’assure qu’il y ait plein de petits Hornstein, qui contribueront à leur tour au développement de cette institution d’exception.

*Propriétaire de La Presse

POUR ALLER PLUS LOIN : 

Les Publications du Québec lancent ces jours-ci Architectures d’exposition au Québec, un superbe livre dirigé par les architectes Jacques Plante et Nicholas Roquet, dans lequel Nathalie Bondil décortique l’architecture de son musée, qui se caractérise selon elle « par son curieux développement organique à la recherche d’une unité introuvable ». À lire.

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