« Brexit »

David Cameron dans une démarche à haut risque

Le premier ministre britannique David Cameron espère obtenir cette semaine des concessions de ses homologues européens en vue de renforcer sa position avant d’aller de l’avant avec un référendum qui pourrait mener la Grande-Bretagne hors de l’Union européenne. Une démarche à haut risque qui est susceptible d’avoir des conséquences durables pour le continent.

Qu’espère obtenir David Cameron cette semaine à Bruxelles ?

Le premier ministre, sous pression du camp eurosceptique, incluant au sein de son propre parti, a promis de tenir avant 2017 un référendum pour permettre à ses compatriotes de décider s’ils veulent ou non demeurer dans l’Union européenne. Il espère, au préalable, obtenir une série de concessions de la part de ses homologues européens, qui doivent se réunir demain et vendredi à Bruxelles, pour convaincre la population britannique de dire non à une éventuelle sécession. « Ce qui se passe à Bruxelles, c’est du théâtre politique pour David Cameron. Il doit pouvoir dire qu’il est venu et qu’il a plaidé vigoureusement pour défendre les intérêts de son pays, que la résistance a été forte et qu’il a finalement réussi à obtenir ce qu’il voulait », relève Frédéric Mérand, du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

Va-t-il obtenir des concessions ?

Les autorités européennes, qui veulent éviter le « Brexit », ont déjà donné une suite positive à la plupart des demandes présentées par David Cameron. Selon Frédéric Mérand, il s’agit essentiellement de mesures « symboliques » qui n’auront pas de grande portée sur le fonctionnement de l’ensemble européen. « Il y a très peu de choses dans le plan qui ont une grande importance. Pour l’essentiel, on réaffirme les règles de l’Union européenne », confirme le sociologue John Hall, de l’Université McGill. La Grande-Bretagne devrait notamment voir reconnu le fait qu’elle ne cherche pas à s’intégrer plus avant politiquement avec les autres pays membres même si les textes fondateurs évoquent une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ».

Le programme de réformes est donc certain d’être approuvé ?

Une exigence anglaise semble cristalliser les tensions depuis quelques jours et pourrait compromettre la conclusion d’une entente définitive. La Grande-Bretagne souhaite pouvoir restreindre l’accès aux aides sociales pour les Européens qui viennent travailler dans le pays. Une mesure à l’étude prévoit que ce serait possible de le faire, en cas d’urgence, pour une période maximale de quatre ans. L’idée est cependant contestée par plusieurs pays d’Europe de l’Est, qui s’inquiètent de la possibilité de voir leurs ressortissants pénalisés. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, craignant l’impasse, a prévenu lundi que le risque d’éclatement de l’Union européenne était « réel » en cas de référendum, question de faire pression sur les parties en cause. Il est possible que les négociations se poursuivent après cette semaine si un blocage persiste. « L’Union européenne tend à régler les choses à la dernière heure », déplore John Hall.

David Cameron est-il assuré de remporter le référendum s’il obtient les réformes souhaitées ?

Il fera face à une forte opposition quoi qu’il advienne. Le parti d’extrême droite UKIP, qui préconise la rupture avec l’Union européenne, affirme que le « soi-disant » accord en voie d’être élaboré contient « très peu » pour la Grande-Bretagne. L’aile eurosceptique du Parti conservateur se montre aussi critique. Un député cité par le quotidien The Guardian a affirmé que le gouvernement « cirait de la merde » en cherchant à faire valoir l’importance des réformes en discussion. La population dans son ensemble est « très divisée » sur l’idée de maintenir ou non le pays dans l’ensemble européen, souligne M. Hall, qui s’insurge contre la démarche de David Cameron. Le référendum, dit-il, a été annoncé pour maintenir l’unité du Parti conservateur et pourrait à terme plonger l’Union européenne dans une nouvelle crise alors qu’elle en a déjà plein les bras avec la crise des réfugiés, la fragilité de la Grèce, etc. Frédéric Mérand, du CERIUM, estime que l’initiative britannique envoie un « très mauvais message » voulant qu’il est possible pour les États membres de l’UE d’obtenir des concessions en menaçant de recourir à un référendum.

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