Biblio

L’histoire de l’histoire

Voluptés ou la réalité de l’écriture de soi 

Marianne Apostolides

Traduction de Madeleine Stratford

La Peuplade

210 pages

3 étoiles et demie

D’entrée de jeu, Apostolides cite Barthes : « le langage est, par nature, fictionnel ». C’est que cette auteure torontoise est rusée. Elle écrit des récits, leur donne une vraisemblance, mais la nature de son écriture, fortement métaphorique, et ses propres réflexions, en filigrane tout au long du « recueil », nous baignent dans un entre-deux de fiction. Marianne Apostolides parle des peurs et des courages de son père dans la Grèce du siècle précédent, de ses souvenirs à elle et des mésaventures de personnages qui pourraient lui être proches ou pas du tout. Elle crée l’incertitude pour mieux nous happer dans des récits où il est question de désir, autre nom ici pour espoir, rapprochements humains, survie. D’où le titre : Voluptés. Celles du langage, en fait, qui permettent tous ces niveaux de lecture entremêlés et qui provoquent notre désir, comme lecteur, de comprendre, de deviner, de savourer. Cette stratégie d’écriture pourrait s’avérer lourde, or, c’est toute la science de l’auteure de la rendre facile par l’utilisation du rythme et des couleurs. Saluons d’ailleurs la traduction de Madeleine Stratford qui a dû en voir, justement, de toutes les couleurs afin de bien rendre l’énergie et la richesse de cette écrivaine canadienne à tenir à l’œil. — Mario Cloutier, La Presse

Extrait

Voluptés ou la réalité de l’écriture de soi, de Marianne Apostolides

« J’avais quatre histoires. Quatre souvenirs de mon père. Tu m’as poussé à te les raconter là-bas, aux abords de la chute, près de la fosse où pourrissent les pommes. Nous y étions allés plus tôt cette semaine-là : toi et moi. Toi, si belle, une beauté sauvage. Comme les roses que j’ai cueillies quand nous avons gravi la montagne : belles à pleurer. C’est pour toi que je les ai cueillies. J’étais dégoûté quand je t’en ai fait cadeau.

Je t’ai donné mes histoires, aussi. Quatre : un nombre limité, un petit nombre. Elles étaient à moi avant que tu me demandes à m’entendre là-bas, aux abords de la chute. Toi et moi et ton père ensemble. »

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