Simone Boilard

Ne pas brûler les étapes

Sur un vélo, Simone Boilard fait plus vieille que son âge. Elle avait encore 15 ans lorsque l’équipe du Québec l’a invitée à se joindre à elle pour les championnats canadiens juniors de cyclisme sur route au début de l’été dernier.

« La grosse patente », résume l’athlète de Québec, avec maillot fleurdelisé, encadrement et mécano et camp de préparation. Compte tenu de sa domination dans la catégorie cadet, ce surclassement n’était pas étonnant. Sa victoire au contre-la-montre et ses podiums à la course sur route et au critérium, contre des rivales deux ans plus âgées, ont cependant créé la surprise.

« Ça n’a pas été un gros choc, mais je ne m’attendais pas à ça », reconnaît la principale intéressée.

Déception

En théorie, ses résultats auraient valu une invitation aux Championnats du monde juniors de Doha, au Qatar. Mais un règlement de l’Union cycliste internationale empêche les athlètes qui n’ont pas l’âge requis d’y participer.

Simone Boilard avait beau le savoir, elle a ressenti une légère déception de ne pas pouvoir vivre sa première expérience de compétition internationale. Au moment où la nageuse Penny Oleksiak, 16 ans, faisait le plein de médailles aux Jeux olympiques de Rio, certains se sont demandé si la jeune cycliste ne devrait pas solliciter une dérogation.

Son entraîneuse de toujours, Christine Gillard, n’était pas d’accord. « Je lui ai dit : moi, je ne t’appuierai pas dans cette démarche-là, raconte-t-elle. Je crois que ça prend une certaine maturité. Ça ne sert à rien de sauter les étapes. Je suis privilégiée, j’ai une très bonne relation avec mes athlètes. Simone comprenait et acceptait ma vision des choses. »

Finalement, Boilard n’a pas poussé plus loin, poursuivant plutôt sa démonstration de force sur la scène provinciale et remportant cinq médailles d’or aux Jeux du Québec de Montréal. Au printemps dernier, elle a reçu le titre d’athlète féminine niveau québécois au gala Sports Québec.

« C’est toujours difficile de faire de grandes projections, mais ça fait plusieurs années qu’on n’a pas eu une athlète dominante comme Simone, qui se démarque de plusieurs façons. »

— Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes 

Au sein de sa nouvelle équipe, Desjardins Ford, elle a continué d’épater la galerie cette année. En mai, elle s’est d’abord illustrée chez les moins de 23 ans au Grand Prix de Saint-Raymond, ce qui lui a valu une sélection pour les Jeux du Canada à sa première année d’admissibilité.

Dans la catégorie sénior, elle a aussi remporté l’étape-reine de la Killington Stage Race, qui se terminait par une montée de huit kilomètres. « Ce type d’effort, c’est vraiment ce que je préfère », note celle qui a fini deuxième au classement général.

« Jouer » au vélo

Enfant de la balle, Simone Boilard fait du vélo « du plus loin [qu’elle se] souvienne ». À sa naissance en 2000, son père Pierre, un ancien skieur alpin converti au cyclisme sur le tard, était « à son apogée de coureur maître », souligne sa fille en riant.

Le duo roule encore régulièrement ensemble. Chaque printemps, depuis qu’elle a 11 ans, Simone accompagne d’ailleurs son père à un camp en Virginie, où il exerce son métier de massothérapeute. Cette année, l’élève en sport-études à l’école secondaire Cardinal-Roy était même guide officielle. Son bagage est impressionnant.

« Ce n’est jamais forcé, toujours dans l’amusement, insiste Pierre Boilard. Simone, elle aime ça, “jouer” au vélo. » L’expression n’est pas fortuite et fait constamment partie du discours parental.

Reconnaissant le « potentiel fou » de son élève, Christine Gillard s’évertue d’ailleurs « à mettre les freins » plutôt que de trop pousser. « Le grand défi avec les très, très bons athlètes, c’est comment faire pour ne pas les brûler », relève celle qui est aussi responsable du programme sports-études de la région de Québec. « Faire en sorte qu’ils ne réalisent pas tout, trop vite. Ça reste des adolescents. »

Malgré ses succès de l’an dernier, Simone Boilard, qui aura 17 ans le 21 juillet, ne tient rien pour acquis en prévision des championnats canadiens d’Ottawa et Gatineau, samedi (course sur route) et le 27 juin (contre-la-montre). « Dans ma tête, c’est déjà un peu oublié, note-t-elle. Je ne m’accroche pas nécessairement à ça. J’en suis à la première année junior et c’est encore gros, les championnats canadiens. »

Une place pour les Championnats du monde de Bergen, son grand objectif de l’année, est encore à l’enjeu. « J’ai toujours rêvé d’aller en Norvège ! », s’enthousiasme-t-elle. Cette fois, ce n’est pas sa date de naissance qui l’en empêchera.

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