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Bien se préparer à revenir

Difficile de croire qu’un retour de voyage sera marqué par la tristesse, l’isolement, des réactions excessives et une émotivité exacerbée. Et pourtant. Pour certains, rentrer à la maison est brutal, peu importe la durée ou l’intensité du séjour à l’étranger. S’y préparer peut faciliter la transition, qui commence bien avant le retour sur le sol québécois. Voici les conseils du psychologue Marcel Bernier.

PRÉVOIR DU TEMPS

La réaction est différente d’un voyageur à l’autre, mais être conscient que le retour peut s’avérer difficile est en soi un premier pas. Avant de rentrer au pays, il est bon de visualiser ce qui nous attend : la saison, la météo, l’ambiance dans laquelle seront nos proches, notre milieu de vie. Une fois revenu, il est important de se donner du temps et de s’accorder une période de repos pour « atterrir » et retomber sur ses pattes. « Il est normal qu’un processus de changement soit long. Le rapport au temps a peut-être même changé durant le voyage, ce qui peut être une belle valeur à garder », avance M. Bernier.

AVOIR DES PLANS

Revenir au pays et n’avoir rien devant soi peut exacerber le sentiment de vide et de déprime. Ainsi, prévoir son retour est aussi important que de planifier son départ. Comme vous ne savez pas dans quel état vous reviendrez, M. Bernier suggère de ne pas vous imposer des plans trop rigides. Vous pouvez planifier des projets motivants pour votre retour au travail, ou encore vous inscrire à quelques cours si vous voulez poursuivre vos études. Il est aussi bénéfique de ne pas flamber toutes vos économies en voyage, question de pouvoir suivre vos amis dans leurs activités au retour et d’éviter l’isolement.

ADAPTER SES VALEURS

Comme le choc des valeurs peut être important, il est bon de se souvenir que celles acquises à l’étranger sont transposables ici. « Ça peut être de dépenser son argent différemment, de passer moins de temps devant les écrans, de moins consommer, de recycler davantage, de vivre plus simplement », énumère le psychologue d’expérience. « C’est une belle intégration en fin de compte. C’est un autre gain : la connaissance de soi. Quand on sort à l’étranger, qu’on rencontre d’autres cultures, on voit les différences, et ça aide à définir son identité nationale, son identité personnelle. Ça donne une meilleure connaissance de soi et ça fait grandir. »

ÉCHANGER AVEC DES GENS INTÉRESSÉS

« Quelques semaines après votre retour, votre famille, vos amis en ont assez d’entendre parler de ce pays qu’ils n’ont jamais vu […], et ils ont leurs propres préoccupations », évoque Marcel Bernier dans son blogue sur le site internet de l’Université Laval. Camille Brunet, qui a fait un stage de trois mois au Sénégal, en sait quelque chose : « On revient ici, les gens sont contents de nous voir, mais ça dure une journée, après, ça disparaît. J’ai trouvé la solitude intense à vivre », se souvient-elle. Le psychologue suggère d’échanger sur le pays visité avec des gens qui démontrent un réel intérêt, comme d’autres Québécois qui ont voyagé, des immigrants, des expatriés et les membres d’une communauté virtuelle de voyage.

VISITER SON PROPRE COIN DE PAYS COMME TOURISTE

Pourquoi ne pas partir à l’aventure… dans son propre coin de pays ? Transposer ses acquis de voyageurs chez soi peut être fort bénéfique. Prenez votre sac, vos souliers de baroudeur et partez découvrir votre région comme si vous ne l’aviez jamais vue auparavant. Votre expédition à domicile vous fera certainement découvrir une nouvelle perspective et, qui sait, vous fera peut-être rencontrer des touristes qui, eux, ne demanderont qu’à échanger avec vous.

CONSULTER, ÉCRIRE, SE REDÉFINIR

« Le danger, c’est de vivre des émotions négatives et de la souffrance en raison de la réadaptation que le retour peut impliquer. Parce que l’aventure, c’est aussi quand on revient », rappelle M. Bernier, qui n’hésite pas à conseiller aux voyageurs nostalgiques d’aller chercher de l’aide. Elle peut prendre la forme d’une consultation avec un psychologue, de rencontres de groupe, d’écriture dans un journal intime… L’important, c’est de ne pas minimiser les émotions vécues et d’accepter que les valeurs, les relations et les choix de vie puissent avoir été modifiés durant le voyage et doivent trouver leur chemin dans la vie ordinaire.

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