Lecture  Vulgarisation scientifique

La science pour éclairer les débats publics

Normand Mousseau

Mai 2013. Normand Mousseau apprend qu’il est atteint de diabète de type 2, une maladie considérée comme chronique. Ébranlé, le physicien refuse de s’en tenir aux recommandations des médecins. Il découvre une voie de guérison proposée par un scientifique britannique, la teste sur lui-même… et guérit. C’est l’histoire qu’il raconte dans Comment se débarrasser du diabète de type 2 sans chirurgie ni médicament, qui vient de paraître aux Éditions du Boréal. Rencontre avec un auteur qui veut utiliser la science pour éclairer les débats publics.

Pourquoi avoir décidé d’écrire un livre sur votre guérison ?

Mon diagnostic de diabète m’a donné une peur bleue. Les effets de cette maladie sont très importants. Elle diminue l’espérance de vie, mais aussi l’espérance de qualité de vie. Je me suis dit : si ça marche pour moi, il faut que je le dise ! Ce n’est pas tout le monde qui veut perdre 50 ou 60 lb et suivre le régime que j’ai suivi. Mais si une seule personne l’essaie et que ça change sa vie, c’est déjà une grande réussite.

Vous avez décidé de suivre une diète dite « chirurgicale », proposée par le scientifique britannique Roy Taylor. Pourquoi ?

Il y a tellement de trucs faux et bidon qui circulent. Quand j’ai vu le truc de Taylor, je me suis dit : il faut que je vérifie tout ce qu’il dit. J’ai remonté à la source et analysé les études. J’ai vu que c’était du solide et j’ai décidé de l’essayer.

En quoi consiste cette diète ?

Il suffit de manger un maximum de 700 kilocalories par jour, en s’assurant de boire au moins 2 L d’eau et d’inclure 200 g de légumes. Taylor a montré que cette diète force l’organisme à brûler la graisse contenue dans le foie et le pancréas. Or, quand le gras disparaît du pancréas, les cellules bêta reprennent leur fonction, qui est de produire de l’insuline.

J’ai suivi le régime pendant 10 jours, à 3 reprises. Évidemment, ces régimes très intenses n’aident pas du tout à changer les habitudes. Si on fait seulement ça, on va reprendre notre poids. Voilà pourquoi il faut aussi se mettre à l’exercice et surveiller son alimentation en tout temps.

Vous vous considérez aujourd’hui comme guéri ?

Formellement, je suis guéri. Le diabète est une maladie définie par des symptômes, et je n’ai plus les symptômes. Est-ce que, au fil du temps, le gras va s’accumuler à nouveau dans mon pancréas ? Je ne le sais pas. Mais si c’est le cas, tout ce que j’ai à faire, c’est le faire sortir avec le régime. Je l’ai déjà fait et je sais que ça marche.

Votre livre est une critique de l’approche prônée par l’Association canadienne du diabète et les autorités de santé publique, qui présentent toujours le diabète comme une maladie chronique dont on ne peut pas guérir.

La lutte contre le diabète est un échec total. Étude après étude, on montre qu’elle ne fonctionne pas. Le message actuel est de dire : “Essaie de contrôler ta maladie même si on sait que tu t’en vas dans le mur.” On en demande de moins en moins aux gens qui, malgré ça, n’arrivent pas à suivre les recommandations. Si on disait aux patients qu’il est possible de guérir, je crois qu’on pourrait convaincre au moins un sous-ensemble des diabétiques de faire les changements nécessaires.

Aviez-vous des réticences, en tant que physicien, à écrire sur la santé ?

Ce n’est pas compliqué, la santé ! Les physiciens, nous sommes un peu prétentieux et pensons pouvoir tout comprendre. Mais c’est vrai ! Je suis formé aux mathématiques et à l’analyse statistique. Je suis capable d’évaluer la littérature scientifique et de savoir si une étude est significative ou non. Je n’ai aucun doute sur ce que j’écris.

Vous avez aussi écrit des livres sur les gaz de schiste, l’énergie et les ressources minières, des sujets qui ne sont pas non plus votre spécialité.

Je trouve ça plus facile de parler des autres domaines que du mien, parce que j’ai du recul. Mon premier livre, j’ai essayé de l’écrire sur les matériaux, qui est mon domaine de recherche. Après 100 pages, c’était absolument illisible.

Qu’est-ce qui vous motive à écrire ?

Je pense qu’en tant que scientifiques, nous pouvons contribuer aux débats publics. Mon approche n’est pas de dire : voici la réponse. Je veux mettre les faits sur la table. Quand j’ai écrit mon livre sur les gaz de schiste, tout le monde prenait position en parlant à travers son chapeau. Je trouvais important de mettre les données sur la table. Ensuite, les choix pourront se faire sur les valeurs. Mais au moins, on va s’entendre sur les faits. L’avantage est que je n’ai pas de biais idéologique. Je ne suis ni économiste ni militant. Je pense que ça me permet d’analyser les choses avec recul et froideur.

Trouvez-vous que les scientifiques s’impliquent assez dans les débats publics ?

Je les trouve tellement craintifs ! J’ai une émission de vulgarisation scientifique à la radio [NDLR : La Grande Équation, à Radio VM]. Il m’arrive d’inviter des chercheurs qui me répondent : “Je ne peux pas parler de ce sujet, je ne suis pas un spécialiste, j’ai seulement publié deux ou trois articles là-dessus.” Je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à la frontière de sa discipline – même si ça comporte des risques. Moi, j’ai décidé de le faire. Et je m’amuse beaucoup !

Comment se débarrasser du diabète de type 2 sans chirurgie ni médicament

NORMAND MOUSSEAU

Boréal, 280 pages

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