Chronique

Nous sommes médiocres

Ceci est une chronique sur le PISA, qui n’est pas un poisson-carpe, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Le PISA est une série de tests qui compare la performance des élèves de 15 ans de dizaines de pays dans le…

Stop.

Si je continue, je vais vous perdre. Je vais reformuler : ceci est une autre chronique sur le formidable seuil de tolérance des Québécois à la médiocrité.

Le PISA est donc une série de tests qui compare les élèves de 15 ans dans le monde industrialisé. C’est ainsi qu’on sait que le modèle éducatif finlandais est une référence en éducation : la Finlande flirte au sommet du PISA depuis des années.

Le PISA est une série de tests administrée tous les trois ans par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : 72 pays y participent, et à l’intérieur de ces pays, des États sont également évalués. Comme le Québec.

Année après année, le Québec récolte de bons résultats au PISA. Mais hier, Le Devoir a découvert ce qui a tout l’air d’un pot aux roses : l’échantillon d’élèves québécois qui participent aux tests PISA est douteux. Suffisamment douteux pour que le PISA ait cru nécessaire de préciser qu’il fallait que les – supposément très bons – résultats québécois au test de 2015 soient « traités avec circonspection en raison d’un possible biais de non-réponse ».

Traduction : le taux de non-participation aux tests PISA est trop élevé pour être pris au pied de la lettre. Et dans l’échantillon, en définitive, trop d’élèves « forts » ont participé aux tests PISA : d’où le « biais de non-participation » du Québec : si les élèves moyens et faibles sont sous-représentés dans le test, évidemment que tu vas péter des scores…

Bref, ces « très bons » résultats ne sont pas très fiables. Ils sont peut-être un reflet du niveau de nos élèves. Ou pas.

Égide Royer, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, a été lapidaire hier au sujet de la validité des résultats québécois aux tests PISA, quand je l’ai interviewé : « Je ne commente même pas ces résultats, ils ne sont pas suffisamment fiables. »

Pour 2015, ce sont les directions d’écoles qui ont rechigné à faire passer les tests PISA à leurs élèves, en guise de moyen de protestation contre le gouvernement du Québec. La Fédération québécoise des directions d’écoles a déclaré ceci au Devoir, hier : « Depuis 2014, les membres de la Fédération ont décidé de ne plus répondre à des enquêtes de ce type-là pour se concentrer sur la réussite des élèves… »

Réponse médiocre d’une fédération médiocre qui contribue à dresser un portrait faussé des forces et des faiblesses des élèves, ce qui est le contraire de la « réussite ».

Ça, c’est pour 2015. Pour les années précédentes, c’est le même foutoir d’échantillonnage qui vient jeter une ombre sur les « très bons » résultats passés des jeunes Québécois aux tests PISA, selon des données cumulées par Philippe Mercure dans la présente édition de La Presse.

Pour 2006, 2009 et 2012, les échantillons de Québécois de 15 ans ayant participé aux tests PISA sont souillés par des taux de non-réponse trop élevés, par des élèves ayant statistiquement obtenu des notes supérieures à la moyenne à l’examen provincial de français et par une trop forte présence d’élèves du privé et du secteur anglophone.

La Presse a voulu avoir des détails sur les écoles qui avaient participé à PISA 2015. À 17 h 20, le ministère de l’Éducation a envoyé un courriel au journaliste Mercure : « Après vérification, le MEES n’a pas la liste des écoles qui ont participé à l’étude. »

Réponse médiocre d’un ministère médiocre qui préside à un taux de diplomation médiocre, si on le compare à celui de l’Ontario (74,4 % contre 85 %, et encore : le taux global québécois est dopé par celui des commissions scolaires anglophones).

C’est quand même incroyable, bis : les tests PISA sont la mesure étalon de l’état du système scolaire des nations à l’échelle mondiale. Il sert à se comparer à soi-même (au fil des ans) et aux autres. Et le Québec n’est pas foutu de fournir à l’OCDE un échantillon fiable pour composer un portrait fidèle du niveau de ses élèves !

L’Alberta a été capable d’accoucher d’un échantillon fiable, sans biais possible.

L’Ontario a été capable d’accoucher d’un échantillon fiable, sans biais possible.

Mais le Québec ? Non, pas capable.

Pour le Québec, dans le rapport PISA, on lit 18 fois cette note en petits caractères quand il est question de nos résultats : « Veuillez noter que les résultats pour la province de Québec dans ce tableau doivent être considérés avec circonspection, en raison d’un possible biais de non-réponse [voir l’Annexe A pour de plus amples renseignements]. »

Remarquez, ça pourrait être pire : l’Argentine, le Kazakhstan et la Malaisie ont été exclus des tests PISA en raison d’échantillons carrément viciés.

Alors, peut-être que nos élèves sont « très bons » dans les tests PISA. Ou peut-être pas. On ne sait pas trop. C’est ça, la maudite affaire, avec un échantillon vicié : on ne sait pas trop…

Opinion bien personnelle : si l’école était importante pour notre société, le Québec fournirait un échantillon représentatif de ses élèves aux tests PISA.

Pour voir ce qui marche, pour voir ce qui doit être corrigé.

Sauf que non. On se contente – encore une fois – d’être en banlieue de la médiocrité.

Au moins, nous ne sommes pas le Kazakhstan, right ?

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