Les clés du désir et de l’amour

La dopamine

« Elle donne l’élan – ou la motivation – pour pousser un individu à aller vers quelqu’un ou quelque chose, que ce soit le sexe, la drogue ou le rock and roll ! », explique Jim Pfaus. Ce « rush » serait semblable, quoique moins durable, à celui que connaissent les héroïnomanes. « Quand ces deux-là, l’ocytocine et la dopamine, se rassemblent, on sait que le désir se met en place. »

Les clés du désir et de l’amour

Sérotonine et cie

C’est la récompense après l’effort qui contribue à l’engagement dans le temps. Une fois la cible rencontrée, un système de gratification s’active. « Après [l’orgasme] sont libérées les clés chimiques du plaisir : endorphines, sérotonine et anandamide (ce cannabis naturel du cerveau), cocktail de plaisir si euphorisant », écrit le médecin biologiste Bernard Sablonnière, auteur de La chimie des sentiments. Euphorisant parce qu’il procure un sentiment de bien-être et de satiété qui nous donne « l’envie d’avoir envie » !

Les clés du désir et de l’amour

L’ocytocine

C’est l’hormone de l’attachement. Elle agit comme « liant » entre deux personnes en augmentant la confiance en l’autre. « Elle intervient dans tout ce qui donne un sens à la vie humaine. L’amour, la famille, nos enfants, nos amis : tous nos liens les plus chers dépendent de l’activité de cette hormone », explique la neurobiologiste Lucy Vincent, dans L’amour de A à XY. Le récepteur à ocytocine et à vasopressine, son complément, rend aussi plus sensible aux signaux émis par le partenaire.

Science

La chimie du désir

On tombe amoureux comme on tombe malade : tremblements, perte d’appétit, insomnie et hyperactivité sont parmi les symptômes qui accompagnent cette maladie chantée par les poètes. Et si c’était non pas l’amour, mais le désir qui nous donnait des ailes ?

L’amour passionnel est à l’origine des plus grandes œuvres et tragédies. Être consumé par le feu de l’amour et brûler de désir pour l’autre pourraient, cependant, être la seule et même affliction.

« Le désir s’inscrit dans un continuum. C’est un intermédiaire entre cette envie irrésistible de l’autre qui suit l’excitation sexuelle et l’amour », explique Jim Pfaus, professeur en psychologie à l’Université Concordia et spécialiste du comportement sexuel. Une fois qu’une personne est allumée, et consciente de l’être, l’étincelle s’embrase ! Et on ne l’éteint pas si facilement.

DROGUÉS D’AMOUR

Le désir prend la forme d’un coup de foudre ou s’installe de manière progressive. Parfois, avant même que le contact soit établi, le corps envoie des signaux qui témoignent de son excitation : les pupilles se dilatent, les pommettes rosissent, les lèvres se gonflent…

C’est alors que commence, souvent de manière inconsciente, un mouvement collectif à deux qui permet à la complicité de se mettre en place. Dans un jeu de miroirs, les partenaires potentiels cherchent à compléter les mouvements de l’autre : il touche ses cheveux, elle fait de même ; elle rigole, il rit. Une synergie propre au langage amoureux.

Le sexe est l’estampille qui viendra sceller cette union dans le temps. 

« Selon l’issue de la rencontre sexuelle, le désir va croître ou diminuer. Si c’est bon, cette personne sera bonne à garder, et on pourra alors se déclarer en amour. »

— Jim Pfaus, professeur en psychologie à l’Université Concordia

Alimentés par le degré de plaisir qu’ils retirent de cette union, les amants en viendront, au fur et à mesure que le jeu progresse, à souhaiter cet état encore et encore. « Chaque rencontre produit un sentiment de bien-être [et renforce l’attachement entre les deux partenaires], rendant chaque rencontre plus satisfaisante que celle de la veille », soutient la docteure en neurobiologie Lucy Vincent, dans son livre L’amour de A à XY.

