L’aiguillage de Morelli
En décembre dernier, Michel Morelli a vendu le bureau qu’il avait fondé en 1981 à son collègue designer Johnathan Côté.
« Depuis plusieurs années, j’essayais de trouver quelqu’un dans mon équipe qui aurait pu prendre la gestion des opérations, et il n’y avait personne. Tout le monde voulait être un designer. »
Johnathan Côté avait pour la première fois montré de l’intérêt pour la gestion avec un projet de train touristique dans Charlevoix.
« Il s’est décidé au mois de juillet dernier, et ça s’est signé en décembre. »
La fille de Mario Gagnon
« En fait, le transfert d’entreprise, ça se fait quand tu trouves quelqu’un, commente Mario Gagnon. Tu as beau vouloir, si tu n’as pas le bon candidat, si tu n’as pas confiance… Parce que c’est ton bébé. Moi, je dis toujours qu’Alto, c’est la fille que je n’ai jamais eue. »
Il a eu deux garçons, ce qui n’est pas mal non plus.
Il a trouvé les bons candidats en ses collaborateurs, le designer Patrick Mainville et les ingénieurs Richard Paré et Marc-André Coutu.
Il leur a cédé l’entreprise en 2015.
« Je me suis toujours dit que de mon vivant, je ne voulais pas voir mon bureau décliner. Là, ils arrivent avec une structure de développement de produit, c’est géré à la coche. Le design est rendu là. »
Âgé de 65 ans, Mario Gagnon est demeuré en poste chez Alto Design comme directeur stratégie.
Dallaire ferme
« Moi, ça ne m’est jamais passé par la tête de vendre mon bureau, s’exclame Michel Dallaire. Jamais. Parce que ça ne valait rien si je n’étais pas là. Je signais mes projets. »
Il l’a discrètement fermé en juin 2014, peu de temps avant son 72e anniversaire.
« Je suis allé à mon chalet, je me suis assis et j’ai regardé dehors pendant quatre mois. Puis je me suis dis : “Crisse, je suis encore en santé !” »
À la suggestion de Claude Provencher, il a repris du service comme conseiller en design industriel chez les architectes Provencher Roy.
« Ça m’a remis en activité. Et là, je songe à aller dans mon atelier, et à essayer de faire des projets. Mais ce n’est pas facile de se motiver. Il y a l’âge, aussi. À certains moments, j’ai des élans, je me mets à sketcher, et après la première bouteille de vin, ça ne me tente plus. »
Éclat de rire général.
Le passage
« Je suis très fier d’avoir réussi à transmettre mon entreprise, confie Mario Gagnon. Ça ne s’était presque jamais fait en design industriel. C’était hyper important pour moi. C’est une partie de ma réussite.
— Oui, parce qu’il y a une grande tristesse, pour moi, à penser que demain matin, je pourrais fermer, confirme Morelli. Toutes ces petites bouches-là, comme je les appelle, elles s’en vont où ? La réussite de cette entreprise-là, ce n’est pas Michel Morelli nécessairement, c’est l’équipe.
— Tu continues à travailler ? lui demande Dallaire.
— Ah oui, je suis encore là pour plusieurs années, répond l’homme de 63 ans. C’est juste un passage de pouvoir. »
Il se lève pour partir. Le boulot l’appelle.
« On s’organisera un lunch, les gars ! »
Les créateurs ne prennent pas de retraite.
Un projet significatif : Michel Dallaire
Cafetière, théière et crémier pour la classe Affaires d’Air Canada, 2003.
« C’est mon projet le plus fantaisiste », commente Dallaire. Il se corrige : « Le plus poétique. »
Avec la silhouette de passereau, il voulait « donner un sourire aux passagers d’Air Canada ».
« Air Canada était une compagnie d’État, ou presque, et elle avait besoin d’un peu de poésie. Une cafetière volante, un oiseau, ajoutait à son vocabulaire. »