POLITIQUE FAMILIALE

Et l’avenir ?

L’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) veut lancer rien de moins qu’une commission itinérante, cet automne, qui fera le tour du Québec pour solliciter l’opinion des chercheurs, mais aussi des parents sur l’avenir du réseau de services de garde du Québec. Cette grande consultation pourrait culminer à l’hiver sur un sommet national et, ensuite, un livre blanc.

« Vingt ans plus tard, a-t-on répondu aux promesses ? Est-ce qu’on a livré la marchandise ? Il est important qu’on fasse un pas de côté pour faire une réflexion. On a la responsabilité d’élever le débat », croit Louis Sénécal, président de l’AQCPE.

La commission sera présidée par André Lebon, qu’on connaît surtout comme spécialiste de la jeunesse en difficulté, mais qui a également consacré une bonne partie de sa carrière aux services à la petite enfance.

La commission fera le tour de 14 villes en octobre et novembre, sous l’égide de l’Institut du Nouveau Monde, qui sera chargé de la rédaction d’un rapport final. C’est la garantie, croit le directeur de l’INM, Michel Venne, de l’indépendance du propos. « Ce n’est pas l’AQCPE qui écrit le rapport. L’AQCPE va financer le rapport. »

« On veut une participation citoyenne, scientifique, la plus large possible, qui n’est pas orientée sur les CPE, mais sur l’éducation des jeunes enfants. »

— Louis Sénécal

L’AQCPE a contacté le Ministère ainsi que l’Association des garderies privées du Québec, les centrales syndicales et le chantier de l’économie sociale, qui ont tous manifesté leur intérêt pour la démarche.

« Je pense qu’on a un actif petite enfance au Québec qui fait l’envie des autres provinces. Notre expérience est un apport majeur, dit André Lebon. Cette consultation se fera en dehors d’une période de crise, dans une certaine sérénité. »

Cette grande consultation s’imposait, croient les chercheurs qui ont mené les travaux sur l’ELDEQ, qui tirent la sonnette d’alarme sur le financement du réseau. Les récentes modifications apportées à la formule de financement risquent de profondément modifier le réseau en poussant les parents plus fortunés dans les garderies à but lucratif.

« Les parents vont avoir à payer de l’impôt en allant en CPE. C’est un désincitatif », ajoute Christa Japel. « Il y a une mise au point à faire, croit Sylvana Côté. On est rendus là. » Déjà, l’impact se fait sentir : le nombre de garderies non subventionnées (54 654 au Québec) a pratiquement été multiplié par 10 depuis 2009, ont calculé les chercheurs.

Le débat sur la maternelle à 4 ans, que le gouvernement veut multiplier au Québec, risque également d’être à l’ordre du jour de cette grande consultation.

LE BULLETIN DES GARDERIES

Quel est le niveau de qualité des services de garde mis sur pied au Québec ? « Minimal », répond Christa Japel. « C’est acceptable, mais pas excellent. »

En 2003, les chercheurs ont mesuré à l’aide d’échelles internationales les lieux et les pratiques en services de garde fréquentés par les enfants de l’ELDEQ. Le niveau est en général moyen – autour de 4 sur 7. Le quart des garderies privées, le quart des milieux non régis et 6 % des CPE ont été jugés carrément inadéquats.

La qualité est en général un peu plus élevée dans les CPE en installation qu’en garderie privée ou en milieu familial, et aussi plus élevée pour les groupes plus âgés que pour les poupons.

« Et il est peu probable que la situation ait changé », dit Mme Japel, puisque les chercheurs ont calculé que le réseau a subi des compressions de 400 millions depuis 10 ans.

Malgré la mise en place d’un guichet unique pour l’accès, accéder à une place en garderie demeure également très problématique. « C’est extrêmement compliqué. Les garderies sont une véritable forteresse pour les parents », croit Sylvana Côté.

LE RÉSEAU DE SERVICES DE GARDE EN CHIFFRES

2,4

MILLIARDS

Somme que le réseau coûte annuellement aux Québécois

228 000

Nombre de places offertes aux parents dans 1500 CPE, 700 garderies privées subventionnées et 15 000 services de garde en milieu familial

36 %

Pourcentage des enfants qui se trouvaient, en 2015, dans des services de garde non régis. Ils sont gardés par leur famille immédiate, un voisin ou dans une garderie informelle.

75 %

Pourcentage des jeunes mères sur le marché du travail en 2015. En 1976, seul le tiers des jeunes mères travaillaient.

104 $

Selon le chercheur Pierre Fortin, économies que fait le Québec ou revenus supplémentaires recueillis par tranche de 100 $ investie dans les services de garde

Source : Christa Japel, chercheure

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