MA VIE MADE IN CANADA

Le grand défi de consommer canadien

Frédéric Choinière a un défi de taille : consommer pendant une année uniquement des biens et services faits au Canada. Dans toutes les sphères de sa vie quotidienne, il doit être 100 % canadien : les vêtements, les aliments, le transport, les électroménagers, etc. Le journaliste a décidé d’en faire une série documentaire intitulée  Ma vie made in Canada. Entrevue.

Pourquoi tenter cette folle aventure made in Canada ?

J’ai fait des séries télé qui traitaient des enjeux environnementaux et je me considère comme un consommateur responsable. Ça fait longtemps que je regarde en détail les étiquettes de tout ce que j’achète pour m’assurer que c’est conforme au principe du développement durable. Ce n’est pas par souci de repli ou de protectionnisme, mais plutôt pour prendre conscience de ce que nous consommons. Je veux acheter de bons produits locaux, je veux savoir qui les a faits et dans quelles conditions. On a l’impression que tout ce qu’on achète vient d’Asie, mais la question, c’est : qu’est-ce qu’on fabrique encore ici, au Canada ?

Vous recommencez votre vie matérielle à zéro ?

Oui. Je viens d’emménager dans un appartement à Toronto qui est vide. J’ai commencé par faire un inventaire dans mon appartement et j’ai pu emporter mes effets personnels qui étaient faits au Canada. Il y a beaucoup de vieilles choses, des bottes d’hiver, un vieux tandem, un vieux meuble radio, un sac de couchage fabriqués ici. J’ai acheté un matelas fabriqué dans la région de Toronto. Les électroménagers, ç’a été plus difficile. Je me suis tourné vers des produits usagés, la cuisinière date des années 90, le réfrigérateur a un look rétro, la machine à laver aussi date d’il y a quelques années, car on fabriquait encore des électroménagers à cette époque au Canada. Petite exception, mon mari est américain ! Je vais le garder même s’il n’est pas made in Canada !

Quel sera votre plus grand défi ?

L’hiver, la nourriture, je pense que ce sera plus complexe, je vais me nourrir de pommes de terre ! J’appréhende un hiver composé uniquement de légumes racines ! Je vais peut-être manquer de vitamines, mais je vais commencer à congeler des fruits, faire des confitures et des conserves. Il y a aussi de bons vins canadiens ! Je vais me tourner vers le savoir des Premières Nations, notamment sur l’alimentation, et je vais apprendre beaucoup de choses.

Et la technologie ? Vous êtes hors la loi en ce moment, car vous me parlez d’un téléphone qui n’est pas canadien !

En effet ! Ce sera tout un défi. J’y vais une étape à la fois, car l’émission se déroule sur quatre saisons. Je sais qu’il y a un entrepreneur canadien qui a développé une tablette, il a vendu ses droits à une entreprise de Montréal qui ferait aussi des ordinateurs… à suivre. Pour le téléphone, je vais me tourner vers BlackBerry, on me dit qu’il reste un ou des modèles faits au Canada, je dois vérifier.

Et les transports ?

Bombardier fait les nouveaux wagons de métro et de tramway de Toronto, je pourrai prendre l’avion, car Porter vole avec des avions de Bombardier. Pour ce qui est de l’automobile, beaucoup de voitures sont assemblées au pays, même si elles sont d’entreprises étrangères. Je ne me limite pas à des entreprises canadiennes, je veux que les produits soient fabriqués ici. Ça amène toute la notion des composants. La Honda Civic, par exemple, est produite dans une grande usine en Ontario. Il y a une différence entre un produit du Canada et un produit fait au Canada. Dans la définition, il doit y avoir un certain pourcentage de la valeur du produit ou des coûts engagés faits au pays.

Et la culture ?

J’espère découvrir de nouveaux talents. Je me promets une belle rentrée culturelle. Ça me fait poser d’autres questions. Est-ce qu’une pièce de Shakespeare présentée par une troupe d’ici est considérée comme un produit culturel canadien ?

Les vêtements ?

Il y a du choix, je n’aurai pas de problème. J’ai découvert Stanfield’s, une entreprise située près d’Halifax qui fabrique des sous-vêtements très accessibles pour toute la famille. Pour ce qui est des produits d’hygiène, il y a Druide au Québec et Green Beaver en Ontario. Les produits d’entretien ménager aussi, il y a du choix. Par contre, je n’ai pas encore trouvé de rasoir ni de brosse à dents faits au Canada. Et je cherche aussi un aspirateur fait ici… Tous les petits appareils électroniques comme les grille-pain, séchoirs à cheveux, micro-ondes, télévisions, c’est plus compliqué d’en trouver faits au Canada.

Et si vous tombez malade ?

Il y a une formidable industrie pharmaceutique pour les médicaments génériques, on en fait beaucoup ici. Je poserai des questions aux pharmaciens et je vérifierai toutes les étiquettes.

Vous allez aussi rencontrer des spécialistes ?

Je vais rencontrer au cours de l’année les gens des différentes industries qui fabriquent leurs produits ici, on va aussi rencontrer des experts en économie, alimentation, innovation, énergie et culture. Des gens qui vont me guider et qui vont me parler du contexte économique actuel, des accords de libre-échange et de l’aspect politique. Vous savez, aux États-Unis, il y a une loi fédérale, le Buy American Act, qui impose que les achats faits par le gouvernement américain, que ce soit pour les transports en commun ou les infrastructures, soient des achats d’entreprises américaines, c’est une mesure protectionniste. C’est un aspect intéressant que nous allons aborder.

Pensez-vous que les gens sont sensibles à cette question de consommation et qu’ils veulent acheter des produits canadiens ?

On parle beaucoup de traçabilité pour les aliments et pour les autres produits. Je pense qu’il y a une sensibilité de plus en plus grande de la population. On veut savoir de quoi sont faits les produits que nous consommons, mais il y a aussi une autre réalité, celle du budget. Une fois à la caisse, cette réalité prend le bord ! J’en suis bien conscient. Je pense que dans certains cas, c’est possible de consommer canadien sans que ça coûte plus cher. Je suis allé chez Canadian Tire et j’ai acheté des balais, bougies, éponges faits au Canada dont les prix étaient les mêmes que ceux des produits d’ailleurs. Je pense que pour les vêtements, certains meubles, la vaisselle de cuisine, ça coûtera certainement un peu plus cher. Cela dit, j’ai acheté de belles casseroles canadiennes à bon prix.

La série sera diffusée à l’automne 2017 sur les ondes d’Unis TV, dans le cadre du 150e anniversaire du Canada.

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