Hockey

83 buts pour ressusciter un rêve

Il n’avait jamais eu l’étiquette de joueur d’élite. À 18 ans, il a pensé à arrêter le hockey compétitif pour aller jouer avec ses amis dans une ligue de garage. Aujourd’hui, à 20 ans, Karl Léveillé vient de signer son premier contrat professionnel en France. Il lui aura fallu 83 buts en 51 matchs pour y parvenir.

Karl Léveillé a grandi en rêvant de devenir hockeyeur professionnel. Il imaginait la Ligue nationale, un aréna plein à craquer, lui qui marque un but, et la foule qui hurle.

Mais son rêve s’est réduit comme peau de chagrin au fil des ans. Le hockey mineur a un code bien simple pour décourager les enfants qui rêvent un peu trop : des lettres qui, collées ensemble, vous disent si vos rêves sont réalistes.

Les lettres de Karl Léveillé ne lui laissaient pas beaucoup d’espoir. Il a commencé novice A, et tout allait bien. Puis, il a enchaîné atome BB, pee-wee BB, bantam BB, midget BB… Ce que ces lettres disaient était clair même à ses yeux : il était un bon joueur de hockey, mais il n’était pas parmi l’élite du hockey AA et AAA.

À 16 ans, à l’âge où ceux qui rêvent encore s’apprêtent à faire leurs débuts dans la LHJMQ, il a entamé son parcours dans la Ligue de hockey junior du Québec (LHJQ), anciennement la LHJAAAQ.

Les Olympiques de Gatineau l’ont invité pour quatre matchs d’essai mais ne l’ont pas retenu. Son coup de patin n’était pas à la hauteur.

À 18 ans, après une saison difficile, il a songé à tout abandonner, à mettre un terme au hockey compétitif et à passer à autre chose.

« J’ai pensé aller jouer avec mes amis dans une ligue de garage. Rendu là, l’idée d’une carrière pro, j’avais pas mal mis ça de côté. Je jouais juste pour le fun. Je ne pensais pas faire quelque chose avec ça. »

— Karl Léveillé

Puis lors de la saison 2013-2014, il a récolté 99 points en 53 matchs. Il s’est dit qu’il allait continuer, que les choses allaient peut-être débloquer. Cette saison, avec les Rangers de Montréal-Est, Léveillé a enfilé 83 buts en 51 parties pour un total de 136 points. Il a au passage battu le record de 81 buts en une saison de la LHJQ, qui tenait depuis 15 ans.

« Dans les dernières semaines de la saison, j’ai commencé à entendre parler d’équipes professionnelles qui étaient intéressées. Des équipes ont contacté mon agent », explique-t-il.

Il avait mis de côté son rêve de devenir hockeyeur professionnel. Mais une saison de 83 buts l’aura ressuscité. La semaine dernière, Léveillé a reçu une promesse d’embauche des Drakkars de Caen, une équipe qui évoluait en Ligue Magnus mais qui sera reléguée à l’automne en première division française.

« Je pars avec ma blonde, qui va sûrement aller à l’université là-bas, explique-t-il. Ça va être une belle expérience de vie. »

UN BUTEUR-NÉ

À 6’2 et 210 lb, Léveillé n’est pas un petit joueur. L’ailier droit pense qu’il n’a jamais pu jouer dans l’élite à cause d’un coup de patin déficient. Son entraîneur avec les Rangers de Montréal-Est pense aussi qu’il pourrait être plus combatif, adopter un style plus physique.

Mais selon Yvan Marcotte, ses qualités de buteur sont indéniables. « Je demeure convaincu que si Karl embarque sur la glace avec le Canadien, son tir sera meilleur que celui de trois joueurs sur huit, dit-il. Je ne veux pas dire la moitié de l’équipe pour ne pas être arrogant. »

Au fil des ans, l’entraîneur a vu son lot de joueurs passer dans la LHJQ. La plupart ont déjà fait une croix sur leurs rêves d’enfant. Une minorité s’y refuse. « Il y en a qui y croient toujours. Ils pensent qu’ils prennent un chemin différent. Ils se disent qu’Éric Perrin et Martin St-Louis ont joué dans cette ligue. Ils se disent qu’il y a des chemins différents pour se rendre. »

« J’y rêvais, de devenir un hockeyeur professionnel. Mais est-ce que j’y croyais ? Je dois être franc, plus vraiment », admet Karl Léveillé.

La semaine dernière, il a annoncé son embauche à Caen sur sa page Facebook. « Bravo Karl, je savais que tu finirais pro même après t’être fait couper du midget AA ! », a commenté l’un de ses amis.

Léveillé veut maintenant saisir sa chance. Caen voudra remonter en Ligue Magnus à l’issue de la saison, et l’attaquant québécois souhaite aider l’équipe à y parvenir. Il espère commencer, à 20 ans, une carrière professionnelle qu’il ne croyait plus possible.

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