Religion

Le Québec vu par ses évêques

Au début du mois, les évêques québécois ont visité le Vatican pour rencontrer le pape et les autorités ecclésiastiques. Ils ont décrit la désertion et la démolition des églises, la chute du nombre de mariages et de baptêmes ainsi que les changements sociaux concernant l’homosexualité et l’euthanasie. Et ont conclu que le Québec est maintenant une terre de mission. Extraits de leur rapport.

Sur l’espace public : « Même [les] manifestations traditionnelles de la foi catholique – crèche de Noël, crucifix, signe de croix ou prière en début de séance d’une instance démocratique – en sont venues à être considérées par certains comme indésirables dans l’espace public. »

Sur les limites de l’Église : « Nous prenons conscience chaque jour davantage des nouvelles limites et pauvretés de notre Église dans une société qui la perçoit de plus en plus comme un vestige du passé. »

Sur les abus sexuels :  « Ces crimes répugnants ont contribué à alimenter un fort ressentiment envers l’Église et envers la religion en général. Malgré tous les efforts déployés depuis un quart de siècle pour mettre en place dans nos institutions d’Église des mécanismes d’accompagnement, de vigilance et de guérison, ces tragédies humaines ont lourdement handicapé la capacité de notre Église d’être entendue. »

Sur les baby-boomers : « Leur attitude par rapport à la foi catholique est souvent marquée par une expérience personnelle de rupture, voire de rejet agressif. »

Sur les jeunes :  « Leur culture religieuse est faite de bribes d’information, d’impressions et d’idées reçues véhiculées par les médias populaires. Leur connaissance de l’Église est généralement partielle et superficielle, et souvent caricaturale. »

Sur la famille traditionnelle :  « Si on s’en tenait à cette définition dite “traditionnelle”, il faudrait dire à un bon nombre d’enfants au Québec que ce qu’ils appellent leur famille… n’en est pas vraiment une. Bien sûr, il est impossible et impensable qu’un professeur, un pasteur ou une catéchète tiennent de tels propos à des enfants. »

Audace et humilité

« Le pape nous a dit de parler avec audace et d’écouter avec humilité, dit Gérald Lacroix, l’archevêque de Québec. C’est une parole qui m’a frappé. Oui, on a l’Évangile à proclamer sur les grandes questions de la vie et de la société, mais il faut être humble, proposer sans imposer. Il nous a parlé des Actes des apôtres, qui décrivent comment, dans la culture romaine, juive et païenne, l’Évangile a fait son chemin tranquillement. » Plutôt qu’une seule rencontre avec le pape, les évêques en ont eu deux, dont une avec les chefs de « dicastères », les ministères du Vatican. « Nous avons aussi eu la joie de concélébrer la messe avec le pape dans la chapelle de sa résidence, Santa Marta. »

Des figures inspirantes

Les évêques ont l’intention de suivre l’exemple de six « figures inspiratrices des catéchètes » pour réévangéliser le Québec. En voici trois.

Jean de Brébeuf : Missionnaire jésuite, il a été brûlé vif en 1649 par les Iroquois. Il a été canonisé en 1930.

Marguerite Bourgeoys : Elle a fondé à Montréal la congrégation Notre-Dame au XVIIe siècle et a été la première enseignante de la Nouvelle-France. Elle a été canonisée en 1982.

Marie de l’Incarnation : Missionnaire ursuline, elle a converti des jeunes filles autochtones, puis enseigné à de jeunes Françaises de Québec au XVIIe siècle. Elle a été canonisée en 2014.

Retour sur la « fête de l’amour »

Au printemps 2016, une paroisse du diocèse de Chicoutimi avait transformé une fête habituellement réservée aux couples depuis longtemps mariés en une « fête de l’amour » ouverte aux couples en union libre ou homosexuelle. Des critiques dans des médias catholiques américains de droite avaient obligé l’évêque de Chicoutimi, André Rivest, à désavouer le projet. Il en a été question à Rome. « Le pape nous a dit que ce genre de situation n’est jamais simple, dit Mgr Lacroix. Il faut être prudent, mais bien accompagné. Toute personne est toujours la bienvenue, il y a des choses qu’on ne peut pas cautionner, qu’on ne peut pas bénir. Mais personne n’est jamais exclu, il y a toujours de la place. »

La croix et le drapeau

Le rapport des évêques remis au pape note qu’on retrouve sur le drapeau du Québec une croix « évoquant la foi chrétienne ». Ont-ils peur qu’un mouvement semblable à celui qui réclame le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale vise le fleurdelisé ? « Est-ce qu’on garde un signe chrétien sur le drapeau ? C’est une question qui peut être posée. Nous, on pense que la croix a sa place dans la logique de la mémoire et de l’histoire », dit Christian Lépine, l’archevêque de Montréal. « Mais c’est une discussion qui doit être faite à l’Assemblée nationale, pas parmi les évêques. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.