Et c’est ainsi qu’on devient accro au désir – comme à une drogue dure – au point d’être en manque en son absence.

UNE TEMPÊTE CÉRÉBRALE

Bien qu’on ait situé l’amour dans le cœur, ce système de récompense serait plutôt le fruit d’une manigance du cerveau. « S’attacher, s’attirer, désirer, c’est d’abord établir une communication inconsciente entre les neurones », écrit le médecin biologiste et auteur de La chimie des sentiments, Bernard Sablonnière, dans un article publié dans le Huffington Post.

Dans les grandes lignes : le corps est dopé par les effets d’un cocktail de composés chimiques émis par les neurones, dont les principales clés sont l’ocytocine et la dopamine. Sous l’influence de cet élixir, différentes zones du cerveau s’allument, offrant en spectacle un véritable feu d’artifice visible grâce à l’imagerie médicale.

Tout se met alors en branle pour pousser un individu vers un partenaire potentiel : ses sens sont exacerbés, le rendant alerte aux signaux émis par sa cible (ses odeurs, ses caractéristiques physiques, la forme de son visage, sa voix…). Sous l’effet d’une poussée d’adrénaline, il a soudainement l’audace de s’en approcher. Suit la rencontre sexuelle, et une impression de bien-être, de satiété. Résultat : on en redemande !

L’individu amouraché devient ainsi victime de son corps et de son cerveau, au point d’en oublier bien des choses, jusqu’aux défauts de l’autre. « D’un point de vue neurobiologique, l’amour démontre deux choses : d’une part que les sentiments jouent bien un rôle essentiel dans la survie de l’espèce humaine ; d’autre part, que nous ne sommes “que des bêtes” », écrit Lucy Vincent dans son ouvrage.

VICTIMES DE NOS NEURONES ?

Dans l’infiniment petit, les phéromones – substances chimiques émises par certains animaux et qui constituent, chez certaines espèces, le seul mode de communication sexuelle – agiraient pour contribuer à la reproduction de l’espèce.

Mais si la potion prend avec certains animaux, explique la neurobiologiste, pour d’autres, dont l’humain, un parfum de phéromones dont on s’aspergerait n’arrivera jamais à provoquer cette magie du sentiment amoureux qu’entre deux êtres bien assortis. 

« [Les effets des phéromones] sont nuls s’il n’y a pas de prise de relais par les autres sens et en l’absence d’autres affinités que le regard, la conversation laissent deviner. »

— La neurobiologiste Lucy Vincent, dans son livre L’amour de A à XY

La mémoire aurait aussi son rôle à jouer dans cette danse amoureuse : « L’attirance prend racine dans les expériences passées, que ce soit les premières relations sexuelles satisfaisantes ou les premiers objets de fantasme, signale le professeur en psychologie Jim Pfaus. Nous brassons ensemble différents souvenirs en une soupe qui nous condamne, dans bien des cas, à aimer à répétition certains types de partenaires. » Mais pas en même temps, quand le désir – ou l’amour passionnel – est présent.

POURQUOI LUI ET PAS UN AUTRE

Nous serions programmés pour être des amoureux en série, observe l’anthropologue Helen Fisher, auteure de Why We Love. Une fois que ce partenaire idéalisé a été repéré, et que l’amour-passion se met en branle, il se produit un déclic. « La personne éprise d’amour concentrera toute son attention sur l’être convoité, souvent au détriment d’autres choses, dont le travail, la famille et les amis », écrit Helen Fisher. Élevé au rang de candidat hautement souhaitable, il fera également oublier tous les autres.

Pourquoi ? Parce que le désir conduit à l’attachement qui assure la protection de l’enfant qui viendra, et par le fait même, à la survie de l’espèce.

Le sentiment amoureux serait donc un complot de la nature pour nous permettre de nous reproduire, n’en déplaise aux poètes. Et tant que cette conspiration opérera, on aura encore de belles histoires d’amour à raconter !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.