OPINION DISCOURS DU PREMIER MINISTRE AUX NATIONS UNIES

L’ONU a-t-elle besoin du Canada ?

Justin Trudeau donne une image hésitante de la place du Canada sur la scène internationale

Le Canada est engagé dans une campagne afin d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2021-2022. Il est aussi un membre de la communauté internationale dont on attend beaucoup.

Hier, devant l’Assemblée générale de l’ONU, Justin Trudeau avait la tâche de convaincre les dirigeants du monde entier que son pays est à prendre au sérieux. À l’écouter, le premier ministre s’était trompé de tribune.

Le discours en soi était intéressant. Il était plus riche et plus ciblé que celui de l’an dernier, où le premier ministre avait essentiellement parlé de sa personne et des efforts de son gouvernement pour assurer de bons emplois à la classe moyenne canadienne. Cette année, il a décidé de mettre l’accent sur la manière dont son gouvernement s’y prend pour redonner aux peuples autochtones une place au sein de la société canadienne.

Minorités et peuples autochtones

Cette question est importante, car le sort des minorités et des peuples autochtones est de plus en plus au cœur des préoccupations de la gouvernance mondiale. On n’a qu’à penser aux yézidis, en Irak, ou aux Rohingya, en Birmanie. L’expérience canadienne en matière de réconciliation peut s’avérer intéressante, mais il lui reste à produire des résultats satisfaisants pour les autochtones canadiens et à être transposable à d’autres contextes.

Le discours devant l’Assemblée générale de l’ONU est un exercice exigeant. Les participants attendent de chaque orateur qu’il avance des idées concrètes et pratiques afin de répondre aux grandes questions internationales de l’heure. C’est exactement ce qu’ont fait le président français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa May, pour ne nommer qu’eux.

Justin Trudeau a raté cet exercice. Il avait pourtant suscité de très fortes attentes à sa première visite à l’ONU en mars 2016 avec son slogan « le Canada est de retour ».

Bien entendu, personne ne croit que le Canada puisse demain matin régler la crise nord-coréenne ou la querelle sur l’accord concernant le nucléaire iranien. Mais les États membres – donc ceux qui disposent d’un vote – attendent d’un pays qui entend rejoindre le Conseil de sécurité dans quelques années qu’il puisse dire concrètement pourquoi il est digne d’être élu.

Or, Justin Trudeau ne leur a fourni aucun élément concret pour alimenter leur réflexion en faveur du Canada. La principale responsabilité de l’ONU est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. C’est pour cette raison que plusieurs pays veulent accéder au Conseil de sécurité. Ils veulent agir. Le Canada a promis de se réengager, et on lui a demandé de contribuer à une des grandes missions de paix de l’ONU en Afrique, puisque c’est sur ce continent qu’on retrouve le plus grand nombre de conflits.

L’expertise canadienne serait particulièrement appréciée au Mali. Stabiliser le Mali, c’est stabiliser l’Afrique de l’Ouest en luttant contre les facteurs crisogènes que sont le terrorisme, la mauvaise gouvernance, le trafic d’êtres humains, la fragilité étatique. Les États européens ont parfaitement compris l’enjeu, car ils voient chaque jour les effets de cette insécurité dans cette partie de l’Afrique : l’afflux de milliers de réfugiés sur leurs rivages. Ainsi, entre autres pays, l’Allemagne a dépêché 600 Casques bleus au Mali.

Le Canada, lui, réfléchit depuis un an et demi. Il a pourtant toutes les ressources nécessaires pour pallier certaines insuffisances de la mission de l’ONU dans ce pays : véhicules blindés de transport de troupes ; unités d’hélicoptères ; compagnie de renseignement, de surveillance et de reconnaissance ; compagnie de neutralisation des explosifs et munitions.

Lorsqu’il le veut, le premier ministre ne manque pas d’audace. En 2015, il a pris une décision courageuse.

Il a ouvert les portes à des dizaines de milliers de réfugiés syriens alors que l’opinion publique n’était pas très enthousiaste. Il a fait preuve de leadership. Aujourd’hui, face aux défis du monde, il donne une image hésitante, provinciale, de la place du Canada sur la scène internationale.

Le Canada est-il vraiment prêt et disposé à jouer son rôle dans les affaires mondiales ? A-t-il quelque chose à offrir à l’ONU ? Bref, l’ONU a-t-elle besoin du Canada ? Les réponses restent à venir. Peut-être l’an prochain.

* Jocelyn Coulon a été conseiller politique principal du ministre canadien des Affaires étrangères en 2016-2017.

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