Grande entrevue

Des pièces de motoneiges au grand groupe industriel

Eric Côté, président et chef de l’exploitation de Groupe Soucy

DRUMMONDVILLE — C’est à la suite d’un accident de travail que Gilles Soucy décide, en 1967, de créer sa propre entreprise de composants de remplacement destinés à l’industrie de la motoneige qui était alors en pleine explosion au Québec. Cinquante ans plus tard, Groupe Soucy chapeaute pas moins de 12 unités industrielles qui emploient 1600 personnes à partir de son siège social Soucy International à Drummondville.

Depuis cinq ans maintenant, c’est Eric Côté, le neveu de Gilles Soucy – aujourd’hui âgé de 77 ans –, qui préside les destinées de l’entreprise industrielle emblématique de Drummondville, que j’ai déjà baptisée l’oasis industrielle de la 20.

Eric Côté est né et a grandi à Valcourt, où il a passé ses étés d’étudiant à travailler à l’usine de Bombardier de la célèbre municipalité. Son père, ingénieur, a œuvré avec J.-Armand Bombardier avant de devenir le bras droit de Laurent Beaudoin. Il a été vice-président exécutif de Bombardier jusqu’à sa mort en 1992.

« Après mes études en génie, je me suis joint à Bombardier Aéronautique où j’ai occupé différentes fonctions de direction jusqu’à ce que mon oncle me demande de prendre la direction de l’entreprise Baron Soucy, qu’il venait d’acquérir en 2005.

« Baron était un important fournisseur de pièces en caoutchouc pour Bombardier Produits récréatifs et l’entreprise a fait faillite. Mon oncle l’a rachetée pour continuer d’alimenter BRP et j’ai pris la direction de l’entreprise qui comptait 200 employés à Saint-Jérôme », relate le gestionnaire.

Baron Soucy est mieux connue du grand public pour son rôle de fabricant officiel de toutes les rondelles de la Ligue nationale de hockey, une activité prestigieuse, mais qui ne représente qu’une fraction de son volume d’affaires.

En 2012, Eric Côté prend la direction générale de Groupe Soucy, alors que Gilles Soucy délaisse de plus en plus la gestion quotidienne des activités du groupe qu’il a créé pour occuper le rôle de président du conseil de Soucy Holding.

« C’est un conseil d’administration familial où je siège avec les deux enfants de Gilles : Stéphane, qui est responsable des technologies de l’information du groupe, et Chantal, qui est en charge de la gouvernance de l’ensemble des 12 entreprises de Groupe Soucy. »

La mecque des chenillettes

Au fil des 50 dernières années, le petit empire Soucy s’est développé principalement autour de la fabrication de chenillettes et de systèmes de chenillettes en caoutchouc.

« Mon oncle a démarré ses activités comme fournisseur de chenillettes de remplacement pour l’industrie de la motoneige. Dans les années 70, il y avait une centaine de fabricants de motoneiges, c’était la folie », rappelle Eric Côté.

Le Québec est d’ailleurs considéré aujourd’hui comme la Mecque des chenillettes en caoutchouc. Groupe Soucy et l’entreprise Camoplast (aujourd’hui Camso) de Magog sont les deux leaders mondiaux dans le domaine.

Dans les années 80, Soucy poursuit ses activités dans le secteur récréatif en intégrant la fabrication de pièces pour les motomarines, puis pour les VTT.

Dans les années 90, le groupe élargit sa portée en fabriquant des chenillettes en caoutchouc pour le secteur de la défense et de l’industrie et, depuis 2005, il développe ses systèmes de traction pour le secteur agricole.

L’entreprise a sa propre usine de fabrication de caoutchouc, Soucy Techno, à Sherbrooke et possède aussi une usine de fabrication de petites pièces de caoutchouc, à haut volume, à Shanghai, en Chine.

« Dès le début des années 70, Gilles Soucy a voyagé en Chine et au Japon pour s’inspirer de leurs pratiques industrielles. En plus de notre usine de Shanghai, on a deux centres d’opération : un à Dalian et l’autre à Shanghai », souligne Eric Côté.

Diversification industrielle

Parallèlement au développement de son savoir-faire dans le domaine des chenillettes en caoutchouc, Groupe Soucy a élargi au fil des ans ses activités industrielles pour se lancer dans la fabrication de pièces métalliques et de matériaux composites.

« Gilles Soucy a toujours repris des entreprises en difficulté pour les relancer. On a développé, à l’interne, une expertise pour retourner des situations problématiques », soumet Eric Côté.

En octobre, Groupe Soucy a racheté l’entreprise ACM Composites de Drummondville, qui éprouvait des difficultés financières, pour la relancer.

« L’entreprise avait cessé ses opérations. On l’a achetée le jeudi soir et le lundi matin, les 50 employés étaient de retour au travail. Elle fait partie maintenant de notre division Soucy-Composite », explique le président.

Plus récemment, Groupe Soucy a complété le rachat de la Fonderie Lafora, de Sainte-Claire de Bellechasse, un fabricant de pièces de fonte de petit format, mais produites sur de gros volumes.

« Cette nouvelle usine vient compléter l’offre de notre division Soucy-Belgen qui comptait déjà une fonderie à Drummondville qui fabriquait de grosses pièces, mais sur de petits volumes », raconte Eric Côté.

L’approche stratégique de Groupe Soucy est simple. Elle vise à optimiser sa base de clients en lui offrant des produits complémentaires qui résultent de ses nouvelles acquisitions.

Le groupe exporte 85 % de sa production à l’étranger et dessert une vaste clientèle diversifiée pour qui il fabrique des composants qui serviront ses besoins de fabrication.

Plus de 300 personnes travaillent au siège social de Soucy International de Drummondville, où est réalisé l’essentiel des travaux de recherche et développement par les 135 ingénieurs du groupe.

« On compterait effectivement 1600 employés dans le groupe si nos 50 postes vacants étaient comblés. C’est un défi constant pour une entreprise comme la nôtre que d’embaucher et de conserver des talents.

« Si la communauté industrielle de Drummondville est extrêmement collaborative, on commence à voir de nos employés être recrutés par des entreprises de la région. Il ne faut pas que cela devienne un problème récurrent », souhaite Eric Côté.

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