Des investissements records pour la région

Il y a un an, Benjamin Digusto n’avait jamais entendu parler de Drummondville. Il y habite maintenant depuis six mois avec femme et enfants et travaille chez le plus gros employeur de la ville, le groupe Soucy.

Benjamin Digusto manœuvre des machines sophistiquées qui façonnent de grandes pièces de métal chez Soucy Rivalair, une des divisions du groupe Soucy installées à Drummondville.

« Les quatre derniers opérateurs qu’on a embauchés ont été recrutés à l’étranger », dit Éric Côté, président et chef de l’exploitation du Groupe Soucy.

Ces machines qui coûtent cher, dans les millions de dollars pièce, pourraient fonctionner 24 heures sur 24. Mais elles sont souvent au repos forcé chez Soucy, faute de main-d’œuvre.

Soucy est l’entreprise qui fabrique les rondelles de la LNH. Mais elle fait beaucoup d’autre chose, à commencer par les chenilles qui équipent les chars d’assaut de l’armée. Elle a besoin d’expertises variées, comme des pilotes d’essai de chars qui mettent ses produits à l’épreuve ainsi que des machinistes.

TRAVAILLEURS DEMANDÉS

Les travailleurs qualifiés comme Benjamin Digusto sont difficiles à trouver au Québec. Éric Côté, un ancien dirigeant de Bombardier Aéronautique, sait de qui il parle. « On se les arrache », résume-t-il.

Benjamin Digusto, qui vient de la région de Dijon, a été recruté en novembre dernier lors des Journées du Québec à Paris. L’événement, qui a été annulé cette année en raison des attentats terroristes dans la capitale française, a lieu normalement deux fois par année. Drummondville y participe, avec les villes de Montréal et de Québec, pour aller chercher la main-d’œuvre spécialisée qui manque aux entreprises établies sur son territoire.

En 2014, les Journées du Québec à Paris ont permis de recruter 220 personnes pour les entreprises québécoises.

Si le secteur manufacturier est en déclin partout dans le monde occidental, ce n’est pas le cas à Drummondville, où on y investit à qui mieux mieux. En 2015, les investissements des entreprises dépasseront les 300 millions, un nouveau record pour la région.

L’an dernier, 220,5 millions ont été investis dans des nouveaux projets et des usines existantes. Ces investissements ont créé des emplois, beaucoup d’emplois. Environ un millier de nouveaux jobs en 2014 seulement, estime le directeur général de la Société de développement économique de Drummondville (SDED).

Martin Dupont a 30 ans de promotion économique régionale derrière la cravate. Les choses ont changé, raconte-t-il. « Avant, on me demandait : as-tu des terrains ? Aujourd’hui, la première question c’est : as-tu de la main-d’œuvre ? »

LA RELANCE APRÈS L’AGONIE

De la main-d’œuvre, Drummondville en a déjà eu en quantité. À son apogée, l’industrie du textile, et notamment les géants Dominion Textile et Celanese, employait à elle seule plus de travailleurs qu’il y en a actuellement dans toute la ville.

La suite de l’histoire est connue : l’industrie du textile a périclité et Drummondville est devenue la risée de la province, grâce notamment au magazine satirique Croc, qui en avait fait sa tête de Turc. 

« L’agonie d’une ville », titrait plus sérieusement le magazine L’actualité en 1976 alors que le chômage atteignait 25 %.

À 5 %, le taux de chômage actuel, « c’est le plein emploi ici », estime Martin Dupont.

Lors de la plus récente foire aux emplois qui s’est tenue à Drummondville en octobre, 1000 postes étaient offerts. Il y avait de tout, dans tous les secteurs d’activité. La municipalité s’efforce de ne plus être dépendante d’une seule industrie comme elle l’a été du textile.

Pas moins de sept entreprises cherchaient des machinistes comme Benjamin Digusto. Pas surprenant que celui-ci ait reçu toute l’assistance dont il a eu besoin pour s’installer à Drummondville. « On m’a aidé avec les papiers à remplir, pour trouver un logement, et on est venu nous chercher à l’aéroport », raconte-t-il.

Chez Soucy Rivalair, le machiniste fait à peu près le même travail qu’en France. Le salaire est équivalent, mais le coût de la vie est moins élevé. Le milieu de travail est infiniment plus dynamique que ce qu’il a connu en France, dit-il.

« De nouvelles machines arrivent constamment, des choses qu’on ne voit plus en France depuis longtemps, souligne Benjamin Digusto. La ville est aussi en plein essor ; ça aussi, c’est intéressant ».

CHOISIR DRUMMONDVILLE

Avant de fixer son choix sur Drummondville pour construire son centre de distribution de 30 millions, Jean Laberge, président du Groupe Canac, a bien fait ses devoirs.

« On a regardé partout, analysé, comparé, dit-il. Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Hyacinthe et Bromont ont été considérés. »

Le Groupe Canac a même failli s’installer dans l’ancienne usine de Hyundai à Bromont, qu’il aurait pu acheter « pour un prix très raisonnable ».

Finalement, c’est Drummondville qui a accueilli l’investissement de 30 millions dans le mégacentre de distribution du quincaillier de Québec, qui entend s’en servir comme tremplin pour son expansion dans le centre et l’ouest de la province.

« On a toujours le choix, explique Jean Laberge. On peut aller dans le fond du bois et avoir des terrains à 5 cents du pied et pas de main-d’œuvre. On peut aller à Montréal pour avoir la main-d’œuvre et payer 15 $, 16 $ ou 17 $ le pied carré ».

Pour le Groupe Canac, Drummondville constitue l’endroit idéal. « C’est très bien situé, la Ville m’a fait des conditions très avantageuses, le compte de taxes est raisonnable », résume Jean Laberge.

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