Opinion  Éducation

La chimère des nouvelles technologies

Dans nos écoles, les enseignants passent souvent pour des dinosaures s’ils osent poser des questions concernant l’utilité et l’efficacité de certaines nouvelles technologies censées les aider dans leur travail et leurs communications.

Par exemple, dès le début de l’introduction d’adresse courriel spécifique à chaque enseignant, des directions jovialistes nous suggéraient de fournir nos adresses aux parents afin de mieux, pensaient-ils, communiquer avec eux. Exemple : « Ma fille a été malade aujourd’hui, puis-je avoir ses devoirs ? » Réponse : « Mais madame, votre fille n’a pas de copine à qui demander ses devoirs comme avant ? »

Autre exemple d’un courriel reçu un certain jeudi : « Nous partons lundi en voyage pour 10 jours, vous savez, les voyages, c’est tellement formateur pour les enfants ! Samuel va-t-il manquer un examen ? Si oui, peut-il le faire avant pour qu’il profite au maximum de son voyage ? » Réponse : « Mais monsieur, il faudrait d’abord que Samuel ait vu et assimilé la matière ! Et puis, n’est-ce pas son deuxième voyage formateur cette année ? Par ailleurs, j’ai fourni au début de l’étape un plan de cours, où sont détaillées les périodes d’examens et la matière correspondante, Samuel ne vous l’a pas montré ? »

Il était pourtant clair dès le départ que la gestion des courriels pourrait devenir un fardeau supplémentaire pour les enseignants, en donnant l’illusion de communiquer réellement.

Certains de mes collègues ont fini par faire des dépressions devant la hargne virtuellement communiquée dès leur entrée dans leur classe, hargne parfois concertée de parents dont les enfants, trop souvent mal classés, échouaient encore une fois à un examen.

N’oublions pas qu’avec le renouveau pédagogique, tous les élèves peuvent s’inscrire en mathématiques fortes même si leurs résultats antérieurs sont faibles.

LES LIMITES DES TABLEAUX INTERACTIFS

Malgré mes interrogations légitimes concernant l’introduction des nouvelles technologies en enseignement, j’ai demandé de faire partie du premier groupe d’enseignants de mon école qui voulaient travailler avec un tableau interactif (TI). Je me suis rapidement rendu compte des limites pédagogiques du TI.

L’un des trois objectifs principaux de la réforme est que l’élève doit démontrer sa capacité à résoudre des problèmes comportant plusieurs étapes.

Dans ce type d’objectif, la résolution d’un seul problème peut durer plus d’une heure. Malgré sa bande déroulante, le tableau était très petit (4 pi sur 6 pi) ; ainsi, lorsque venait le temps de résoudre un problème comprenant plusieurs étapes, les élèves n’avaient pas une vue d’ensemble du problème et ne suivaient plus après quelques minutes. Il faut une grande capacité d’abstraction et de concentration pour se rappeler virtuellement, en temps réel, du résultat des étapes précédentes d’un problème. Le fait de dérouler le problème afin de revenir aux étapes antérieures semblait finir par en étourdir plus d’un.

Heureusement, j’avais résisté afin de conserver la vingtaine de pieds de bons vieux tableaux blancs sur un autre mur de ma classe, pour que mes élèves puissent obtenir en tout temps – pas seulement quand le prof déroulait la bande du TI – une bonne vue d’ensemble des explications des différentes étapes de la résolution des problèmes répondant à cet objectif de la réforme.

J’ai aussi réalisé avec le temps que les élèves qui réussissaient le mieux aux examens de fin d’année n’étaient pas ceux qui étaient le plus à l’aise avec leur calculatrice, pourtant programmable et fournie gratuitement par l’école. En effet, je crois que les élèves qui se fient d’abord à eux-mêmes pour résoudre un problème développent une plus grande confiance en leurs propres capacités.

À long terme, qu’en sera-t-il de la confiance de nos jeunes envers eux-mêmes à la suite de l’utilisation mur à mur de toutes ces nouvelles technologies qui semblent s’imposer comme un fait accompli ?

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