À BIEN Y PENSER

Des haltes routières aux airs de bécosses

Les haltes routières de l’autoroute 20 ressemblent, d’une certaine manière, à la « bécosse » du camp de mon oncle, dans le bois, au cours des années 50. Cette dernière témoignait de la pauvreté de la famille, tout comme les haltes routières témoignent de notre pauvreté ou du non-respect des contribuables et touristes.

— Aurélien Leclerc

OPINION

Le mythe du « combat » contre le cancer

On ne meurt pas du cancer par manque de combativité et il ne s’agit surtout pas d’un échec personnel

La notion de combat contre le cancer est fréquemment évoquée dans l’actualité et les termes « guerrier », « bataille », « vainqueur », « combativité » « triompher », « lutter » sont presque toujours associés à cette terrible maladie.

Le récent décès de l’abbé Raymond Gravel illustre bien ce propos. La nouvelle était rapportée à la une de La Presse du 12 août de la façon suivante : « Confidences d’un "prêtre de combat" : après une vie passée à lutter contre les idées reçues, l’abbé Gravel a perdu sa bataille contre le cancer ».

Le concept de lutte contre le cancer appliqué à la communauté scientifique en général est justifié. Malgré de nombreuses avancées en recherche, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Et même s’il est possible de guérir certains cancers, d’autres représentent encore un défi thérapeutique de taille et le cancer fauche encore malheureusement trop de vies.

Le problème survient lorsque cette notion de bataille est transposée au niveau individuel. Je ne décourage pas une attitude de combativité vis-à-vis la maladie. En effet, même s’il est difficile d’en mesurer complètement les effets dans le processus thérapeutique, cette attitude est assurément bénéfique à certains égards ; elle permet entre autres aux patients d’avoir le sentiment de s’approprier un certain contrôle sur leur vie dans une situation qui fait perdre tous les repères.

SUBIR PLUTÔT QUE PERDRE

Malheureusement, ce sont surtout les facteurs tels que le stade de la maladie, le type de cancer et le bagage génétique d’un individu qui sont déterminants par rapport à l’évolution du cancer et son issue. Le désir de « se battre » et la combativité ne sont pas suffisants pour faire pencher la balance. Une personne ne « perd » donc pas une bataille contre le cancer, elle en subit plutôt les conséquences dévastatrices.

Aussi, si cette combativité peut être favorable aux patients, il faut demeurer conscient de ses limites, mais surtout de son revers. Combien de fois ai-je été témoin du découragement de mes patients et de leur sentiment d’échec devant la progression de la maladie, et ce, malgré les nombreux traitements médicaux et une attitude combative ? Ou encore du comportement des proches d’un patient vis-à-vis sa décision de cesser les traitements qu’il juge trop souffrants en lui reprochant d’abandonner la bataille et de capituler ?

Mon souhait le plus cher serait de voir disparaître cette notion de « bataille perdue » contre le cancer. Il s’agit d’une conception qui m’apparait réductrice. Cela peut amener les patients à se percevoir en tant que perdants devant une maladie implacable. On ne meurt pas du cancer par manque de combativité, et il ne s’agit surtout pas d’un échec personnel.

En fin de vie, l’individu peut se donner certains défis et objectifs qui lui permettent de vivre plus sereinement ses derniers moments. Cela se traduit parfois par l’apprivoisement de la mort, un rapprochement avec des membres de la famille, une façon différente de concevoir les petits plaisirs quotidiens, etc. C’est pourquoi je pense que l’accent devrait plutôt être mis sur le courage des gens qui ont succombé au cancer et sur leur attitude vis-à-vis la maladie plutôt que sur l’échec d’un combat.

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