ÉTUDE

Qui sont les jeunes gangsters montréalais ?

Ils commettent leurs premiers crimes autour de 14 ans et souffrent davantage de problèmes de santé mentale que les autres jeunes contrevenants. Dans une étude rendue publique la semaine dernière, des chercheurs montréalais brossent le portrait des jeunes gangsters de la métropole.

« PIRES DANS TOUT »

Le jeune gangster est-il différent du délinquant « ordinaire » ? « Nos jeunes membres de gangs de rue montréalais sont pires dans tout », résume Catherine Laurier, professeure associée à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. L’équipe de recherche dont elle est la chercheuse principale a demandé à 212 jeunes délinquants de 14 à 25 ans placés sous garde en centre jeunesse ou incarcérés en prison à Montréal de remplir un long questionnaire. Le but : découvrir qui ils sont et quels risques ils prennent. Parmi eux, 80 ont dit être associés à un gang de rue. Les résultats de cette étude d’envergure menée de 2011 à 2013 ont été dévoilés plus tôt la semaine dernière dans le cadre du séminaire Gangs et délinquance de l’Institut universitaire du Centre jeunesse de Montréal.

PLUS VIOLENTS

Les jeunes gangsters montréalais ont tous commis leurs premiers délits vers l’âge de 14 ans. Dès l’adolescence, ils sont plus souvent impliqués dans des crimes violents que les délinquants « ordinaires ». En plus d’être plus graves, leurs crimes sont plus fréquents. Ils sont aussi plus nombreux à avoir commis des fraudes, à s’adonner au trafic de stupéfiants, à avoir porté une arme à feu et à s’en être servi. Et gangs obligent, ils commettent plus souvent leurs crimes avec des complices.

COMME DES SOLDATS

« Les jeunes dans les gangs me font penser aux soldats qui parlent de leur expérience à la guerre. Ils nous disent que tuer ou voir quelqu’un mourir fait partie de leur job. C’est assez troublant », a expliqué Mme Laurier, la chercheuse principale de l’étude. Plus de la moitié des jeunes gangsters interrogés ont déjà vu quelqu’un mourir. Ils sont aussi très nombreux à avoir vu quelqu’un se faire poignarder (81,3 %) et même à avoir été eux-mêmes poignardés (43,8 %). « Imaginez les conséquences graves que cela peu engendrer sur leur santé mentale », a indiqué Mme Laurier.

PLUS SOUFFRANTS

Les jeunes gangsters souffrent davantage de troubles de santé mentale que les autres jeunes contrevenants, a découvert la chercheuse. Près de 40 % des jeunes membres d’un gang soumis à l’étude ont souffert du syndrome de stress post-traumatique, soit deux fois plus que les autres délinquants. Or, ces jeunes ne se considèrent pas souffrants, explique Mme Laurier, dont l’équipe a aussi mené des entrevues auprès de 25 jeunes gangsters. Ils ont tendance à « étouffer l’expression de leur détresse ». Les jeunes gangsters ont d’ailleurs été plus souvent victimes de mauvais traitements et de négligence dans leur enfance que les autres jeunes contrevenants.

DANGER POUR LA SOCIÉTÉ

Si les jeunes gangsters qui ont subi un stress post-traumatique ne sont pas traités, ils risquent davantage de récidiver à la fin de leur peine, selon Mme Laurier. Cela devient donc un enjeu de protection de la société, croit-elle. La chercheuse plaide pour la mise en place d’une stratégie provinciale de dépistage de troubles de santé mentale chez les jeunes contrevenants dès leur arrivée en centre jeunesse ou en prison. « À l’heure actuelle, ça ne se fait pas au Québec alors que ça se fait aux États-Unis et ailleurs au Canada », souligne la professeure associée en criminologie à l’Université de Montréal.

PLUS MÉFIANTS

Les jeunes gangsters démontrent aussi plus de colère et d’hostilité que les jeunes délinquants « ordinaires ». Ils croient moins en l’honnêteté et aux bonnes intentions des autres. Ils ont moins confiance en leurs parents et ont beaucoup de difficultés à communiquer avec ces derniers. Ils ne privilégient pas des relations franches et sincères. Ils sont aussi plus égocentriques. Bref, le chemin de la réadaptation est ardu.

COMPORTEMENTS SEXUELS RISQUÉS

Pour ajouter au cocktail explosif, presque tous les jeunes gangsters adoptent des comportements sexuels très risqués. Si la majorité des jeunes délinquants ont affirmé ne pas porter le condom de façon systématique (78,2 %), chez les jeunes gangsters, on parle de la quasi-totalité (93,7 %). Un jeune gangster sur deux a d’ailleurs répondu avoir déjà mis une fille enceinte. La très grande majorité a déjà eu une relation sexuelle sous l’effet de drogues ou de l’alcool. Enfin, 60 % des jeunes gangsters ont déjà eu une relation sexuelle à plusieurs. « C’est très préoccupant », a expliqué une autre chercheuse qui a travaillé sur l’étude, Catherine Pineau-Villeneuve.

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