GHISLAIN MADUMA

Un Québécois avec Pacquiao

Le Montréalais Ghislain Maduma était dans sa voiture le mardi 23 février dernier quand son téléphone a sonné. Au bout du fil, son promoteur avait une proposition qui allait le mener aux Philippines, à Los Angeles et à Las Vegas dans les pas de l’un des plus grands boxeurs de la planète.

Maduma est un boxeur de 31 ans qui a connu l’adversité dans les dernières années. Il y a deux ans encore, il était invaincu en 16 duels. Mais il a perdu deux de ses trois derniers combats. À ce moment-là, à la fin de février, il se préparait pour un vague combat, mais il n’avait pas d’adversaire ni de date au calendrier. Sa carrière était au point mort. C’est précisément à ce moment que son téléphone a sonné.

« Manny Pacquiao se cherche un partenaire d’entraînement aux Philippines. Il faudrait que tu partes vendredi. Ça t’intéresse ? », lui a demandé Camille Estephan.

En boxe, servir de partenaire d’entraînement est un rôle qui peut être ingrat ou formateur. Le boxeur qui le fait accepte de s’effacer derrière son client. Être partenaire d’un boxeur de moyen ordre n’a rien de prestigieux ; être celui d’une légende vivante est une occasion qui se présente rarement dans la carrière d’un boxeur.

Manny Pacquiao (57-6-2, 38 K.-O.) tombe dans la catégorie des légendes vivantes. Il a été champion du monde dans huit catégories de poids différentes. Il se prépare à livrer, le 9 avril prochain, ce qui devrait être son dernier combat en carrière, contre Timothy Bradley à Las Vegas.

Et pour une raison ou une autre, l’équipe du Philippin avait scruté les vidéos des combats de Maduma (17-2, 11 K.-O.) et conclu que le boxeur de Montréal ferait un excellent partenaire d’entraînement.

Maduma n’a pas hésité longtemps. Il a fait son bagage, embrassé sa femme et son fils de 10 mois et est parti pour un long voyage de 30 heures à l’autre bout du monde.

« Il y a eu un drôle de hasard parce que juste avant l’appel de Camille, j’avais reçu une offre pour être partenaire d’entraînement de Kevin Bizier pour son combat en Angleterre », explique Maduma au bout du fil. 

« Kevin [Bizier] est un ami d’enfance, alors ça me faisait plaisir. Mais quand j’ai eu l’offre de Pacquiao, c’était vraiment dur à refuser. »

— Ghislain Maduma

Quand il est arrivé aux Philippines, on l’a conduit à la villa de Pacquiao, située à General Santos City, dans le sud du pays. Pacquiao, qui est élu au Parlement et se présente aux élections sénatoriales du mois de mai, est une figure importante chez lui.

« Sa villa est ouverte au public. Il y a un terrain de basket. À mon arrivée, on a soupé ensemble et ensuite, on a joué au basket, explique Maduma. Il y avait plein de gens de la ville qui étaient là pour jouer chez Pacquiao. »

Ce qui le frappe le plus chez le Philippin, c’est sa gentillesse. Pacquiao a l’air d’un « bon gars ». Mais Maduma connaît suffisamment les célébrités pour savoir que parfois, leur image est loin de la réalité.

« J’ai compris tout de suite que c’était un bon gars. Il m’a mis à l’aise immédiatement. Je peux parler de n’importe quoi avec lui, comme à un ami. C’est un gars vraiment très humble, très simple, dit-il. J’entendais beaucoup de bien de lui. Mais ce que j’ai découvert est à un autre niveau. C’est vraiment une bonne personne. »

ADOPTÉ PAR LE CLAN

Ce que Maduma découvre aussi, c’est un véritable clan autour du boxeur. Il estime que son entourage est composé d’une centaine de personnes. « C’est un vrai cirque autour de lui. Je me promenais et je me demandais tout le temps : lui, c’est quoi, sa job ? Il a un gars pour tenir la serviette, un gars pour essuyer sa sueur, un gars pour l’étirer... »

À son arrivée, il est le seul partenaire d’entraînement de Pacquiao, dont le dernier combat, contre Floyd Mayweather, a eu lieu il y a près d’un an. Très vite, on lui fait comprendre que son rôle est de le remettre en forme. Il est là initialement pour deux semaines. On lui indique clairement que s’il ne fait pas l’affaire, il sera renvoyé subito presto dans le premier avion vers Montréal.

« Eux ne me connaissaient pas. Ils avaient regardé mes combats, mais ils n’étaient pas sûrs de ce qu’ils allaient avoir comme marchandise. C’est quand même Pacquiao, c’est un autre niveau. Je suis arrivé et j’ai dû faire mes preuves. »

— Ghislain Maduma

Mais Maduma est un boxeur reconnu pour sa forme physique exemplaire. Quand il a reçu l’appel fin février à Montréal, il était déjà à l’entraînement. Dans le ring, il a su en donner pour son argent à Pacquiao. Les deux hommes se sont livrés jusqu’à maintenant à 40 rounds d’entraînement.

« Quand Pacquiao vient au gym pour le sparring, je dois être prêt. Parce que ce n’est pas facile, monter dans un ring avec ce gars-là. Il n’y va pas pour me tuer, mais il y va fort. Il faut se watcher. Des fois, il part en malade. Il est vraiment fort, il est exceptionnel. Il frappe fort, il est rapide, mais surtout, il est imprévisible. Je suis comme à l’école ici. »

Finalement, il est resté trois semaines aux Philippines, pour toute la durée du camp. Le clan Pacquiao lui a ensuite demandé s’il désirait poursuivre pour la deuxième partie de la préparation, au Wild Card Gym de Los Angeles, auprès de l’entraîneur Freddie Roach. Maduma a sauté sur l’occasion.

Maintenant, dit-il, on parle même de lui trouver un combat en sous-carte de Pacquiao-Bradley. « Là, ils m’aiment et ils font des plans à long terme pour moi », dit-il.

Ensuite, des discussions ont commencé pour qu’il serve de partenaire d’entraînement à Miguel Cotto. « S’il se bat contre un droitier, ce serait moi, le partenaire d’entraînement. Là, ça voudrait dire que je suis aux États-Unis pour un petit bout », explique Maduma, qui commence à s’ennuyer ferme de sa femme et de son fils.

Mais le Montréalais ne se plaint pas. Sa carrière faisait du surplace et le voilà en train de faire ses classes à l’une des plus réputées écoles de la boxe.

« Ce qui est exceptionnel avec cette occasion, lance le promoteur Camille Estephan, c’est que je crois que Ghislain est en train de réaliser lui-même à quel point il est un bon boxeur. »

La retraite pour Pacquiao ?

Le combat entre Manny Pacquiao et Timothy Bradley doit signer la fin de la carrière du Philippin. Ghislain Maduma croit-il à la retraite de celui qu’il côtoie quotidiennement depuis près d’un mois ? « Moi, mon feeling, c’est que lui pense que c’est son dernier combat, mais pas son entourage. Parce que c’est une machine à faire de l’argent, dit-il. Et les machines à faire de l’argent, c’est dur à arrêter. Muhammad Ali a vécu ça dans le temps, lui voulait arrêter, mais son entourage pensait autrement. Quand tu fais vivre 100 personnes, c’est sûr que tu te sens mal de les laisser tomber. »

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