énergie

Le New Hampshire inflige un revers à Hydro-Québec en bloquant la voie au projet Northern Pass. Mais la société d’État a d’autres options pour vendre son électicité au Massachusetts.

Énergie

Coup de frein pour le gros contrat d’Hydro

Les réjouissances n’auront pas duré pour Hydro-Québec. À peine une semaine après avoir décroché un contrat de 10 milliards de dollars sur 20 ans au Massachusetts, la société d’État a appris, hier, que le projet de ligne de transport par laquelle devait transiter cette électricité, Northern Pass, était rejeté par l’État du New Hampshire.

Dans une décision unanime, les sept membres du comité de sélection de sites (SEC) du New Hampshire ont rejeté le projet du promoteur américain Eversource, partenaire d’Hydro-Québec. Cette décision met donc un frein, pour l’instant, à la construction de la ligne d’environ 310 kilomètres qui devait acheminer l’électricité produite par Hydro-Québec entre la frontière américaine et l’État du Massachusetts.

Les répercussions sur le contrat décroché la semaine dernière par Hydro-Québec sont encore incertaines, selon la société d’État. Plusieurs variables sont encore en jeu.

D’abord, Eversource a indiqué hier, dans les minutes qui ont suivi la décision, son intention d’en appeler dès qu’elle le pourra. Elle doit d’abord attendre la production d’une version écrite de la décision du comité.

« Nous sommes sous le choc et indignés par cette décision », a fait savoir l’entreprise dans une déclaration écrite.

« Le processus n’a pas respecté les règles du New Hampshire et ne reflète pas l’importante preuve au dossier. […] Nous allons demander une reconsidération de la décision du SEC et revoir toutes les options pour faire avancer ce projet critique d’énergie propre. »

« Développement ordonné »

Les membres du SEC devaient déterminer si le projet Northern Pass répondait à quatre critères (voir encadré).

Ils s’étaient déjà entendus à l’effet qu’Eversource disposait des ressources financières et techniques pour mener le projet à bien. Ils ont toutefois buté dès l’évaluation du critère suivant, à savoir si le projet allait « indûment interférer avec le développement ordonné de la région ».

Selon des médias locaux, les membres du comité ont dès lors déterminé qu’il valait mieux cesser immédiatement les débats. Les troisième et quatrième critères n’ont donc pas été abordés. Selon le New Hampshire Union Leader, cela aurait d’ailleurs fait objet de débats entre membres du comité. Certains craignaient de ne plus avoir la mémoire fraîche si le projet devait leur être renvoyé au terme d’un appel, ou encore de fragiliser leur décision face à un appel.

Pas irrévocable, dit Moreau

Pour le ministre de l’Énergie, Pierre Moreau, la décision du SEC, même unanime, n’est pas irrévocable. Eversource « estime que la décision du comité n’est pas conforme aux dispositions législatives », de souligner M. Moreau, joint à Mexico où il se trouve pour une mission économique avec Hydro-Québec.

« C’est une étape. Je ne veux pas minimiser l’importance de la décision du comité, insiste M. Moreau, mais elle ne me paraît pas être finale, être le bout de la route. »

D’autres sources au gouvernement conviennent toutefois que la décision du comité, bien qu’elle n’entraîne pas la mort du projet, reste une mauvaise nouvelle pour Hydro, qui espérait des recettes de 10 milliards en 20 ans de son entente avec le Massachusetts.

« Loin de baisser les bras, on va regarder si la décision peut faire l’objet d’une révision, s’il peut y avoir des exceptions décidées au niveau politique », indique M. Moreau.

« Le gouverneur du New Hampshire s’était montré très favorable au projet de Northern Pass, il y a 3 milliards de retombées économiques avec la construction. »

— Pierre Moreau, ministre de l’Énergie

Pas étonnant, selon un expert

Spécialiste des questions énergétiques, le professeur Jean-Thomas Bernard croit aussi que la décision du comité n’est pas irrévocable.

Cette décision « n’est pas très étonnante, le New Hampshire n’agit que comme territoire de transit, il peut se demander “Pourquoi chez nous ?” puisque cela ne vise que le Massachusetts ».

Déjà 70 kilomètres sur 310 vont être enfouis, et la partie extérieure suit une ligne de transmission qui existe déjà, note le professeur de l’Université d’Ottawa.

Politiquement, « le président peut toujours intervenir, mais cela prend une cause nationale ».

Après la panne d’électricité de 2003 à New York, le président George W. Bush était intervenu pour forcer le Connecticut à consentir à la mise en service d’une ligne souterraine d’Hydro-Québec avec Long Island. Le débat avait duré pendant des années, mais la panne avait décidé Washington à intervenir. Hydro avait vendu la ligne par la suite.

Les quatre critères du SEC

– Le soumissionnaire dispose des capacités techniques, financières et administratives pour assurer la construction et l’opération.

– Le projet n’interférera pas indûment avec le développement ordonné de la région.

– Le projet servira l’intérêt public.

– Le projet n’aura pas de répercussions défavorables déraisonnables sur l’esthétique, la qualité de l’air ou de l’eau, l’environnement, les sites historiques ou encore la santé ou la sécurité publique.

Énergie

Des options sans le New Hampshire

Même si elle devait échouer définitivement, la construction de la ligne Northern Pass ne signifierait pas nécessairement la fin pour Hydro-Québec du projet de vendre son électricité au Massachusetts. La société d’État dispose d’au moins deux autres options qui évitent le New Hampshire.

« Nous allons d’abord laisser à Eversource le temps d’évaluer tout ça et d’analyser ses recours », a précisé la porte-parole d’Hydro-Québec, Lynn St-Laurent.

« Il y a toujours eu un plan B et un plan C, qui sont toujours sur la table », a ajouté un autre porte-parole, Serge Abergel.

L’État du Massachusetts avait choisi Hydro-Québec et Northern Pass au terme d’un appel d’offres regroupant une quarantaine de propositions. Deux des propositions non retenues provenaient aussi de la société d’État québécoise, mais impliquaient des partenaires – et des tracés –  différents.

La signature du contrat entre Hydro-Québec, Eversource et le Massachusetts était sujette à l’obtention des autorisations réglementaires. Il était impossible hier de savoir si la décision rendue serait suffisante pour convaincre le Massachusetts de disqualifier la proposition gagnante.

Si ça devait être le cas, le contrat serait octroyé à la deuxième soumission jugée la plus intéressante. L’identité de celle-ci, qui pourrait être l’une des deux autres portant le nom d’Hydro-Québec, est encore inconnue.

« Nous savons que nos coûts sont parmi les plus compétitifs, nous sommes en bonne position de ce côté. »

— Serge Abergel, porte-parole d’Hydro-Québec

L’option de la ligne Northern Pass était la plus intéressante parce qu’il s’agissait du projet le plus avancé en termes d’obtentions de permis. Le projet avait déjà obtenu le permis présidentiel lui donnant la sanction fédérale, ce qui permettait d’envisager des premières livraisons dès 2020.

Les deux autres options d’Hydro-Québec, les lignes New England Clean Power Link et New England Clean Energy Connect, ne seraient pas prêtes avant 2022, même si la première a elle aussi reçu un permis présidentiel. Elles passent respectivement par le Vermont et le Maine.

Selon M. Abergel, le délai supplémentaire ne devrait pas trop nuire à la position concurrentielle des deux projets, la plupart des autres soumissionnaires étant dans la même position. « Northern Pass était l’exception en termes d’avancement. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.