POLITIQUE FAMILIALE

Meilleurs à la maternelle ?

Il est navrant que les enfants de milieux défavorisés ne fréquentent pas davantage les CPE, selon l’enquête, car ces établissements ont le potentiel d’éliminer les écarts de performance entre les enfants de milieux défavorisés et les enfants issus de milieux aisés lorsqu’ils arrivent à l’école. On a en effet mesuré les habiletés langagières à 4 ans, la maturité scolaire à 5 ans et les habiletés de lecture à 6 ans entre des sous-groupes d’enfants. Même s’ils sont issus d’un milieu démuni, « ceux qui ont fréquenté le CPE à temps plein sont égaux aux autres, constate la chercheuse Sylvana Côté. L’écart avec les enfants issus de milieux aisés n’existe plus. » Lorsqu’on compare entre eux des enfants issus de milieux aisés, ceux qui ont fréquenté les CPE ne réussissent ni mieux ni moins bien que les autres.

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Portraits de familles

L’Enquête longitudinale sur les enfants québécois  (ELDEQ) a suivi plus de 2200 enfants québécois nés en 1997, issus d’un échantillon représentatif de la population. Comment se développent ces enfants qui sont nés en même temps que les CPE ? Et quel impact la fréquentation – ou non – de ces centres peut-elle avoir eu sur eux ? Voici quelques éléments de réponse.

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Plus riches ?

Les enfants issus de milieux pauvres ont été beaucoup moins nombreux que les autres à fréquenter les CPE, dont ils étaient pourtant une clientèle cible. « Ces enfants n’entrent pas dans le réseau. Ils restent chez eux », constate le chercheur Richard Tremblay, professeur de psychologie à l'Université de Montréal. « Les filles qui sont en échec scolaire sont les futures mères des enfants qui n’arrivent pas en CPE parce qu’elles se disent : “Moi, je ne veux pas que mon enfant entre dans le système”, car elles-mêmes ont souffert de ce système. » Pour les chercheurs, un facteur permet de prédire si un enfant va fréquenter ou non un CPE : le statut socioéconomique des parents.

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Plus malades ?

Les enfants qui ont fréquenté la garderie ont effectivement été plus malades dès leur entrée en service de garde, ont noté les chercheurs. Rhumes, gastros, otites se sont multipliés dans les mois qui ont suivi. Cependant, les chercheurs ont observé le même phénomène chez les enfants qui n’avaient pas du tout fréquenté de service de garde… lors de leur entrée à l’école. « Ils sont simplement malades plus tard, observe la chercheuse Sylvana Côté, professeure de médecine préventive, Université de Montréal. Ce n’est donc pas une bonne raison de les garder à la maison ! »

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Moins de décrocheurs ?

La génération CPE réussira-t-elle mieux au secondaire que les autres ? Les jeunes auront-ils tendance à moins décrocher d’un parcours scolaire normal, ou non ? Comment vivront-ils leur sexualité ? Consommeront-ils plus ou moins de drogue ? Les chercheurs examineront toutes ces questions en décortiquant les données recueillies sur ces enfants, qui étaient au départ récoltées tous les ans, et maintenant tous les deux ou trois ans. Actuellement, les chercheurs sont en train d’analyser les données concernant des enfants de l’ELDEQ lorsqu’ils ont eu 15 ans, soit en 2012. On prévoit les suivre ainsi jusqu’à l’âge de 25 ans.

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Plus agressifs ?

Même scénario pour les comportements agressifs et perturbateurs. « Aux États-Unis, on a très peur de ça, créer une génération d’agressifs en les envoyant à la garderie », dit Sylvana Côté. Or, à long terme, cette crainte ne se matérialise pas. À leur arrivée à la maternelle, les enfants de l’ELDEQ qui n’avaient pas fréquenté la garderie étaient plus timides, plus retirés socialement. Ceux qui avaient fréquenté un service de garderie étaient effectivement jugés plus « oppositionnels » et plus agressifs. Mais à l’arrivée en première année, la différence entre les deux groupes disparaît presque complètement.

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En garderie ?

Les enfants suivis par l’ELDEQ ont fréquenté les CPE dans une proportion de plus de 40 %. Quelque 14 % d’entre eux y sont entrés très tôt, à 5 mois ; un autre 28 % y a fait son entrée autour de 17 mois. Quelque 57 % des enfants ont plutôt fréquenté d’autres services de garde, que ce soit une garderie privée ou un service de garde non régi, ou alors ils sont restés à la maison avec un parent.

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Meilleurs en 6e année ?

Mais cet « effet CPE » chez les enfants démunis se maintient-il au-delà de la première année ? « Honnêtement, on était vraiment sceptiques », dit Sylvana Côté avec un sourire. On a donc scruté les résultats des examens du ministère de 6e année des enfants de l’ELDEQ. L’impact des CPE s’amenuise : les enfants issus de milieux défavorisés réussissent globalement moins bien que ceux de milieux aisés. Mais les enfants des CPE issus de milieux pauvres obtiennent tout de même de meilleurs résultats que les enfants de familles démunies qui n’ont fréquenté aucun service de garde, ou même que ceux qui ont fréquenté des garderies privées. « La fréquentation du CPE ne parvient plus à cet âge à éliminer l’écart entre les enfants de milieux démunis et de milieux aisés. Mais l’effet dure, même s’il est moins impressionnant », dit Mme Côté.

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