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Le banlieusard qui se moque… de la banlieue

Depuis quelques années, un usager Twitter anonyme sur nommé « Le Banlieusard » fait rire avec ses observations moqueuses sur la vie au royaume du VUS et de Costco. La Presse a rencontré l’homme derrière les tweets.

Sur Twitter, « Le Banlieusard » incarne un père de famille du 450 fier de sa carte Costco « exécutive », qui adore « chialer contre les cyclistes de Montréal » et qui refuse d’installer des sièges d’appoint pour ses enfants dans sa voiture pour ne pas « maganer le cuir ». Autour d’un café, cette semaine, nous avons rencontré l’homme derrière le compte satirique, qui n’en est pas à une contradiction près : il travaille au centre-ville de Montréal, adore les transports en commun et ne possède pas une, mais bien deux voitures.

Comment vous est venue l’idée du personnage ?

Je travaille pour une organisation de transports en commun. Le midi, durant le lunch avec mes collègues, on a souvent des débats ville-banlieue. C’est un sujet qui touche tout le monde, chacun a des arguments. Ce n’est pas tout blanc ou tout noir.

Mais l’élément déclencheur, ç’a été le jour de printemps où j’ai vu mon voisin passer son aspirateur Shop-Vac sur sa pelouse devant sa maison pour aspirer les petites roches, comme si c’était le tapis du salon. J’en ai parlé à un ami, et il m’a répondu : « Bien oui, c’est une bonne idée, dans le fond. » Je me suis dit : non, ça ne peut pas rester impuni, il faut faire quelque chose. J’ai décidé d’en parler sur Twitter. Ce voisin est un peu devenu mon personnage.

Je connais aussi des gens qui sont allés 10 fois dans des « tout-inclus » à Cuba, mais qui ne sont jamais allés plus loin que la ville de Québec dans leur propre province. Je suis né à Sept-Îles, alors ça me frappe. C’est sûr que ça m’a inspiré quelques tweets…

Habitez-vous en ville ou en banlieue ?

En banlieue ! Voilà. C’est mon coming out. J’habite sur la Rive-Sud depuis huit ans. C’est étrange, car je crois que bien des gens qui lisent mes tweets pensent que je suis un gars du Plateau, végétarien, qui roule en BIXI et qui regarde les banlieusards de haut. 

Une auto, deux autos ? 

(Rires, malaise) Deux autos, dont une qui ne sert pratiquement jamais. Je prends le train de banlieue pour aller travailler. Il y a moyen de vivre en banlieue sans être un gros pollueur ou un consommateur fini. Cela dit, c’est vrai qu’en banlieue, il y a souvent du monde pour qui le Costco est le meilleur endroit sur terre.

Moi aussi, je me fais prendre au jeu. J’ai travaillé chez Costco durant mes études, et je trouve ça l’fun, le Costco. En fin de semaine, je disais justement à ma blonde que la viande chez Costco présentait un excellent rapport qualité-prix. Les filets de porc y sont vraiment plus gros qu’ailleurs, et ils sont tendres et juteux.

Vous vous moquez souvent des travers des parents de banlieue dans vos tweets…

Je ne sais pas si c’est pire en banlieue, mais je trouve que l’iPad et le cellulaire occupent une grosse place dans la vie des parents. Des fois, aux matchs de soccer ou de hockey des enfants, des parents regardent leurs téléphones tout le long de la partie. Mes voisins prennent leur auto pour aller porter leurs enfants à l’arrêt d’autobus scolaire au coin de la rue. Ils attendent dans l’auto, avec le moteur qui tourne parce qu’il fait - 4 degrés, et les parents consultent leurs cellulaires. Personne ne parle. Je trouve que c’est une mauvaise tendance.

Personnellement, j’ai supprimé mon compte Instagram il y a un an. Je n’ai pas de compte Facebook. J’avais tendance à passer énormément de temps sur les réseaux sociaux. Maintenant, dans le train, je lis presque un roman par semaine.

Dans le débat ville-banlieue, qui est en train de gagner, selon vous ?

Je pense que la ville est en train de gagner. J’entends souvent des Montréalais vanter les avantages de la ville, mais je n’entends pas les banlieusards se vanter qu’ils habitent en banlieue. Les gens du 450 donnent souvent leur numéro de cellulaire plutôt que leur numéro à la maison, parce que leur numéro de cellulaire commence par 514. On ne veut pas avoir l’étiquette 450.

Quand quelqu’un dit qu’il est montréalais, tu te dis qu’il fait sa part pour la société, qu’il n’est pas un pollueur, un méchant citoyen. Moi, j’ai l’impression que la ville a encore une belle aura, un bel avenir. La banlieue, elle, n’a pas bonne presse, à tort ou à raison.

La banlieue, ce n’est pas parfait, mais ce n’est pas non plus le monstre qu’on essaie de décrire parfois. Mon compte Twitter est satirique, mais il n’est pas méchant. 

J’essaie aussi d’utiliser mon compte pour faire des revendications sociales. Côté développement des transports en commun, on fait un peu pitié dans le Grand Montréal, on manque peut-être de vision, d’audace sur des projets d’infrastructure lourde comme le prolongement du métro ou le service rapide par bus sur Pie-IX… 

Vous dites songer à revenir vivre à Montréal. Qu’est-ce qui motive ce projet ?

Oui, tous les six mois, moi et ma blonde, on se met à regarder des maisons à Montréal.

C’est idéologique. Patrick Lagacé disait qu’habiter à Montréal, c’est quasiment un acte de foi. C’est vrai. Tu habites à Montréal parce que tu choisis de vivre en ville, d’avoir peut-être une empreinte écologique moins grande, d’avoir une auto ou pas d’auto du tout. C’est un peu tout ça. Tu ne viens pas à Montréal parce que les terrains sont grands.

Par contre, pour de jeunes enfants, j’ai l’impression que la banlieue a des avantages. C’est un gros stéréotype, mais j’ai l’impression que dans les écoles secondaires de la banlieue, il y a peut-être moins de drogue, moins d’intimidation. On veut souvent ce qu’il y a de mieux pour nos enfants, et j’ai l’impression que la banlieue offre peut-être une petite coche de plus à cet égard.

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