Souhaits à un ado full testo
À toi dont la testostérone commence à circuler dans le sang en cette année 2018, je voudrais dire ceci :
« Tu te promènes désormais avec une arme à chargement automatique entre les jambes. Et même si ce jouet peut se transformer en arsenal de destruction massive, la nature n’a malheureusement pas inventé de test psychologique pour décider quel homme serait trop dangereux pour en posséder. Mais si porter une telle arme est un état naturel, en assurer une utilisation responsable est un devoir auquel tu seras sévèrement assujetti et de ses dommages collatéraux, tu seras aussi tenu entièrement responsable.
« Aussi, en cas de doute ou de zone grise, demander à la personne en face de toi si elle est consentante demeure le choix le plus éclairé. Certains pensent faussement que cette façon de procéder peut casser le rythme. Mais cet argument ne tient pas la route, car le même règlement s’applique au port du condom. Lorsque ce plastique s’est invité de façon salvatrice dans la sexualité humaine, bien des mâles lui ont reproché d’être un casseur de momentum. Pourtant aujourd’hui, pour tous les gars responsables, se faire demander de prendre un condom ou de prendre la porte est devenu bien normal.
J’espère que cette année qui commence aidera ta génération à initier un nouvel équilibre dans les relations entre les hommes et les femmes.
« Depuis ta petite enfance, tu sais qu’il y a bien des bisous qui guérissent des bobos. Maintenant, tu dois savoir qu’il y a aussi des bisous qui causent des bobos qui ne guérissent pas. À l’aube de ta puberté, je souhaite que tes baisers guérissent, enivrent ou apaisent, mais qu’ils ne blessent jamais. Que tes caresses soient douces et tes bras rassurants. Que tes mains aident, soignent et se tendent vers les autres sans jamais prendre ou toucher ce qu’on ne leur a pas offert. Que ton cœur aime plus qu’il ne désire, mais que tes désirs ne soient jamais coupables. Que tes désirs ne soient jamais des ordres. Que ton oreille écoute et entende même ce qu’on ne te dit pas. Qu’elle croit ce qu’on lui raconte, même les choses difficiles à entendre, même ce non que tu souhaiterais être un oui. Que ton cerveau comprenne que ce non n’est pas le début d’un oui potentiel pour celui qui sait insister, mais une ligne claire qui sépare les séducteurs des criminels.
« Les premiers responsables de la violence sexuelle faite aux femmes, ce sont les hommes et ils doivent travailler à développer cette intelligence du cœur qui permet de réduire au silence et d’installer un solide cadenas sur cette part de notre animalité qui vivote constamment en nous. C’est ce que mon ami, le biologiste Cyrille Barrette, appelle le murmure des gènes. C’est la capacité d’utiliser les pouvoirs de notre gros cerveau pour étouffer ces chuchotements égoïstes de nos profondeurs qui sépare l’humain que tu es de son cousin le chimpanzé.
« L’homme le plus fort au monde, jeune homme, ce n’est pas le superhéros de tes histoires. C’est celui qui a le cœur assez grand, les idées assez claires et les reins assez solides pour traiter les femmes de la seule manière qui soit acceptable : avec respect. Et si un jour tu deviens cet homme, ce que je te souhaite de tout mon cœur, tu comprendras à quel point ce qu’on a trop longtemps appelé le sexe faible est d’une force incroyable pour avoir enduré (et endure encore) tout ce que les vrais faibles, ceux qui abusent de leur pouvoir, lui ont fait subir. Ces femmes, mon garçon, ce sont elles, les vraies héroïnes de notre monde. Et pas besoin de regarder très loin pour en trouver. En cette année 2018 qui commence, embrasse ta maman, tes tantes, ta grand-mère et souhaite-leur une bonne année de ma part. »
Bonne année 2018 à vous tous !
Erratum : Dans mon texte du 16 décembre, j’ai attribué à Anne Fausto-Sterling des informations qui viennent plutôt des écrits de René Hébert, qui est spécialiste français du développement des gonades. Merci à Michel Dorais, sociologue de la sexualité de l’Université Laval, pour cette correction.